Le monde se porterait beaucoup mieux sans les «sacrificateurs» de tout poil. Depuis l'aube de l'Humanité, on offrait des sacrifices humains pour apaiser la colère de dieux qui, on s'en est rendu compte plus tard, n'existaient même pas. On croyait que cette sinistre rhétorique était l'apanage de «religieux». Dans le chapitre «La guerre du Golfe, une maladie mentale» de son livre The emotional life of nations (Karnac Books, 2002), Lloyd deMause a écrit : «Une des raisons qui favorisèrent la victoire électorale de George Bush fut sa conviction souvent affirmée que ‘'nous devons tous faire des sacrifices''. Tandis que l'économie continuait à progresser en 1989 et 1990, il réalisa inconsciemment qu'il devait faire quelque chose de dramatique pour arrêter cette expansion afin que les gens cessent de consommer et provoquent une récession qu'ils puissent ressentir comme une punition. Son propre moral était affecté par les messages culpabilisants des médias, autant que par sa consommation d'Halcion, un psychotrope qui peut rendre le consommateur si maniaco-dépressif qu'il en devient suicidaire.» Plus loin, le penseur américain écrit aussi : «Dans les mois qui précédèrent la crise du Golfe, les magazines américains — à travers images et caricatures — commencèrent à exprimer des désirs de mort à l'égard de la jeunesse, suggérant inconsciemment un sacrifice (...) Ces images étaient identiques aux pratiques bien réelles de l'Antiquité au cours desquelles des enfants étaient sacrifiés en masse pour apaiser les dieux et expier les péchés de la communauté.» Ainsi les gens, sous l'influence de croyances survivantes de l'Antiquité, ressentent un sentiment de culpabilité (paradoxalement) durant les périodes où ils vivent bien et souvent inconsciemment en appellent aux «sacrifices» et aux «punitions». Il ne se passe pas un jour sans une apologie du «sacrifice» quelque part. Dernièrement, quelqu'un a lancé ce genre d'appel en l'attribuant à un artiste algérien disparu, sans risquer ainsi de démenti. «La vie et la mort sont belles. De mon côté, je préfère me sacrifier jeune (pour ses idées et sa cause) que de mourir de vieillesse dans mon lit», a-t-il, à peu près, écrit. La mort est belle ? Il n' y a pas plus bête que de dire ça. Isaac Newton, Einstein, Pasteur, Graham Bell, Thomas Edison, Fleming, Pierre et Marie-Curie sont tous morts dans leurs lits, parfois de vieillesse. Leurs réalisations servent l'Humanité jusqu'à aujourd'hui. K. B [email protected]