Une vidéo diffusée sur internet par une ancienne journaliste algérienne provoque actuellement une grande polémique entre l'Algérie et l'Union européenne. A demi-mot, l'UE est accusée d'avoir versé, ou du moins soutenu une opération politique malsaine visant à ternir son image. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Alger est en colère. Une journaliste algérienne naturalisée belge a utilisé l'espace du Parlement européen pour tourner une vidéo dans laquelle elle s'en prend de manière peu élogieuse au Président Abdelaziz Bouteflika et à son entourage immédiat. Les termes sont forts, parfois indécents. La vidéo circule dans un premier temps dans des cercles limités, et ne rivalise en rien avec les autres commentaires ou images du genre qui circulent à foison sur le net. Un communiqué de l'ambassade d'Algérie à Bruxelles la fait pourtant sortir du lot. Elle y dénonce l'utilisation du symbole de l'UE et de l'espace du Parlement «pour porter atteinte à l'image et aux symboles de l'Etat algérien», et fustige la journaliste, une ancienne correspondante de l'ENTV à Bruxelles, accusée d'obéir à «une feuille de route». L'ambassade annonce également avoir entrepris des démarches officielles auprès des différentes instances de l'Union européenne pour dénoncer «l'utilisation frauduleuse de l'espace du Parlement européen». La vidéo fait désormais le buzz. L'affaire prend de l'ampleur. Le ministère des Affaires étrangères réagit à son tour en convoquant John O'Rouk, l'ambassadeur de l'Union européenne à Alger. Il est reçu par Nourredine Ayadi, secrétaire général du MAE qui s'insurge contre le fait que les symboles de l'Union européenne aient été utilisés pour filmer cette vidéo et demande à ce que cette dernière se démarque publiquement de «cette manœuvre». Le message transmis ne semble pas passer. A sa sortie du ministère, John O'Rouk donne à son tour son point de vue et se focalise sur l'aspect relatif à la liberté d'expression. «Nous avons souligné aux autorités algériennes que les journalistes accrédités auprès des institutions européennes ne parlent pas au nom des institutions mais en leur propre nom, en ligne avec les principes de liberté d'expression et liberté des médias», écrit-il. Tels que présentés, les propos sont perçus comme une nouvelle offense à l'Etat algérien. Le ministère des Affaires étrangères a réagi une nouvelle fois hier à travers son porte-parole. Ce dernier estime que la réponse de John O'Rouk «n'engage que sa personne» alors que l'Algérie s'attend, elle, à une réponse officielle «conforme aux usages et pratiques consacrés par la diplomatie». Il affirme également que «ce tweet est aux antipodes de la partie algérienne et qu'il ne répond pas aux objets de la convocation qui consistait exclusivement à demander des clarifications au sujet du détournement des armoiries de l'Union européenne et des moyens mis par celle-ci à la disposition des médias pour s'en prendre à l'Algérie, à ses symboles et à ses institutions alors que ces moyens sont censés servir exclusivement à la couverture des activités des institutions européennes». Il faut savoir que les journalistes accrédités auprès du Parlement européen sont régis par des règles bien définies. Les médias concernés sont ainsi autorisés à utiliser l'espace et les symboles du Parlement pour des couvertures liées aux institutions européennes, et, dans un second cas, s'ils sont parrainés par un eurodéputé. La vidéo incriminée ne s'inscrit pas, elle, dans le premier cas de figure, Alger veut, par conséquent, faire la lumière sur le soutien dont a bénéficié l'ancienne correspondante de l'ENTV pour pouvoir agir de la sorte. Le fait que l'ambassadeur de l'Union européenne passe outre le fond de la problématique posée par le pays semble avoir renforcé le doute sur l'existence d'une «manœuvre». L'absence d'une réponse officielle serait, quant à elle, considérée comme une confirmation des soupçons qui pèsent. En attendant, la tension monte entre Alger et l'UE. A. C.