La Kalaâ Timici, dans la commune de Taougrite (70 km du chef-lieu de la wilaya de Chlef), est l'un des vestiges attestant du passage de la civilisation romaine dans le massif montagneux du Dahra, où elle est considérée comme le témoin d'une époque de prospérité dans cette région, durant les premiers siècles de l'ère chrétienne. Le site est actuellement protégé et classé par la force de la loi, mais il n'en demeure pas moins qu'il est sujet à nombre d'atteintes de la part des populations riveraines, qui menacent l'identité historique de ce lieu, destiné à être promu en une destination touristique, selon les aspirations des autorités locales. Fouilles illégales, constructions anarchiques dans son périmètre, cultures agricoles et vols de pierres sont les atteintes les plus courantes menaçant la Kalaâ Timici, dont le classement remonte à 1905 par le colonialisme français, avant son reclassement après l'indépendance (1967), suite au décret n°67-281 relatif aux fouilles et à la protection des sites archéologiques. «Les atteintes à la Kalaâ Ouled Abdellah (autre appellation de cette kalaâ) sont imputées au manque de culture patrimoniale chez certains», a estimé à ce propos la directrice de la culture de wilaya, Fatima Bekara, soulignant les efforts consentis par ses services pour sensibiliser le citoyen sur l'intérêt et l'importance du site, notamment à travers nombre d'activités visant l'ancrage d'une culture de sauvegarde du patrimoine matériel et de sa valorisation, abritées par le site au titre du «Mois du patrimoine» (18 avril-18 mai), a-t-elle fait savoir. La responsable, qui a fait cas de l'enregistrement d'une atteinte contre le site, durant ces deux derniers mois, a, également, fait part d'une requête introduite auprès des autorités locales, en vue d'«interdire les constructions anarchiques et les activités agricoles dans son périmètre», exprimant son souhait que le site bénéficie d'une clôture pour sa protection, d'autant plus, a-t-elle ajouté, que la kalaâ est destinée à être promue en «une destination touristique de choix susceptible de soutenir l'économie locale», au titre d'un plan de protection et de mise en valeur des sites archéologiques et de leur zone de protection, attendu à la mise en œuvre, à l'horizon 2019. Cette préoccupation est partagée par la chef de daïra de Taougrite, Nadia Nabi, qui, après avoir souligné l'impératif de protection et de valorisation de la Kalaâ Ouled Abdellah, a fait cas d'une démarche consentie, par ses services, afin d'intervenir dans les cas de constructions anarchiques, tout en sensibilisant les citoyens sur la valeur historique des lieux. «La coordination des efforts avec la direction de la culture a abouti à la désignation d'un agent pour la surveillance du site, au moment où des patrouilles de contrôle seront effectuées par les services de la Protection civile pour empêcher de nouvelles atteintes contre ce site archéologique», a-t-elle encore signalé. Pour évaluer l'intérêt accordé par les populations riveraines à la kalaâ, l'APS s'est rapprochée de citoyens, dont certains, à l'image de Mohamed (un retraité), ont estimé qu'il s'agit là d'un «témoin du passage de civilisations humaines anciennes dans la région», ayant besoin de valorisation pour en faire une destination touristique, qui rapportera des revenus supplémentaires à la commune. Il a, également, déploré certaines atteintes au site liées au trafic de pièces archéologiques, entre autres, tout en appelant les parties concernées, la presse notamment, à davantage d'actions de sensibilisation sur le sujet en direction des citoyens. A l'opposé de cette conception, Abdelkader (un travailleur journalier) s'est dit «non concerné» par ce type de «questions». «Quant on est père de cinq enfants à nourrir, ont est beaucoup plus intéressé par les moyens de gagner sa croûte, les autres choses sont reléguées au second plan», a-t-il lâché. «Le rôle de l'école, de l'université et de la mosquée est primordial dans l'ancrage d'une culture patrimoniale chez les citoyens de la région», a estimé, à cet effet, le professeur en sociologie et anthropologie, Miloud Bouazdia, de l'université de Chlef, soulignant l'«impérative contribution de la société civile, des autorités locales et du citoyen dans cette entreprise». Cet universitaire n'a pas omis de relever l'existence d'une divergence de vision chez les gens, à propos des civilisations anciennes, que «certains considèrent comme des civilisations païennes (ou impies) ne méritant pas d'intérêt», au moment où il s'agit, a-t-il dit, d'une «leçon d'histoire et de mémoire pour éviter la rupture avec les prochaines générations», estime-t-il. D'où la nécessité, selon lui, de valoriser ces vestiges historiques, à l'image de la kalaâ Ouled Abdellah, «pour perpétuer la mémoire collective, car celui qui n'a pas d'histoire n'a pas d'avenir», affirme avec conviction M. Bouazdia. Lui emboîtant le pas, le chercheur et archéologue Djamel Mohamed Hasnaoui a plaidé pour une «étude plus approfondie de ce site archéologique», dont une équipe de chercheurs de l'université d'Alger, qui y a effectué des fouilles, a confirmé l'importance, a-t-il fait savoir. La Kalaâ Timici a été construite sur une crête, d'où elle domine la région de Sidi-Aïssa (commune de Taougrite), suscitant ainsi la curiosité des chercheurs en archéologie de par la singularité de son lieu d'implantation, loin de toute source d'eau, a-t-il souligné. Les découvertes effectuées sur site sont autant d'indices sur le mode de vie de l'époque, telles de nombreuses citernes creusées dans la roche (absence d'eau oblige), outre des stèles sculptées dans le roc remontant à l'ère d'avant- Jésus-Christ. Selon ce spécialiste, cette ville romaine a dû connaître une période de prospérité au Ier siècle avant Jésus- Christ, avant de voir toute forme de vie disparaître à partir du IIIe siècle après Jésus-Christ «probablement à cause du manque d'eau», a-t-il estimé, signalant, en outre des vestiges d'un caveau creusé dans le flanc de la montagne, ce qui indique qu'il y avait probablement un cimetière. Des spécialistes du domaine ont, également, souligné la position stratégique du site permettant de protéger la ville d'éventuels assauts étrangers ou de facteurs naturels.