La Fondation Déserts du monde ambitionne, à la faveur de la publication du bel ouvrage de Guido Moretti Carnet de voyage : la vallée du M'zab, de faire (re)découvrir, célébrer et aimer les fabuleux fleurons du désert algérien. Les prolégomènes de ce beau livre de sable qui nous invite à ce beau voyage à travers le Sahara s'ouvrent sur l'emblématique vallée du M'zab au cœur de l'Algérie profonde. Les plaisirs… que seuls les déserts procurent à leurs visiteurs Pour y accéder, nul meilleur chemin que celui de la route nationale 1. Dès que vous avez traversé les derniers contreforts de l'Atlas saharien, les monts des valeureux Ouled Naïls et le paysage lumineux des pays des Larbaâ, vous sentez imperceptiblement monter en vous le plaisir et la sérénité que seuls les déserts procurent à leurs visiteurs. Les contrées du bleu céleste, celles des poètes et des pèlerins… Et là commencent à vos pieds et s'étendent vers nulle part, avec leurs couleurs ocres voluptueuses et mystérieuses, les contrées du bleu céleste : sans transition, vous êtes dans le pays des poètes, des pèlerins et des prophètes…. Et là-bas, une autre terre…, après la traversée d'un défilé sinueux, creusé, sculpté et taillé à même la roche, s'offre à vous un belvédère unique, un panorama saisissant, c'est le point d'orgue ! Une myriade de cités radieuses… serties d'un joyau Prenez votre temps… Vous êtes dans la vallée du M'zab, au centre d'une myriade de cités radieuses serties d'un joyau unique par son architecture de terre et de verdure : Ghardaïa, la sublime. La vallée éclatante de vert et de blanc s'offre au regard comme égaré sur cette terre inhospitalière mais que les deux mains de l'homme ont en fait une cité d'accueil et de paix. Les mains de l'homme ont pensé et posé délicatement des cités belles et fragiles Avec ses colorations d'une infinie richesse, éclatante, pénétrée de soleil et saturée de lumière, la vallée offre un spectacle à couper le souffle où le blanc se surajoute au blanc, le vert au vert avec le bleu céleste en toile de fond… et l'ocre pour décor. Au cœur de ce décor sublime, les mains de l'homme ont pensé et posé délicatement des cités belles et fragiles, pudiques et mystérieuses, témoins d'un génie architectural et d'une âme nourrie de spiritualité : Ghardaïa, Bounnoura, Béni Isguen, Melika et enfin El-Attaf. El Attaf, la protégée, dont on se souvient, il y a quelque temps, qu'elle avait fêté son millénaire et célébré son entrée dans le millénium.(1) Plus au sud sur votre route, se dresse la fière Metlili et Menaa la rayonnante avec son lac dont l'histoire et la bravoure légendaire ont fini par consacrer cette région comme l'une des plus belles des déserts du monde ! Ces cités sont le fruit du temps, celui de l'imagination où la répétition et l'accoutumance étaient proscrites. Ici, on regarde et on se tait… Devant ce trésor d'architecture et d'infinie beauté, on ne peut que répéter avec Le Corbusier : «Ici on regarde et on se tait...» Le désert est le pays du silence, on y pénètre avec respect Oui le désert est le pays du silence. On y pénètre avec respect. Il vous guérit de tous les maux. Il vous lave de vos angoisses et vous polit l'âme. Il laissera en vous la sensation irrépressible d'une envie impatiente d'y retourner. Ce pays du «perpétuel été», selon le mot d'Eugène Fromentin, est à la fois transparent, limpide et coloré où flotte «je ne sais quelle blonde atmosphère qui fait évanouir les contours». Un lieu de mémoire, de créations, d'arts, de fêtes, de célébrations et de spiritualités… Le Sahara est, par-delà ses richesses, un lieu de mémoire tangible et immatériel, de repères de cultures, d'objets de connaissance, de pratiques, de chants, de poésies, de traditions et de spiritualités… Ils sont la source de nos émotions et l'expression inépuisable de notre passé commun et de notre riche diversité, vécue et assumée comme telle. Les témoins de ce passé prennent tout leur sens et deviennent mémoire grâce au support vivant que sont l'écrit et aujourd'hui le virtuel. Et cette mémoire prend vie quand elle rejoint le citoyen. Elle échappe à l'oubli… Ce sont là des lieux de mémoires, des traces de notre Histoire retrouvée. Ils sont pour nous l'élixir naturel qui nous permet d'échapper au déracinement historique et à l'acculturation et de vaincre l'angoisse de l'avenir mis à mal par un monde global traversé par de multiples ruptures. Célébrer tous nos lieux de mémoire, ils sont la matière dont se construit l'Histoire… Ces lieux de mémoire nous permettent, enfin, de contempler, d'admirer et de célébrer des Hommes et des Femmes transhumants en qui subsiste quelque chose de l'antique héroïsme et les souvenirs de la noblesse homérique de nos aïeux… Ceux-là mêmes qui ont fait ce que nous sommes ! Telle est la modeste ambition de cet ouvrage célébrant la grandeur d'un lieu de mémoire de la nation. C. R. (*) Ambassadeur des Déserts et des Terres arides (Convention des Nations-Unies pour la lutte contre la désertification). Président de la Fondation des Déserts du monde. Ancien ministre. Membre de l'organisation internationale «Leaders pour la paix». 1) C'est lors de cette célébration que je fus élevé au privilège d'être «citoyen d'honneur» de cette belle et attachante région du Sud, si pétrie de durabilité.