La montagne a accouch� d�une souris. Une commission ad hoc mise en place, la consultation des archives du MALG, autant dire la m�moire de l�Etat, pour arriver � la conclusion que Boussouf n�avait aucun probl�me avec Amirouche, Krim Belkacem et Abane Ramdane et que ce dernier est mont� au ciel par les voies du Seigneur. Beaucoup s�en doutaient, ce n�est pas en 2010 que les artisans du pouvoir des t�n�bres allaient en arriver � changer de pratique et de culture. Les salves du premier spadassin envoy� au front avaient donn� le ton : on ne discute pas d�histoire : chasse gard�e. Le proc�d� a �t� test� mille fois dans tous les syst�mes totalitaires. Sur le fond, on ne r�pond pas � l�adversaire. On qualifie � sa convenance, c'est-�-dire que l�on diabolise ses propos et positions, une fois le postulat fauss�, le raisonnement peut suivre. Le pr�sident de l�association du MALG engageant son bureau dit ne pas chercher �la pol�mique avec l�auteur et encore moins � l�amener � se d�juger, car ils pensent bien que son opinion est d�finitivement arr�t�e et de longues date�. Voil� l�estampille MALG. Je me revois 25 ans en arri�re face au juge d�instruction de la Cour de S�ret� de l�Etat qui me disait : �Vous avez sign� un tract dans lequel vous revendiquez un Etat d�mocratique et social. Cela suppose le renversement du r�gime. Par quels moyens comptez-vous y parvenir ?� On le voit, les m�urs sont toujours les m�mes. A en croire le bureau du MALG, cela fait quarante ans que je r�colte t�moignages apr�s t�moignages, documents apr�s documents pour sortir un livre en 2010 en sachant, d�s le d�part, ce qui allait advenir de notre pays. On d�couvrira dans d�autres �v�nements comment le MALG traite comme complot toute initiative �chappant � son contr�le. Les violences des attaques et les incoh�rences des interventions de M. Benachenhou ayant provoqu� une indignation � peu pr�s g�n�rale, il fallait engager le reste des divisions : le bureau du MALG �tant la vitrine light du service op�rationnel. En finir avec le MAL(G) Auparavant, le bureau du MALG avait envoy� en �claireurs quelques associ�s dont il suffit de rappeler les dires pour en appr�cier le s�rieux. L�un explique que l�une des raisons qui ont pu amener le g�n�ral Massu � masser ses troupes trois jours avant le passage des colonels Amirouche et Haou�s dans le Hodna pouvait �tre l�attentat commis par deux maquisards qui avaient �limin� un harki les ayant rep�r�s. Le second nous informe que Boumedi�ne n��tait pas au courant de la s�questration des restes des deux martyrs� mais qu�il avait entendu dire qu�il s�appr�tait � leur organiser des �fun�railles nationales grandioses� ! Sur les faits, il n�y a rien de nouveau sous le soleil. Pour nos tuteurs, le r�gime qui s�vit depuis 1957 est l�expression d�mocratique du peuple alg�rien et tout ce qui contesterait ce dogme rel�verait d�esprits malfaisants, r�gionalistes qui veulent saper le moral d�une nation harmonieuse, prosp�re et apais�e. Pourtant la sortie de M. Ould Kablia ne manque pas d�int�r�t, non pas dans ce qu�il apporte d�un point de vue �v�nementiel, mais dans ce que son approche permet de d�couvrir. M. Ould Kablia nous avertit : le bureau du MALG n�est pas un parti, un lobby et encore moins une secte avant d�ajouter que pendant la guerre, son service avait orient� son potentiel exclusivement vers la nuisance de l�ennemi. Fort bien. Il n�en demeure pas moins qu�il nous apprend que cet organe, pr�sent� comme une instance technique du renseignement mis au service du pouvoir politique, disposait �de plus de 2 000 cadres� alors que �ceux qui faisaient tourner les autres secteurs minist�riels � comptaient � peine �quelques dizaines� ! A la chute de Salazar, les Portugais d�couvrent qu�un citoyen sur cinq �tait, d�une fa�on ou d�une autre, instrumentalis� par la police politique, la PIDE. C�est pr�cis�ment ce d�tournement et ce g�chis que d�non�ait Amirouche dans son rapport quand il rappelle : �D�sirons que jeunes envoy�s par les wilayas soient orient�s sur plusieurs branches� Nous envoyons des jeunes � l�Ext�rieur pour les faire profiter et les pr�parer � des t�ches qui serviront mieux l�Alg�rie de demain. Or, nous apprenons que la plupart sont dirig�s vers les transmissions. Nous aimerions qu�� l�avenir ces jeunes soient orient�s vers d�autres branches�� Plus pr�s de nous, il est pour le moins surprenant qu�une association d�anciens combattants d�sireux de finir leurs jours dans la s�r�nit� fasse financer ses membres sur le fonds sp�cial en les faisant b�n�ficier du salaire de cadres de la nation. Enfin, et ce n�est pas le moindre des abus, une association qui dispose de documents confidentiels alors qu�ils devraient relever de la discr�tion de l�Etat pose � la fois un probl�me de souverainet� et d��thique. En principe, une association demande � l�Etat de pouvoir consulter des archives ; chez nous, il y a comme une inversion d�autorit�, y compris quand il s�agit d�une �contribution forte � l�endroit des lecteurs et des historiens qui, � la faveur de sa lecture, pourront se faire leur propre opinion sur des faits et des �v�nements qui n�ont pas encore livr� tous leurs secrets�. Depuis quand une association occup�e par d�inoffensifs patriarches, a-t-elle le droit de d�tenir des secrets d�Etat et en vertu de quel statut est-elle fond�e � choisir le moment de leur divulgation ? Nous le verrons tout au long de cette intervention, le statut, les pr�rogatives et la culture d�origine du MALG ont pes� et continuent de peser sur la m�moire et le destin de la nation. Consid�rons donc que c�est par le fait d�un simple hasard que MM. Benachenhou et Ould Kablia ont fait le tour du gouvernement depuis l�ind�pendance et que c�est du fait du m�me hasard que Nordine A�t Hamouda et moi-m�me, pour ne parler que des deux derni�res cibles du MALG, avons pass� notre temps � faire le tour d�Alg�rie des prisons. Les historiens, les acteurs nationaux non connect�s � la secte, les observateurs �trangers qui ont unanimement not�, et pour ce qui est des Alg�riens, d�plor� quand ils ne l�ont pas carr�ment condamn�, la pieuvre tch�kiste du MALG, sont des plaisantins ou des ennemis de la patrie. Le MALG et l�arriv�e d�Amirouche � Tunis Reprenons maintenant les remarques de l�article du bureau du MALG. Je fais l��conomie de la r�ponse qui consiste � d�faire la grosse ficelle m�accusant de confondre les jeunes enr�l�s dans cette structure et qui furent souvent les premi�res victimes d�un appareil qui en a d�truit plus d�un quand il ne les a pas carr�ment �limin�s. La formule est rest�e c�l�bre au Maroc. �On lui a offert un voyage au Caire�, disait-on des jeunes cadres qui avaient le malheur de poser une question ou de donner l�impression de ne pas �tre suffisamment dociles. En ce qui concerne la trag�die alg�rienne, nous parlons bien du segment noir qui a d�tourn� Novembre et la Soummam et qui, dans une large mesure, continue de bloquer toute �volution citoyenne du pays. M. Ould Kablia nous avoue, et cela est une information capitale, que pour lui et ses responsables, la r�union interwilayas de d�cembre 1958, convoqu�e par le colonel Amirouche �tait (et reste toujours) per�ue comme une menace majeure. Pour qui ? Le GPRA qui venait d��tre install� trois mois auparavant ? Le COM ? Une partie du gouvernement ? Relisons M. Ould Kablia. �Cependant l�ordre du jour qui ne mentionnait que des sujets traditionnels et habituels� laisse penser que les vraies questions � d�battre �taient vraiment occult�es. Nous pouvons avancer sans risque de nous tromper que les liens qui commen�aient � se distendre entre l�int�rieur et l�ext�rieur, les critiques non dissimul�es allant dans le sens d�une rupture de confiance, illustr�e par la r�union interwilayas� tout cela indiquait qu�il ne pouvait s�agir que d�une r�union de mise au point d�une autre dimension o� la confrontation n��tait pas � exclure. � Au cas o� il y aurait un doute, M. Ould Kablia nous rappelle que �la d�fection de derni�re minute d�Ali Kafi � cette r�union qui se tenait sur son territoire, sur ordre sup�rieur certainement, a rompu l�unanimit� souhait�e�. De son point de vue, c�est ce qui aurait amen� les factieux � mod�rer leurs r�criminations et � transformer leur �motion de d�fiance en motion de soutien�. En clair, Amirouche avait mobilis� ses compagnons de l�int�rieur, non pas pour proposer des accommodements, des r�organisations et une orientation qui devait recanaliser les �nergies du gouvernement sur la guerre que les maquis supportaient de plus en plus difficilement, mais reproduire une r�plique d�un complot dont le gouvernement venait juste d��chapper apr�s la fronde des officiers chaouis, fronde sur laquelle il reste d�ailleurs beaucoup � dire quant au r�le jou� par Boussouf, autant dans sa gen�se que dans son traitement. L�acc�s aux archives tunisiennes et �gyptiennes serait, de ce point de vue, particuli�rement �difiant. J�ai pu �tablir, aupr�s de nombreux t�moins, que le colonel Amirouche avait en commun avec Abane cette propension � ne jamais �touffer une opinion ou r�primer une remarque ou une contestation y compris en pr�sence de celui qu�elle pouvait impliquer. J�ai rapport� comment l�altercation qu�il avait eue avec Kafi au Congr�s de la Soummam ne l�avait pas emp�ch� de lui rendre visite par la suite pour �tudier ensemble les voies et moyens pour une meilleure coordination de leurs actions. L�interpr�tation de l�initiative d�Amirouche faite par M. Ould Kablia, partag�e par d�autres (dans son style M. Benachenhou dit la m�me chose) nous aide � comprendre comment et pourquoi ce �travers� a co�t� la vie au p�re de la Soummam et au colonel de la Wilaya III. La transparence et le d�bat ouvert sont les manifestations d�une culture incompatible avec l�opacit� et la violence qui ont pr�sid� � la naissance et au fonctionnement du MALG et de ses d�clinaisons d�apr�s-guerre. Or, cette interpr�tation quelque peu parano�aque � qui deviendra la constante du pouvoir sous-terrain alg�rien � pr�tant, sans le moindre doute, au colonel de la Wilaya III des intentions aussi belliqueuses ne se retrouve nulle part ailleurs. Ni Ferhat Abbas, pourtant tr�s peu enclin � faire des concessions aux colonels, ni les acteurs ayant rencontr� plus tard Krim Belkacem, ni Ben Khedda, ni Sa�d Dahlab qui a �crit tout ce qu�il avait vu � Tunis, et il �tait souvent aux premi�res loges, n�ont fait �tat du risque imminent que repr�senterait l�arriv�e d�Amirouche � Tunis en 1959. J�ai commenc� par dire que si l�intervention de M. Ould Kablia n�apportait rien de nouveau en termes factuels, elle d�voile un esprit avec ses attitudes et ses d�cisions qui sont d�authentiques r�v�lations. Comment avoir l�outrecuidance de dire que Boussouf n�avait aucun probl�me avec Abane, Krim ou Amirouche (la citation des trois dirigeants tous originaires de Kabylie est en soi une indication) et affirmer en tant que l�gataire du MALG que la r�union convoqu�e par le chef de la Wilaya III �tait un complot menant in�vitablement � la confrontation entre l�int�rieur et l�ext�rieur. Je pense avoir d�montr�, gr�ce aux t�moignages et aux documents retrouv�s, que les chefs de l�int�rieur (except� Kafi) avaient comme intention de demander au GPRA de mieux rationaliser son action diplomatique, sa communication, ses services sociaux mais aussi de s��manciper d�un MALG tentaculaire et inefficace et, surtout, d�exiger que les troupes stationn�es aux fronti�res fassent plus d�efforts pour rentrer se battre sur le terrain. La question de la nature et de l�importance de l�arm�e de l�Alg�rie ind�pendante devant �tre report�e � plus tard. Jusqu�� plus ample inform�, il n�y a que le d�partement de Boussouf qui a v�cu cette demande d�adaptation comme une menace. Le myst�re des transmissions Pour ce qui est des transmissions, les savantes envol�es du bureau du MALG n�emp�chent pas l�apparition de lourdes distorsions qui confirment l�hypoth�se de la trahison. M. Ould Kablia nous donne une cinqui�me version, venant contredire celle du ministre des Anciens moudjahidine, les deux de M. Benachenhou et enfin celle de M. Kafi. Pour le bureau du MALG, la Wilaya III disposait du m�me nombre de radios que toutes les autres wilayas. Ce n�est pas ce que dit le rapport de dol�ances de cette wilaya que portait sur lui Amirouche quand il se rendait � Tunis. Il y d�nonce en termes tr�s virulents la livraison de deux postes en ao�t 1958. �Pourquoi la Wilaya 3 n�a re�u que deux postes et si tardivement� cette carence tend � faire croire � une volont� de n�gliger la Wilaya 3 ou � du r�gionalisme de la part tout au moins des responsables des transmissions.� Notons au passage la l�g�ret�, voire un certain m�pris, avec lesquels est trait� un document adopt� apr�s un conseil de wilaya extraordinaire, 48 ans apr�s l�ind�pendance. �Sa lecture laisse � penser que le colonel Amirouche n�a pas particip� � sa r�daction parce que le document reprenait un certain nombre de consid�rations g�n�rales et que les points les plus importants de son contenu ne cadraient pas avec la r�alit� v�cue en dehors de la Wilaya III��, nous assure M. Ould Kablia. On vient de voir que la Wilaya III �tait plut�t bien inform�e sur le d�tournement r�serv� par le MALG aux �tudiants envoy�s pour formation � l��tranger. On d�couvrira plus loin dans d�autres situations que l�information d�tenue par Amirouche sur l�int�rieur et les fronti�res �tait souvent de premi�re main. Suivons M. Ould Kablia dans son r�cit. Lui affirme que la Wilaya III n�avait pas de radio en 1959, ce qu�infirment les t�moins encore vivants activant au PC de wilaya. Mais convenons avec lui que le poste pouvait avoir �t� �teint et que donc pour l�ext�rieur Amirouche ne pouvait �tre contact�. Devant le d�ficit des transmissions, le colonel de la Wilaya III avait multipli� les bo�tes aux lettres � Alger, Bougie, S�tif, Tizi-Ouzou, Akbou, El-Kseur et m�me en France pour recevoir et �mettre des messages par t�l�grammes ou voie postale. Les agents de liaison de la Wilaya III encore en vie estiment que c�est par une de ces voies que le message de Krim demandant � Amirouche de changer de route a �t� achemin�. Le bureau du MALG, qui a fait une profusion de citations plus ou moins �sot�riques de nombreux auteurs fran�ais, �oublie� de rapporter la seule information qui vaille : la goniom�trie fran�aise a capt� les messages du FLN annon�ant les �volutions du d�placement du colonel Amirouche. Pourquoi ou plus exactement pour qui �mettre lorsque l�on consid�re que le destinataire ne peut pas recevoir ? Ce que disent les auteurs fran�ais est confirm� par les agents du centre d��coute du MALG bas� � Oujda. Non seulement ils ont re�u l�ordre d��mettre mais lorsqu�ils ont alert� sur les risques de voir leurs messages intercept�s, ils ont �t� somm�s de continuer. S�agissant de la concentration des troupes d�ploy�es par le g�n�ral Massu, M. Ould Kablia nous apprend que tant�t il s�agit d�une op�ration de routine tant�t elle �avait �t� d�cid�e par le g�n�ral Massu suite � des renseignements parvenus � celui-ci (comment ?) indiquant le passage par le Hodna du colonel Amirouche�. M. Ould Kablia pose une vraie question, c�est m�me la seule question qui s�impose mais le fait de la reformuler par le bureau du MALG ne lui enl�ve en rien sa pertinence. La lib�ration des liaisons radio entre les wilayas demand�e par Amirouche d�pendrait de la seule volont� des PC de wilaya, selon le bureau du MALG. Tous les sp�cialistes disent que sans un minimum de formation et d�assistance de la part de ceux qui d�tiennent la confection des codes et l�initiation � l��tablissement de nouvelles liaisons, il est impossible d�improviser dans un domaine aussi sensible. Le fait est qu�aucune station de l�int�rieur n�a �t� en mesure de disposer d�un op�rateur capable de mettre en liaison deux wilayas. La volont� de centraliser toutes les communications des chefs de l�int�rieur appara�t tr�s clairement � travers l�interpr�tation que fait aujourd�hui encore le bureau du MALG de la r�union interwilayas de d�cembre 1958. Quant � dire que si le g�n�ral Massu avait su de mani�re certaine qu�Amirouche se trouvait dans les parages, il se serait d�plac� lui-m�me, cela reste un argument sp�cieux. En octobre 1958, l�op�ration Brumaire, ciblant particuli�rement le colonel Amirouche et son PC, avait mobilis� une dizaine de g�n�raux, une cinquantaine de colonels et pr�s de 10 000 hommes dans l�Akfadou. J�ai longuement consult� les archives de l��poque et ni mes recherches ni les t�moins que j�ai consult�s ne m�ont permis d��tablir que le g�n�ral Massu avait personnellement particip� � cette intervention. Une relative �volution appara�t cependant dans l�analyse de la Bleuite. C�est la premi�re fois depuis l�ind�pendance que des �l�ments du MALG se d�marquent des th�ses de l�arm�e fran�aise qui pr�sentait cette op�ration comme la cons�quence d�un homme sanguinaire d�cid� � �radiquer les intellectuels. On admet enfin que c�est une des actions de l�occupant parmi d�autres et on convient qu�elle avait concern� l�ensemble des wilayas. On peut au passage se demander quel fut l�apport d�un service de renseignement comptant 2000 cadres dans une intervention de l�ennemi �vent�e par l�int�rieur qui avait demand�, en vain, de l�aide � l�ext�rieur d�s le premier jour. Cet effort de lucidit� m�rite d��tre signal�. On ne le retrouve pas dans les autres approches. D�faillances strat�giques Au-del� de la volont� d�imprimer � l�Histoire une trajectoire qui occulte les vues et positions des autres parties, la lecture faite du rapport sur lequel devait s�appuyer Amirouche � Tunis au nom de ses coll�gues de l�int�rieur d�voile une volont� de renforcer et de prot�ger des positions en r�f�rence avec des situations actuelles. Commentant le point qui demande �une offensive contre la ligne Morice pour attirer les forces ennemies et soulager la pression sur l�int�rieur, l�offensive doit surtout permettre le passage de mat�riel et de munitions�, le bureau du MALG �crit : �Cette p�tition de principe laisse croire que la Wilaya III ignorait ce qui se passait au niveau des fronti�res.� Avant de citer des actions men�es pour franchir le barrage. Les responsables de l�int�rieur reprochaient aux dirigeants ext�rieurs la mauvaise �valuation des effets de l��dification de ces lignes qui ont �t� renforc�es � plusieurs reprises. En l�occurrence le renseignement, si renseignement il y avait, fut pour le moins d�faillant. Mais l� o� le bureau du MALG manipule les faits, c�est quand il cite des officiers qui ont effectivement pu traverser les lignes ennemies en donnant ces initiatives comme �tant toutes des d�cisions programm�es par le COM. La plupart des travers�es, � commencer par celles de Lotfi et de Bencherif, furent plus le fait de la volont� des concern�s que l�ex�cution d�une instruction sup�rieure. Je me suis rendu � l�endroit o� est tomb� le colonel Lotfi. Surpris avec ses hommes, il se trouvait en plein jour dans un secteur sans abri ni liaison. Le bureau du MALG sait mieux que quiconque que le colonel de la Wilaya V en rupture avec l��tat-major ouest est surtout rentr� parce qu�il �tait outr� par la violence et les d�rives du bin�me Boussouf-Boumedi�ne, notamment depuis l�ex�cution du capitaine Zoubir qui d�pendait de lui. La narration faite de la tragique fin de la compagnie Hidouche qui devait rejoindre la Wilaya III est � la fois ind�cente et mensong�re. Le bureau du MALG nous explique que cette compagnie a �t� extermin�e par une attaque combinant des forces a�riennes et terrestres fran�aises parce qu�elle n�avait pas pu traverser la Seybousse en crue ! Nous sommes au mois de juin 1959. Nous connaissons tous la furie de nos oueds en plein �t�. Une crue d�passe rarement une journ�e. La r�alit� est affreusement simple. Cet officier comme ses hommes, lass�s de mac�rer dans les casernements des fronti�res, d�cida de rentrer. Une fois la fronti�re pass�e, ils ne trouv�rent pas d�agents de liaison pour les orienter. Ne connaissant pas la r�gion, ils tourn�rent en rond jusqu�� se retrouver au bord de la piste d�atterrissage de l�a�roport de B�ne (Annaba) o� ils furent extermin�s. Un des miracul�s de cette boucherie habite la vall�e de la Soummam. Il peut raconter le calvaire de la compagnie Hidouche. Voici ce qu��crivait Amirouche sur les improvisations qui caract�risaient les rares groupes qu�on laissait revenir : �Demandons que les katibas soient bien entra�n�es pour �viter pertes en hommes et mat�riel en cours de route : nous ne comprenons pas pourquoi les compagnies qui viennent de l�Ext�rieur pour acheminer des armes sont retenues deux, trois et m�me quatre mois. Le fait serait acceptable si pendant ce d�lai, les compagnies recevaient instruction militaire� Cette n�gligence se traduit dans le fait que des armes sont remises � des djounoud qui ne savent m�me pas les d�monter. Ainsi, beaucoup de ces djounoud sont morts et leurs armes sont r�cup�r�es par l�ennemi�� Comme on peut le constater, les conditions dans lesquelles sont pr�vus les franchissements de la fronti�re alg�ro-tunisienne sont on ne peut plus connues en Wilaya III. Mais le plus notable est ce qu�ont rapport� les djounoud qui ont eu la chance de parvenir � destination ou qui ont rejoint la Kabylie apr�s avoir repris le chemin vers la France d�o� ils �taient venus. La volont� de garder le maximum de soldats aux fronti�res ne fait aucun doute. Ce qui a amen� Amirouche � contacter directement les cadres qu�il connaissait en Tunisie pour leur demander de rentrer �m�me si on les en emp�chait.� Djoudi Attoumi �crit : � Pour la Wilaya III seulement, il y eut une vingtaine de compagnies qui avaient pris le chemin de la Tunisie. Seules cinq ou six d�entre elles �taient revenues, apr�s avoir affront� la ligne Morice� d�autres wilayas avaient envoy� autant de compagnies, sinon plus ; ce qui fait qu�il y eut une concentration des troupes le long des fronti�res qui, au lieu de rentrer dans les maquis, �taient rest�es sur place pour une raison ou pour une autre� La Wilaya II comptait � elle seule 4200 combattants bloqu�s le long de la fronti�re tunisienne. Ce fut la naissance de l�arm�e des fronti�res. � En quoi la proposition d�une offensive g�n�ralis�e contre un barrage �lectrifi� serait-elle a priori disqualifi�e ? Pourquoi la constitution de grosses unit�s serait-elle par principe �vacu�e du d�bat ? Dien Bien Phu fut un d�sastre fran�ais. L�attaque fut men�e par une concentration de troupes qui sont venues � bout de l�arm�e fran�aise. En 1959, l�adh�sion des masses alg�riennes n�avait rien � envier au soutien que la paysannerie indochinoise apportait au Parti communiste vietnamien. Il ne s�agit pas de sp�culer aujourd�hui sur les actions qui auraient pu et d� �tre engag�es en 1958-59 mais de comprendre que les oppositions entre les dirigeants de l�ext�rieur ont grev� le potentiel de la direction du FLN, dont une partie �tait d�j� obnubil�e par l�apr�s-guerre. La patrie otage de la tribu Ces oppositions avaient pris plusieurs formes. Il n�est pas besoin d�insister sur la candeur feinte de M. Ould Kablia quand relance la rengaine du duo Krim- Mohamedi Sa�d qui aurait dispos� de toute latitude pour g�rer la situation politico-militaire de l�int�rieur alors que : - Premi�rement, toutes les transmissions �taient ma�tris�es par le MALG ; - Deuxi�mement, Mohamedi Sa�d �tait d�j� pris en charge depuis longtemps par �les envoy�s sp�ciaux� du MALG, pour reprendre l�expression d�un ancien de l�arm�e des fronti�res, afin de le soustraire � Krim avant de le lui opposer ; manipulation qui, naturellement, n��vacue en rien la responsabilit� des concern�s. Laisser entendre que si quelque ind�licatesse a �t� commise dans l��limination d�Amirouche ne peut relever que des deux anciens responsables de la Wilaya III est du r�chauff� ; M. Benachenhou �tant d�j� pass� par l�. Mais ces insinuations faisant des assassinats de certains responsables pendant ou apr�s la guerre une cons�quence d�un atavisme kabyle, pour commodes et r�pandues qu�elles soient ne sont pas le plus important dans nos pr�occupations actuelles. Aujourd�hui, il s�agit de nous interroger sur le fait de savoir si ces man�uvres r�currentes et qui existent toujours ont servi la guerre de Lib�ration et, plus tard, le d�veloppement de notre pays. La question m�rite d��tre pos�e car, outre qu�elle permettrait de remettre un certain nombre de choses en ordre dans notre histoire, elle aurait l�avantage appr�ciable d��clairer la sc�ne politique aujourd�hui. Au printemps 2008, les citoyens de Chlef, exc�d�s par des promesses diff�r�es depuis le seisme de 1980, manifestent leur d�sespoir par des �meutes au cours desquelles des milliers de jeunes s�en prennent, comme c�est souvent le cas en pareilles circonstances, � tout ce qui repr�sente l�Etat. Des centaines d�entre eux sont interpell�s et incarc�r�s dans des conditions inhumaines. La structure du RCD local d�nonce la violence de la r�pression et les violations de loi qui ont marqu� toutes les proc�dures. Le wali, dont il faut rappeler qu�il appartient � ce que Nordine A�t Hamouda appelle la �tribu �lue� n�a rien trouv� de mieux que d�avertir les familles et les citoyens qu�ils devaient se m�fier d�un parti r�gionaliste, ennemi de la nation. Continuant leur travail, les militants de notre parti organisent la solidarit� avec les parents des jeunes d�tenus, constituent un collectif d�avocats et en appellent � nos parlementaires pour suivre l��volution des poursuites engag�es contre une centaine de jeunes. Le soutien des d�put�s du RCD donne de l�espoir et une dynamique citoyenne se d�veloppe � Chlef. Les jeunes emprisonn�s �taient revendiqu�s par la cit� comme les porte-parole de tous. D�pass�, le wali, disqualifi� par une gestion des plus contestables, en appela au gouvernement qui d�p�cha � Chlef un de ses membres. Nous sommes le 2 mai 2008. Le ministre, trouvant un climat particuli�rement tendu, d�clara devant tous les cadres de la Wilaya qu�ils ne devaient pas laisser revenir � Chlef des gens qui n�ont rien � y faire. Ces �gens� �taient des d�put�s de la nation qui avaient le malheur d��tre �lus d�mocratiquement. Le ministre en question s�appelle Daho Ould Kablia. La radio locale, encourag�e par ce sectarisme, embraie sur l�aubaine et d�versa son fiel sur les Kabyles. Pour bien montrer que le MALG impr�gne et soumet toujours la vie institutionnelle, il faut rappeler la destitution ill�gale du maire de B�riane qui avait refus� de d�serter le RCD pour rejoindre un parti de la coalition gouvernementale. Le blocage du projet du PNUD � institution repr�sent�e � Alger et qui active normalement dans notre pays � destin� � assainir l�environnement � Tizi- Ouzou, repr�sente l�une des discriminations administratives les plus insupportables de l�Alg�rie ind�pendante. Pour l�instant, le minist�re des Affaires �trang�res se contente d�ignorer son m�fait. On remarquera que les trois abus commis � Chlef, B�riane et Tizi- Ouzou rel�vent de responsables appartenant tous au m�me clan. C�est dire que la culture du MALG est ancienne, d�vastatrice et qu�elle continue de l��tre. Il n�est pas interdit d�aimer sa r�gion. Cela peut m�me �tre un premier �veil � l�int�r�t de la collectivit�. Il y a probl�me quand cette attention est conditionn�e par la haine des autres. Ces archa�smes sont le principal handicap du d�veloppement du pays. La gestion des affaires de l�Etat par l�opacit� et la relation clanique t�moigne de la fragilit� de la conscience nationale. L�affaire remonte � loin. J�ai essay� d�apporter dans mon livre des �l�ments de r�flexion sur les ressorts et les motifs qui ont amen� la direction ext�rieure du FLN � tant de d�chirements en pleine guerre. Pourquoi la responsabilit� politique n�a pas pr�valu au moment o� la patrie devait �tre pr�serv�e des affrontements qui ont psychologiquement et politiquement men� l�Alg�rie � une implosion qui veut qu�aujourd�hui encore un responsable ne se sente en s�curit� que s�il s�entoure de ses proches, ind�pendamment de toute consid�ration id�ologique. Ce manque d�adh�sion � un d�nominateur commun a permis � l�axe franco-�gyptien de peser sur des esprits peu convaincus par la valeur de leur alg�rianit�, press�s de s�exiler dans une identit� plus valorisante. En s�ouvrant aux services sp�ciaux �gyptiens sur les dangers que repr�sentaient les Kabyles pour la nation arabe, Ben Bella ne faisait pas que jouer pour �liminer des adversaires politiques. Il �tait sinc�re. En disant que la R�volution alg�rienne ne d�pendait ni du Caire ni de Moscou ni de Londres, Abane projetait un destin alg�rien qui d�rangeait autant les Fran�ais que les Egyptiens. L�aide de Bourguiba, acquis � l��mancipation du sous-continent nord-africain, ne pouvait suffire devant la convergence objective des int�r�ts g�ostrat�giques du Caire et de Paris. Proche de Nacer et bien connu des Fran�ais qui l�avaient test� comme soldat et d�tenu, Ben Bella repr�sentait un bon compromis pour les deux puissances contre une entit� alg�rienne forte et autonome. L�antikabylisme est moins pr�occupant dans ce qu�il occasionne comme dommage � une r�gion que dans ce qu�il r�v�le comme refus ou perte de confiance dans la construction d�un destin national solidaire et d�mocratique. La question de la femme et celle de l�antikabylisme sont les deux voyants dont il faut surveiller les �volutions sur le tableau de bord politique de la nation. Tant que l�on esquive ces deux tabous, l�Alg�rie vivra dans la mutilation civique et l�incertitude nationale. La perte de la citoyennet� sera compens�e par la misogynie et le r�gionalisme �touffant la r�gionalisation ouvrira la porte � d�autres tutelles qui d�poss�deront notre peuple de sa souverainet�. L�Histoire et la morale M. Ould Kablia me reconna�t le droit de ne pas avoir d�atomes crochus avec Boumedi�ne mais il m�invite � ne pas m�ler Boussouf aux turpitudes alg�riennes, ce dernier ayant quitt� volontairement le pouvoir � la veille de l�ind�pendance d�s lors �qu�il a vu les inclinations des nouvelles alliances � s�orienter vers un pouvoir autoritaire d�exclusion et de d�ni des principes �. Un autre intervenant du s�rail me proposait un deal rigoureusement inverse : pour lui, il fallait doper Boumedi�ne et enfoncer Boussouf. A titre personnel, je n�ai jamais confondu les genres. Je n�ai aucun probl�me ni avec Boussouf ni avec Boumedi�ne ni, d�ailleurs, avec M. Ould Kablia. Mais je ne suis pas partie prenante de ce bazar historique o� chacun fait son march� selon ses app�tits et ses humeurs. La chose est historiquement �tablie: Boumedi�ne est une cr�ation du patron du MALG. Le fait que le colonel de l�arm�e des fronti�res se soit fait les dents sur son tuteur est un classique dans les pouvoirs n�s dans l�opacit� et la violence. Boussouf avait une conception polici�re du pouvoir, Boumedi�ne �tait partisan de l�arbitraire militaire. Au final, nous avons eu les deux. Le grand perdant est le citoyen, c'est-�-dire l�Alg�rie. On l�observe aujourd�hui m�me. Une certaine tendance se dessine en faveur de la conception polici�re dans la gestion de la cit� alg�rienne. Y a-t-il pour autant plus de libert�, de progr�s ou de justice dans notre pays ? Au fond, le maquillage importe peu. Par d�finition, l�abus ignore la loi. Les amateurs et b�n�ficiaires de l�autoritarisme qui peuvent se disputer les avantages du pouvoir ne voudront jamais faire de la citoyennet� l�arbitre de la vie publique. M. Ould Kablia, qui donne l�impression de vouloir valoriser une certaine aristocratie polici�re au d�triment de la pl�be militaire, partage avec ses fr�res ennemis la m�me conception du pouvoir. Il intervient sur un livre qui commence par interpeller la nation sur une indignit� politique et une faute morale commises en son nom. Il n�a pas souffl� mot sur la s�questration des ossements de deux h�ros de la guerre, crime symbolique qui hantera longtemps nos consciences. L�histoire de l�Alg�rie fut, comme celle de tant de r�volutions, dure, violente et quelquefois injuste. Je ne serai pas avec les analystes plus ou moins �parfum�s � qui jugent, d�cr�tent et condamnent avec d�autant plus d�arrogance qu�ils sont loin du pays et qu�ils s�occupent � �laborer des mises en sc�ne pour complaire � leur galerie d�accueil ; je serai toujours avec celles et ceux qui ne veulent pas que des erreurs ou des fautes commises pendant la guerre o� rien ne se d�roula comme pr�vu et rien ne se termina comme souhait�, se reproduisent en temps de paix. Pour cela, la v�rit� est un imp�ratif.