La présidence tunisienne a annoncé hier la prolongation jusqu'au 6 décembre de l'état d'urgence, en vigueur dans le pays depuis désormais trois ans, à la suite d'une série d'attaques terroristes sanglantes en 2015. Cette nouvelle prolongation intervient une semaine après un attentat suicide sur la principale avenue de la capitale, qui a fait 20 blessés légers. Sans donner d'explications sur les raisons de cette prolongation, la présidence indique que le chef de l'Etat Béji Caïd Essebsi a pris cette décision après avoir consulté le président du Parlement mais aussi le Premier ministre Youssef Chahed, avec qui les relations sont tendues. La présidence a fait savoir lundi soir qu'elle n'approuvait pas le remaniement annoncé par M. Chahed, qui touche 13 ministères mais n'entraîne pas de changement majeur dans les principaux postes gouvernementaux. Ce remaniement n'a pas besoin d'être entériné par le Président. L'instabilité politique qui augmente à l'approche des scrutins présidentiel et législatif prévus en 2019 inquiète nombre d'observateurs, la Tunisie restant fragilisée, en dépit d'une reprise de la croissance, par un chômage et une inflation qui exacerbent des tensions sociales fortes, près de huit ans après la révolution. L'état d'urgence avait été proclamé dans tout le pays le 24 novembre 2015 après un attentat, revendiqué par le groupe terroriste Daesh, contre un bus de la sécurité présidentielle en plein Tunis, qui avait fait 12 morts. L'année 2015 avait été aussi marquée par deux autres attentats sanglants de Daesh contre des touristes au musée du Bardo à Tunis et dans une zone touristique de Sousse (est) qui avaient fait au total 60 morts (59 touristes et un policier). La dernière attaque de grande ampleur en Tunisie remonte à mars 2016, lorsque des dizaines de terroristes avaient attaqué des installations sécuritaires à Ben Guerdane (sud), à la frontière avec la Libye. La Tunisie, qui a fait face après la révolution de 2011 à l'émergence de groupes terroristes, continue à perdre chaque année des militaires et policiers tués notamment dans les zones montagneuses frontalières de l'Algérie. Le 29 octobre, une trentenaire sans emploi a déclenché une charge explosive artisanale qu'elle transportait sur l'avenue Bourguiba, en visant une patrouille de policiers, le premier attentat dans la capitale depuis trois ans. L'état d'urgence octroie des pouvoirs d'exception aux forces de l'ordre. Il permet notamment l'interdiction des grèves et des réunions «de nature à provoquer (...) le désordre» ou encore l'adoption de mesures «pour assurer le contrôle de la presse».