D�accord, apr�s des ann�es de d�solation, la vie artistique a repris. Les arts plastiques ne sont pas en reste. Pas une semaine o� l�on n�annonce pas au moins deux ou trois vernissages. De nouveaux espaces se sont ouverts. Les collectionneurs r�apparaissent, etc. Il manque pourtant � ce regain une certaine fra�cheur cr�ative. Les nouveaut�s sont plut�t rares, celles des expressions et celles des signatures. Ainsi, si l�on se r�jouit de la pers�v�rance des artistes confirm�s, o� se trouve donc la rel�ve indispensable � la continuit� de l�art mais �galement � sa dynamique pr�sente ? Dans tous les pays et � toutes les �poques, la joute entre anciens et nouveaux contribue � l�effet d��mulation. De ce point de vue, la manifestation �Gharda�a, sept villes, sept arts�, tenue la semaine derni�re au Palais de la culture, nous a agr�ablement surpris bien que boud�e par le public, y compris la gent artistique. Il est vrai qu�on pouvait penser qu�elle se d�roulait au M�zab. La promo �tait ambigu� de ce point de vue et, en tout cas trop faible, pour drainer du monde. Cependant ses rares mais avis�s visiteurs ont pu d�couvrir de jeunes artistes, pour la plupart encore �tudiants aux Beaux-Arts, avec des regards neufs, des audaces int�ressantes et les quelques maladresses n�cessaires pour signaler une �mergence. Bref, un potentiel de cr�ation appr�ciable. A l�entr�e, se tenaient des sculptures de femmes voil�s, grandeur nature, tourn�es vers le mur, corps r�sum�s � des drap�s, dans une atmosph�re prenante. Economie des formes et force d�expression s�ajoutaient sans doute � la compr�hension f�minine du sujet, par la cr�atrice, Feriel Benmbarek, et � sa fa�on, toute contemporaine, d�exprimer un rituel ancestral d�effacement. Dans l�immense patio, tr�naient quatre grandes structures. Mohamed Yacine Andaloussi r�interpr�tait ainsi, avec de simples fers � b�ton tendus de toile blanche, le design, mill�naire et si original des minarets du M�zab, les villes de la c�l�bre vall�e, patrimoine de l�Unesco, en �tant coiff�es en leur point culminant. Dynamisme, transparence, r�action � la lumi�re et au vent, ces constructions �ph�m�res prenaient une allure de voiles marines. A l�int�rieur, Zakaria Djehiche, de mani�re simple et percutante, reconstituait l�annoncellement pyramidal des villes mozabites. Ch�ssis �voquant celui des m�tiers � tisser, quadrillage de fils et, dessus, en triangle ascendant, des photographies � double face, un c�t� diurne et l�autre nocturne. Le jeune cr�ateur a su brillamment exprimer la texture de l�urbanisme mozabite et sugg�rer sa modernit� pourtant s�culaire, celle-l� m�me qui avait inspir� Le Corbusier, p�re de l�architecture moderne. Les d�dales inextricables des cit�s du M�zab ont visiblement marqu� Nada Boubekri. Son labyrinthe de toiles blanches, sur pr�s de deux cents m�tres carr�s, a fait le bonheur des visiteurs qui se cherchaient dans les alc�ves, venelles et chicanes de draps. Des photographies de lucarnes, en rep�res, leur laissaient voir les sc�nes r�elles de la vie � Gharda�a. Dimension ludique et sensibilit� artistique se sont retrouv�es ici en un m�lange cr�ateur. Les photographes d�El-Atteuf ont magnifi� la richesse patrimoniale de leur ville, la plus ancienne de la vall�e. Ahmed Ben Aoumer, classique mais talentueux, s�est attach� aux jeux d�ombres et de lumi�res tandis que Youcef Hadj Mohamed a excell� dans le noir et blanc � la limite du fantastique. Plus loin, Feriel Aoudia confirmait encore une fois sa d�marche unique dans la c�ramique alg�rienne. Fascinants, ses objets d�une modernit� explicite, trouvent le moyen de ressembler aux pi�ces arch�ologiques de civilisations perdues. Elles est la seule, comme les c�ramistes des premiers �ges, � construire un four pour chacune de ses s�ances cr�atives, la seule aussi � explorer les interactions de la terre avec d�autres mat�riaux, le verre et le fer notamment pour lequel n�a pas h�sit� � passer de longs mois dans une ferronnerie de Tixera�ne pour en ma�triser l�ouvrage. Ses bougeoirs muraux �l�gants et raffin�s ont montr� combien la prise de risques et la remise en question permanente pouvaient servir un dessein artistique. Qui aurait pens� � cr�er le code � barres de Gharda�a ? Une certaine Kahina Manseur dont le pari fou et amusant s�effor�ait de symboliser la personnalit� de la ville. Pas de barres mais des photographies juxtapos�es prises sur les lieux avec des effets de flou et de cadrage. En un clin d��il, appara�t un instantan� de la ville. Humour expressif, r�ussite de la d�marche en d�pit d�un accrochage un peu l�ger. Pour sa part, Souad Douibi s�est trouv�e prise d�un attachement si �vident pour le M�zab qu�elle a propos� trois plateaux cr�atifs : des expressions en volumes des anciens mausol�es de la r�gion dont elle a capt� les �lancements de blancheur et leurs structures contemporaines, des sculptures m�talliques d�pouill�es repr�sentant les artistes participant � l��v�nement et enfin des peintures, plut�t h�tives mais prometteuses. Venu de Gharda�a, Mohamed Bakli est sans doute une des r�v�lations de la manifestation. Ce peintre au moins quadrag�naire proposait une expression abstraite ma�tris�e dans laquelle dominent les cama�eux de bleus. Sans recourir � l�utilisation souvent abusive du signe comme expression d�une identit�, ses peintures sur papier sugg�rent bien son univers culturel. Finesse des tons et des formes, souci �vident de spiritualit� et sans doute des r�f�rences plus directes aux extraordinaires indigos des patios de l�architecture mozabite. Le peintre Redjah, d�j� coutumier des galeries, dans des formats proches de la miniature, se livrait � une interpr�tation quasi abstraie des architectures traditionnelles. Tons l�gers, pr�ciosit� des traits, bonheur des �quilibres mais parfois aussi une impression de facilit� pour un peintre qui m�riterait d�approfondir sa d�marche. La manifestation, initi�e et organis�e par le photographe Karim Abdesslam, dans un r�le de manager culturel appuy� par l�association des activit�s de jeunes d�El Atteuf, devrait conna�tre des prolongements. Il est pr�vu de l�annualiser, la prochaine devant avoir lieu � Gharda�a, ce qui serait la moindre des politesses. Si son concept m�rite d��tre affin�, elle a permis de susciter un �change chaleureux entre cr�ateurs, de c�l�brer par l�expression un des fleurons du patrimoine universel en Alg�rie et surtout de mettre en avant les talents �mergents. Paradoxe bienvenu, le d�sert inspire de la fra�cheur.