De notre bureau de Bruxelles, Aziouz MokhtariLes massacres commis par Israël à Ghaza imposent un ordre des jours pour les musulmans de Belgique en ce début de Ramadhan. Depuis hier, tout se déroulait et se discutait autour des nombreux morts, tous civils et pour la plupart adolescents tués par l'armée israélienne. Les médias aux ordres disent et écrivent Tsahal pour brouiller davantage. Les jeûneurs, fervents porteurs de la foi musulmane ou occasionnels du rite — parce qu'il «faut», «c'est ainsi», «lazam», «c'est notre tradition»— ne sont pas pressés de faire leurs emplettes. Les commerçants tant originaires du monde dit «arabo-musulman» qu'européens flairant la bonne affaire du mois sacré ne rendent pas la vie plus difficile que ça. Les prix n'augmentent pas et beaucoup vont jusqu'à faire des promotions «sacrées». Alors que les marchandises sont enjolivées. Les marchés orientaux et/ou maghrébins (Clemenceau, Saint-Fosse, Gare du Midi, Molenbeek, Schaerbeek) connaissent une ferveur exceptionnelle. Viande(s) halal, friandises, dattes, la Deglet-Nour algérienne règne en maîtresse ; partout, dioul, pains de toutes sortes sont exposés et magnifiés. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Le fisc et les organes de contrôle belges ne sont pas toujours loin et peuvent sévir à tout moment. «Ramadhan ou pas», relève ce gros intermédiaire en viandes rouges, juif d'origine algérienne et très apprécié par les communautés religieuses d'ici, tant musulmane, judaïque que d'obédience chrétienne, pour son savoir-faire, la qualité de son produit et ses paroles de bon sens. Sur Ghaza, Hamoud pour les Algériens, Hamma pour les Tunisiens et «Lihoudi» pour les autres, il n'esquive pas. Il est contre le fait qu'on assassine des gens, «chaque être humain a le droit de vivre». «Un Etat n'est pas là pour tuer, mais pour protéger.» Hamoud ne se fait pas beaucoup d'illusions sur les chances de la paix «là-bas». «Depuis que Rabbin et Arafat ne sont plus là, je ne vois pas comment on peut régler le problème». «Mais, en ce qui me concerne, je ne me sens ni israélien, ni palestinien, je suis belgo-algérien.» Rendez-vous est pris pour l'après-f'tour pour une offrande difficile à refuser... de la zlabia de Boufarik. Il est vrai, aussi, et c'est à relever, que depuis les attentats qui ont explosé Bruxelles l'an dernier, les mouvements fondamentalistes, les appelant au djihad et les docteurs de la mise à nu de l'Islam se font discrets, laissant passer l'orage, et retravaillent leurs façons d'agir... A Molenbeek, quartier d'où les attentats qui ont endeuillé la France l'an dernier, l'ambiance n'est pas différente... Les gens accueillent le Ramadhan comme partout le font les autres croyants pratiquants. Plusieurs manifestations de dénonciation de l'horreur israélienne sont prévues dans la capitale belgo-européenne et organisées par des jeûneurs, des non-jeûneurs, des musulmans et des non-musulmans ; d'un mot des femmes et des hommes ulcérés par les pratiques d'Israël. Tenter de rentrer chez moi, est-ce un acte terroriste ? La question n'a pas été abordée en ce premier jour de Ramadhan. A. M.