Elles ne sont pas légion, mais des voix se sont élevées et s'élèvent encore en France pour plaider la cause des pays victimes des affres du colonialisme. Parmi ces voix, celle de Gilles Manceron, historien spécialiste du colonialisme français et membre de la Ligue française pour la défense des droits de l'Homme et du citoyen face aux usages publics de l'Histoire, invité de la Chaîne 3 hier. Gilles Manceron est revenu à travers les ondes de la Chaîne 3, hier, pour demander à son propre pays de regarder son histoire en face, de régler son contentieux historique avec l'Algérie et d'autres anciennes colonies, pour espérer ouvrir une ère nouvelle et aller à une normalisation des relations. «Chose qui n'a pas été encore véritablement faite, tant qu'il n'y a pas encore une reconnaissance complète du crime qu'a été la colonisation», a expliqué l'historien et militant des droits de l'Homme avant d'aller plus loin encore pour dire que la colonisation en elle-même est déjà une agression contre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, alors que de ce point de vue, la République française a failli à ses principes. Puis, a-t-il enchaîné, cela s'est traduit par un certain nombre de crimes très concrets ; la pratique de la torture organisée par l'armée française, un fait reconnu par le Président Macron le 13 septembre dernier à propos de l'affaire Audin, et les disparitions qui sont en fait des assassinats dissimulés qui rendent le deuil impossible. De l'affaire Audin, Gilles Manceron reconnaît que la France officielle a accompli un premier pas mais «tardif» parce que cela met fin à 61 ans de mensonges d'Etat répétés. Une reconnaissance qui a été longue de l'avis de l'historien, donc, mais c'est un premier pas important parce que Macron a reconnu, de façon implicite, que cela résultait d'une pratique organisée de la torture qui a provoqué d'autres victimes. Il faut aller au-delà de cette reconnaissance parce que Maurice Audin a été un cas qui a frappé l'opinion pour différentes raisons en France, estime le militant des droits de l'Homme pour ensuite rappeler qu'il y a eu des milliers d'autres cas, ce pourquoi militent diverses associations en France. Des milliers de cas, comme les disparus lors de la Bataille d'Alger dont il a préféré, lui, ne pas donner de nombre, au contraire de Benjamin Stora qui en a cité 3 000 en se référant à des décomptes à partir de témoignages dont celui d'un résistant, l'ancien secrétaire général de la préfecture d'Alger Paul Teitgen, qui était choqué par les méthodes de l'armée française. «Ce qu'on voudrait, c'est mettre des noms sur des visages», appelle Gilles Manceron qui fait état de la mise en ligne d'un site internet pour ce faire, moyen grâce auquel les associations reçoivent des récits et des photos qu'elles mettent en ligne. Mais pour que le travail de mémoire aboutisse, il faudrait, de l'avis de l'invité de la Chaîne 3, que les archives soient ouvertes aux chercheurs algériens et français, que les différents fonds soient accessibles. Quoi qu'il en soit, ce travail de recherche a permis de retrouver des «éléments nouveaux notamment sur la Bataille d'Alger, et sur l'identification des victimes…» mais le travail doit se poursuivre pour savoir par exemple qui a tué Maurice Audin et les milliers d'autres victimes, et cela ne se fera que par l'ouverture de ces archives et aussi grâce aux témoignages «parce qu'il y a des gens qui savent mais ils ont reçu des consignes de silence imposées par l'armée française». Azedine Maktour