Le constat établi de visu durant le mois de Ramadhan, en juin dernier, sur les marchés par le commun des Algériens s'est confirmé par les chiffres officiels de l'Office national des statistiques (ONS) qui nous apprennent que, durant la période allant de juillet de l'année dernière à il y a un mois, l'inflation, ou l'évolution des prix à la consommation, a été de 4,6%. Et puis, comparée au mois de mai qui le précédait, la variation des prix à la consommation a augmenté de 1,1% en juin. De l'inflation et d'autres indicateurs macroéconomiques, on risque d'en parler beaucoup plus souvent dans les mois qui viennent, et ce, eu égard aux choix stratégiques adoptés par les pouvoirs publics dont, évidemment, le recours au financement non conventionnel, ou la planche à billets, et les «méfaits» qu'il induit généralement, pour ne pas dire tout le temps, est la première des raisons. Surtout quand on sait que de ce controversé usage de la machine à produire les billets, ces mêmes pouvoirs publics n'ont pas lésiné, comme le révélaient les chiffres de la Banque d'Algérie le mois dernier. Il n'est pas inutile de rappeler, en effet, que jusqu'à la fin du premier trimestre de cette année, ce sont 3 585 milliards de dinars qui ont été émis, soit un peu plus de 30 milliards de dollars, pour les besoins de financement d'un plan devant s'étaler sur cinq ans. Des besoins très conséquents qui se chiffrent à 1 815 milliards de dinars, l'équivalent de plus de 15 milliards de dollars, pour cette année, alors qu'en 2019, ces besoins de financement du Trésor public devraient être moindres puisqu'ils devraient se chiffrer à 580 milliards de dinars, soit un peu moins de 5 milliards de dollars, selon les chiffres officiels. Des milliards de dinars en plus qui, a-t-on tout le temps assuré, seront stérilisés, et donc ne devraient pas produire d'effet inflationniste, contrairement à ce qui est craint par les spécialistes d'ici et d'ailleurs dont, bien entendu, le Fonds monétaire international (FMI) qui n'a pas manqué, dans tous ses rapports sur la situation économique du pays et sur ses prédictions, d'attirer l'attention des autorités algériennes, dans le rapport rendu public à la mi-juillet, en recommandant que «la politique monétaire doit être indépendante et viser à maîtriser l'inflation. A cet égard, les autorités sont encouragées à se tenir prêtes à durcir la politique monétaire si des tensions inflationnistes se manifestent. Ils déconseillent le financement monétaire du déficit, mais si celui-ci se poursuit, il est nécessaire de mettre en place des mesures de sauvegarde pour en atténuer l'impact négatif, dont des limites temporelles et quantitatives. Dans ce contexte, on salue l'engagement de la banque centrale à stériliser, le cas échéant, les liquidités apportées par le financement monétaire». Des recommandations très conciliantes qui n'effacent pas l'avis du FMI selon lequel «les nouvelles mesures risquent d'aggraver les déséquilibres, accentuer les tensions inflationnistes et accélérer la perte de réserves de change. En conséquence, il se peut que l'environnement économique ne devienne propice ni aux réformes, ni au développement du secteur privé». En attendant de voir de façon plus ample ce à quoi donnera lieu comme indicateurs le recours à la planche à billets, il y a eu donc en milieu de semaine dernière cette livraison des chiffres de l'inflation jusqu'à fin juin dernier par l'ONS. On a ainsi appris que l'indice général des prix à la consommation au niveau national, au mois de juin dernier, était en hausse de 1,2% par rapport au mois de mai. Les prix des biens alimentaires affichent une variation de près de +2,0%. Le constat est établi sur la base d'observation des prix effectuée auprès d'un échantillon de 17 villes et villages représentatifs des différentes régions du pays. Pour référence, la capitale a enregistré une hausse de 1,1% en juin 2018 par rapport au mois de mai, soit une variation nettement supérieure à celle observée au même mois de l'année 2017 (+0,3% en juin 2017 par rapport au mois précédent) note le rapport de l'ONS qui juge cette tendance positive d'un peu plus d'1% de moindre ampleur que celle enregistrée en mai dernier (+1,8%). «Les prix des produits agricoles frais se distinguent par une variation de +3,2%, induite par l'augmentation, essentiellement, des prix des légumes (+6,6%), de la viande blanche (+9,6%) et de la pomme de terre (+22,6%). Toutefois, des baisses caractérisent les prix des œufs (-14,4%) et ceux des poissons (-15,1%)», nous apprennent les statisticiens de l'ONS qui situent finalement l'évolution des prix à la consommation en rythme annuel, c'est-à-dire l'inflation, de 4,6% jusqu'à juin 2018. Au tout début de ce mois, interrogé sur l'impact du financement non conventionnel sur l'inflation notamment, Abderrahmane Raouya avait reconnu que le risque existe mais s'était également empressé d'assurer que «ce risque est mesuré et toutes les règles de rigueur ont été prises en compte pour maîtriser l'ensemble des aspects du financement non conventionnel» pour ensuite s'évertuer à aligner les statistiques relatives à l'inflation qui, selon ses dires, devrait se situer à 4,3% en moyenne sur la période 2018-2020 alors que dans leurs prévisions, les autorités du pays ont tablé sur un taux de 5,5% pour cette année. Ceci, alors qu'au FMI, on craint que l'Algérie soit en proie à une spirale inflationniste dans le sillage d'un grand ralentissement de la croissance à partir de 2020. Azedine Maktour