Il était déjà capitaine en Russie, le voilà maintenant général : contre l'Espagne samedi à Wembley (18h45 GMT), le fatigué Harry Kane va étrenner ses nouveaux galons de leader d'une équipe d'Angleterre, encore rajeunie par Gareth Southgate. Le meilleur buteur de la Coupe du monde n'a que 25 ans, mais il s'est installé comme le papa des «Trois Lions» et a désormais un statut d'idole à défendre, alors qu'il est favori pour le prestigieux titre de personnalité de l'année de la BBC. Brassard au bras, il a mené son équipe à une demi-finale un peu inespérée au Mondial, le voilà maintenant chargé par son sélectionneur d'encadrer la nouvelle génération anglaise en vue des prochaines échéances, notamment l'Euro-2020 dont les demies et la finale seront disputées à Wembley. Pour atteindre ce glorieux objectif, Southgate a entamé «un nouveau cycle», se délestant des joueurs les plus expérimentés de la sélection. «Cela veut dire que le futur groupe que nous commençons à étudier sera certainement composé d'éléments venant de nos sélections de jeunes», explique l'ancien sélectionneur Espoirs, alors que Jamie Vardy (31 ans) et Gary Cahill (32), sentant le vent tourner, ont pris leur retraite internationale. Quant à Ashley Young (33), Southgate l'a laissé de côté, au profit des jeunes défenseurs Luke Shaw (23) et Joe Gomez (21), tous deux auteurs d'un excellent début de saison avec Manchester United et Liverpool. Et la seconde vague du processus ne fait que débuter : «Il y a plusieurs autres joueurs qui sont encore jeunes et qui peuvent progresser, mais je ne veux pas les convoquer maintenant», insiste Southgate. «Je préfère les convoquer quand nous sentirons qu'ils seront prêts.» Kane, joueur exemplaire, capitaine modèle et talisman des «Trois Lions», va donc encore prendre plus de place dans le vestiaire... Mais dans le jeu ? Peur de la blessure ? Malgré un Mondial réussi, la star de l'équipe d'Angleterre a semble-t-il baissé le pied depuis son accident début mars contre Bournemouth. Dans un choc avec le gardien Asmir Begovic, il s'était blessé à la cheville droite, celle qu'il avait déjà endommagée à deux reprises la saison précédente. Cette fois, il n'avait manqué qu'un mois de compétition et il s'était rétabli sans trop de problèmes pour la Coupe du monde. Mais depuis, son activité a baissé sur le terrain, que ce soit avec Tottenham ou la sélection nationale. De presque 6 tirs par 90 minutes avant le choc, il est passé à 2,57 depuis. De 2,46 tirs cadrés, à un seul en moyenne désormais. Et les statistiques le montrent, l'attaquant va beaucoup moins dans la surface, se frottant moins aux défenseurs, laissant ainsi craindre un blocage, une peur de la blessure. Comment alors a-t-il pu connaître une saison à plus de 50 buts? La qualité de sa finition a fait un bond en avant, atteignant un chiffre stratosphérique qui compense le reste de ses statistiques déclinantes : un quart des tirs de Kane finissent désormais au fond des filets, contre à peine 15% avant la blessure. Reste que ce taux de réussite phénoménal a peu de chance de se maintenir sur le long terme, ce qui pourrait engendrer une baisse de son capital but. Southgate avec l'Angleterre et Mauricio Pochettino avec Tottenham ont intérêt à surveiller ça de près et, peut-être, de lui accorder un peu de repos après une saison éreintante. Mais, avec un Raheem Sterling maladroit (et blessé contre l'Espagne), un Vardy à la retraite, des Danny Welbeck et Marcus Rashford encore un peu tendre, l'Angleterre a plus que jamais besoin de lui.