L'éditeur catalan Quim Torra, accusé par ses adversaires de nationalisme xénophobe, a été élu lundi président de la Catalogne en promettant de suivre les instructions de Carles Puigdemont qui l'a chargé de continuer la lutte pour l'indépendance de cette région d'Espagne. Cet homme de 55 ans, sans autre expérience politique qu'un mandat de député régional depuis quelques mois, est un indépendantiste pur et dur, inconditionnel de l'ex-président en exil qu'il considère comme «le président légitime». «Vive la Catalogne libre !» a lancé après son élection par 66 voix contre 65, ce père de trois enfants, qui a promis de travailler «sans relâche» à la construction d'une République indépendante. Il a reconnu lui-même que son mandat n'était que «provisoire», jusqu'à l'éventuel retour de Carles Puigdemont qui attend en Allemagne que la justice se prononce sur une demande d'extradition de Madrid. D'où les épithètes de «pantin», «homme de paille» et «marionnette d'un Puigdemont ventriloque» que lui a décernées la presse espagnole. M. Puigdemont avait été destitué de ses fonctions par le gouvernement espagnol quand celui-ci avait pris le contrôle direct de la Catalogne le 27 octobre et convoqué de nouvelles élections après la tentative de sécession de cette riche région du nord-est du pays. Puis, il avait fui l'Espagne avant le déclenchement des poursuites judiciaires contre 25 dirigeants séparatistes inculpés de rébellion. 9 sont en détention provisoire et 7, comme lui, en exil. Malgré son succès aux élections régionales de décembre, où les séparatistes ont conservé une majorité de sièges, Carles Puigdemont a été empêché par la justice de se faire réélire comme chef de l'exécutif depuis l'étranger. Il s'est résigné à laisser la place mais en désignant un successeur sans allégeance à aucun parti. Puigdemont s'est choisi "un membre éminent de la ligne dure de l'indépendantisme qui ne répond qu'à lui», a commenté Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Barcelone. Le ton aimable et posé de Quim Torra, forte carrure, large front dégarni au dessus de lunettes épaisses, contraste avec ses écrits récupérés par l'opposition, qui le traite de «suprémaciste» et «ultranationaliste» catalan. Dans une série d'articles en ligne, il traitait l'Espagne de «pays exportateur de misère» et qualifiait de «charognards, vipères et hyènes» ceux qui ne défendent pas comme lui la culture et la langue catalane. Il avait même jugé «nécessaire» une tentative de soulèvement armé comme celui qu'avait envisagé Francesc Macia, président de Catalogne de 1931 à 1933, contre la dictature militaire de Miguel Primo de Rivera (1923-1930). Les Espagnols, qu'il présente comme des «occupants», «ne savent que spolier», avait-il tweeté en 2012. Les tweets avaient depuis été effacés mais conservés par des adversaires. «Je regrette que des tweets sortis de leur contexte, visant le gouvernement espagnol, aient pu offenser quelqu'un», a-t-il répondu lundi. Natif de la ville catalane de Blanes, sur la Costa Brava, Quim Torra avait fait une longue carrière au sein la compagnie d'assurances suisse Winterthur, avant de mettre à profit son indemnité de licenciement pour fonder en 2008 une maison d'édition, A Contra Vent, spécialisée dans la récupération de textes de journalistes catalans de la Seconde république espagnole (1931-1939) et de l'exil pendant la dictature de Francisco Franco. Il s'est alors fait un nom dans les cercles nationalistes catalans et avait fait partie de la direction de la puissance association ANC, organisatrice d'immenses manifestations indépendantistes avant de présider brièvement l'autre grande association indépendantiste, Omnium Cultural, en 2015. Il a dirigé jusqu'en 2015 le Centre culturel du quartier barcelonais El Born, qui présente les ruines des remparts de Barcelone, prise par les troupes royalistes en 1714 lors d'une guerre de succession, comme la preuve de la perte d'une «indépendance» de la région.