Par Kader Bakou L�homme a march� sur la Lune, mais la nature humaine a-t-elle pour autant chang� ? Dans son ouvrage The emotional life of nations, l�Am�ricain Lloyd deMause �crit que la guerre qu�ont men�e les Am�ricains contre l�Irak en 1991 �tait un rituel sacrificiel similaire aux rituels des civilisations antiques et qu�il �tait destin� � regonfler le moral de la nation. Un bouc �missaire est compris aujourd�hui comme �tant un �faux coupable �. Son origine est tr�s ancienne. C�est un individu choisi par le groupe auquel il appartient pour endosser, � titre individuel, une responsabilit� ou une faute collective. Le terme de �bouc �missaire � provient de la traduction grecque de �bouc � Azazel�, un animal portant sur lui tous les p�ch�s d'Isra�l. La notion de sacrifice de substitution est aussi int�gr�e � la th�matique chr�tienne : J�sus �tant pr�sent� dans les �vangiles comme un agneau immol�, expiant les p�ch�s du monde en mourant sur la croix. Dans son livre Le Bouc �missaire (1982), le Fran�ais Ren� Girard, philosophe, anthropologue de la violence et du religieux, se penche sur cette pratique. Il explique que le ph�nom�ne du bouc �missaire est un ph�nom�ne collectif. C�est la r�ponse inconsciente d�une communaut� � la violence end�mique que ses propres membres ont g�n�r�e au travers des rivalit�s mim�tiques. C�est, explique-t-il encore, la loi du �tous contre un�. Elle a pour fonction d�exclure la violence interne � la soci�t� vers l�ext�rieur de cette soci�t�. Mais, poursuit-il, pour que cela soit possible, il faut que la mise en �uvre du rituel du bouc �missaire reste cach�e et que la violence r�sultant de cet acte n�entra�ne pas une escalade de violence, d�o� la n�cessit� d�un �typage� des victimes (elles ne sont pas choisies au hasard). En outre, il faut que les gens soient persuad�s de la culpabilit� du bouc �missaire et (dans une moindre mesure) que les victimes soient persuad�es d��tre coupables. En r�sum�, pour Ren� Girard, le bouc �missaire est le m�canisme collectif permettant � une communaut� archa�que de survivre � la violence g�n�r�e par le d�sir mim�tique individuel de ses membres (m�me si la d�termination des d�sirs est, pour une tr�s large part, collective). Le bouc �missaire d�signe �galement l�individu, n�cessairement coupable pour ses accusateurs mais innocent du point de vue de la �v�rit�, par lequel le groupe, en s�unissant contre lui, va retrouver une paix �ph�m�re. La th�orie du bouc �missaire, selon d�autres chercheurs, est fond�e sur la notion de frustration-agression. L�Am�ricain John Dollard dit qu'un groupe compos� d'individus diff�rents peut se servir d'un bouc �missaire pour s'unir, ou se r�unir. Selon lui, le comportement agressif r�sulte d'une frustration, c'est-�-dire d'une impossibilit� d'atteindre ses objectifs. L'agression est tourn�e de mani�re privil�gi�e vers la source de la frustration, mais si celle-ci est absente ou non accessible, l'agression est d�plac�e vers un bouc �missaire, la cible la plus facile (groupes minoritaires). L�homme (individu) n�a pas �volu� vers le mieux. L�humanit� aussi ne s�est pas d�barrass�e de ses vieux d�mons. K. B.