A l'occasion du Mawlid Ennabaoui, une initiative commune a été lancée par le Comité des fêtes de Cherchell et par l'APC de Cherchell sous le parrainage de la Direction de la culture de Tipasa. Dans le cadre de la célébration du Mawlid Ennabaoui, le mardi 20 novembre 2018, le Comité des fêtes de Cherchell a organisé une commémoration festive dédiée surtout au souvenir de la tradition religieuse célébrée dans cette ville antique et millénaire. Au cours de cet événement organisé au sein de l'immense salle des convives de l'ex-hôtel Césarée, l'animateur Benmokadem a ravi la vedette, avec son habituel enthousiasme. Cette soirée a été agrémentée par un repas offert aux invités, où nous avons pu voir des présences tant attendues à l'instar de Mohammed Batache, un vétéran saxophoniste et trompettiste qui fut avec M. B. Meklati et d'autres élèves assidus de M. Gussman, l'autre professeur émérite de musique qui a su organiser et participer à la première fanfare algérienne qui a défilé sur les avenues d'Alger lors du 5 Juillet de l'indépendance. Il convient de citer, également, les responsables de la formation musicale Nassim El Sabah, en l'occurrence Messieurs Belanguer Mustapha et Sid Ali Kibouche, qui étaient de la fête, mais aussi la zorna blidéenne de Tarek, de Abdenour, de Abdellah et Imed au tbel. Nous avons remarqué aussi la présence de l'incontournable commandant scout, M. Abdelkader Saâdi, Mustapha le banjoïste, M. Sebbagh, et le majestueux artiste «Gros Bois», qui égayé les invités; M. Bouabdellah, le président du Comité des fêtes, et Mme Tafida. Le président de la troupe El Ihasane, le poète Djelali Mohamed et l'excellent Youcef Cherchali étaient également de la partie. Des invités de marque ont marqué de leur présence cette cérémonie : M. Benkherbache Abdenour, le nouveau directeur de la culture, M. Hocine Taïleb, le conseiller culturel, M. Zinedine Bakli, le nouveau chef de la daïra de Cherchell, le maire de Cherchell, le chef de la police locale... Par ailleurs, au sein de l'immense salon d'honneur de l'ex-hôtel Césarée (aujourd'hui hôtel Necib) il a été organisé une cérémonie en l'honneur de la société civile et une assistance composée de familles cherchelloises et de bambins, que la zorna blidéenne a animée. Il convient de noter la présence de la chorale d'El Ihsane, mais aussi de vieilles femmes et de Mme Chennaoui, chargées d'animer la séance du henné et des chants religieux du Mawlid. Cette soirée festive tant attendue a été animée selon la tradition cherchelloise d'une manière particulière et originale qui consiste à transporter une copie modèle réduit d'un cierge géant original appelé m'nara, transporté du centre-ville vers le port de pêche de la ville. Cependant, ce parcours traditionnel n'a pas eu lieu lors de cette cérémonie. Pourquoi ? Selon des sources locales, il a été décidé que durant toutes ces années 2000, Cherchell ne verra pas le rituel circuit de «la m'nara». Plusieurs raisons sont invoquées pour justifier cette absence dont la principale se base sur les violences à répétition qui ont émaillé les festivités du Mawlid Ennabaoui lors des années précédentes. Toujours selon notre source, il a été relevé des agressions nocturnes subies par les familles et les jeunes filles à l'aide de pétards. Des échauffourées d'une violence inouïe ont éclaté entre les habitants locaux et les visiteurs noctambules particulièrement hors localité. Aux environs de minuit, ajoute-t-on, la ville de Cherchell devenait alors méconnaissable, dès lors que la quasi-majorité des familles cherchelloises investissaient la rue pour assister au passage de la «m'nara» transportée sur un camion et décorée de lampes multicolores, ornée de rubans aux couleurs criardes. Des milliers de jeunes accompagnaient alors cette «m'nara» en criant et s'extériorisant. Les fêtards et les visiteurs qui affluaient alors de plusieurs wilayas limitrophes, à l'instar d'Alger, MédéaChlef, Aïn Defla, Blida et Boumerdès s'étaient alors donné rendez-vous pour célébrer cet événement dans le style du carnaval de Rio. Durant cette décennie 2000, une recommandation mystérieuse, s'apparentant à une fetwa, appelait à l'interdiction d'organiser cette m'nara, voire même les festivités du Mawlid. Ainsi, à l'image des années passées, la parade de la «m'nara» n'a pas eu lieu ce Mawlid Ennabaoui. «Nous venons chaque année de Blida en cette période pour assister au transport de la m'nara», nous a expliqué un couple déçu, qui se déplace chaque année à Cherchell pour admirer cet immense cierge placé dans un cocon transparent, transporté du siège d'une association en passant par le centre-ville pour être dirigé vers le port de Cherchell, par une procession et sous bonne escorte à travers les principales artères de la ville pour aboutir enfin vers le port où un chalutier la transporte hors de la ville. Malgré cette interdiction, plusieurs familles algéroises et blidéennes ont fait le voyage jusqu'à Cherchell espérant que l'événement pourrait se rééditer. «Nous avons décidé de mettre toutes nos économies dans une location de chambres pour cette nuit de la m'nara, car le spectacle en vaut la chandelle», nous avoue un père de famille venu de Blida. «Nos filles et femmes se déplacent aussi en pèlerinage vers le saint Sidi Brahim El Ghobrini car ce cierge géant frôle la vénération, tant chacun désirerait s'en rapprocher, le transporter, le toucher», nous confie un père de famille venu de Miliana. Traditionnellement , la m'nara, sous des chants, des cris et des youyous est transportée dans une procession quasi religieuse depuis le centre-ville pour ensuite se diriger vers la koubba de Sidi Brahim El Ghobrini, le vénérable saint patron. Comment s'est instaurée cette tradition ? Selon un ancien Cherchellois, Hadj Abdelkader, «l'origine de cette tradition telle qu'elle nous a été transmise par nos arrière-grands-parents remonte aux environs du 15e siècle, lorsque les premières familles andalouses débarquèrent sur notre côte, fuyant la Reconquista espagnole. La célébration du Mawlid a été associée à une période très faste et très riche de la pêche. Ramener la m'nara vers le port est une croyance populaire de rééditer une pêche fastueuse par le biais d'une symbolique traduite par un chalutier transportant cette m'nara au large pour une randonnée nocturne». Selon les explications de ce Cherchellois, «cette tradition qui s'est perpétuée à travers les siècles constitue avec les chants et les psalmodies religieuses le ciment culturel qui a su résister à la déstructuration culturelle initiée par des colons français et autres envahisseurs». Ces feux d'artifice seront là pour nous rappeler par leurs merveilleuses couleurs que c'est la fête à Cherchell. «La nuit devient jour», s'exclament les visiteurs. Dans ces moments, les jeunes de Cherchell oublient leur misère, le chômage et leur quotidien, la mal-vie, leur tristesse pour un moment de bonheur où ce brassage unira les pauvres et les riches. Houari Larbi