Il y a beaucoup à dire sur l'homme que l'Algérie accueille, mais je ne vous embêterai pas avec les lieux communs et les idées reçues, en laissant le soin à certaines chaînes TV, aux réseaux sociaux et une partie de la presse écrite, le soin de les répandre. Nous nous inscrirons d'abord et avant tout en rupture avec cette vague de condamnations qui émane des milieux islamistes pro-turcs ! En effet, leur levée de boucliers n'a rien d'innocent. Dans la bataille que se livrent deux dirigeants imbus de pouvoir, j'ai vite fait le choix : je ne soutiens ni l'un ni l'autre et, malgré le virage opéré par notre diplomatie, scellé par un rapprochement avec l'Arabie Saoudite et un léger recul dans les relations avec l'Iran, il faut bien se garder de rentrer dans cette bataille de pseudo-coqs qui veulent commander le monde arabe et musulman avec leurs idées de fausse modernité et leur alignement persistant sur les choix de l'ultralibéralisme dictés par Washington et les grandes institutions capitalistes. Cette brouille à l'intérieur d'une idéologie islamiste déjà mise à mal par un autre schisme soufflé par le sionisme international et qui est censé opposer chiites et sunnites, n'est qu'une bataille d'ambitions personnelles, entre deux conceptions inspirées de l'extrémisme religieux. Il reste, évidemment, beaucoup de choses à reprocher au jeune prince et à son pays. Nous en parlerons non pas en tant que frère musulman, mais en citoyen libre d'une Algérie qui garde intacte sa mémoire. D'abord, cette histoire d'aide à la Révolution algérienne, sortie au lendemain de l'affaire de la banderole de Aïn M'lila, et bien qu'elle soit vraie, comme le sont tous les soutiens et les contributions matérielles de tant de peuples à travers le monde, n'est ni massive, ni exceptionnelle. Elle émanait de la volonté populaire et de certains membres de la famille royale qui ont retrouvé dans la bataille du peuple algérien pour sa liberté un peu du goût des chevauchées de leurs ancêtres porteurs du message religieux, dans un passé glorieux mais enseveli à jamais sous des tonnes de trahisons et de reniements. La mémoire, c'est ce voyage historique du roi Fayçal en Algérie, en 1970, et qui a marqué le plus important rapprochement entre deux pays que tout opposait. Le socialisme et la modernité au pas de course contre l'obscurantisme et l'arriération à l'ombre des derricks et des palmiers. Son idée, en arrivant, était que l'Algérie s'enfonçait dans le plus «abominable» des communismes et qu'elle n'avait plus rien de musulman sous l'autorité d'un Boumediène révolutionnaire. Il visita Arzew et ses installations gazières qui préfiguraient un monde nouveau et d'autres réalisations marquantes. Mais, en se rendant dans un village socialiste, il était persuadé qu'il visitait le symbole d'un collectivisme honni par les régimes féodaux. Pourtant, quand on lui expliqua qu'il n'y aurait pas seulement 1 000 cinémas dans les 1 000 villages, mais également 1 000 mosquées, il se ravisa et comprit l'Algérie un peu mieux. Ce rapprochement s'est consolidé au niveau ministériel par le dialogue franc et porteur entre deux hommes d'exception : Belaïd Abdesselam et Zaki Yamani. Sous l'impulsion de Boumediène et de Fayçal, ils conçurent avec leurs collaborateurs, un plan de boycott qui allait obliger l'Europe et l'Amérique à grelotter et à sortir calèches et vélos pour se déplacer. Le roi Fayçal fut tué et probablement que la mort de Boumediène n'avait rien de naturel. L'histoire entre les deux pays connut sa lune de miel durant les années 80 qui furent terribles, à leur fin, pour une partie de la jeunesse algérienne recrutée par les Saoudiens à coups de dollars pour aller combattre les «Rouges» en Afghanistan ! C'est le pays de Mohammed Ben Salmane qui porte, en partie, la responsabilité dans l'alimentation du fondamentalisme religieux et du djihadisme en Algérie, deux maux chèrement payés au cours de la décennie 90. C'est le pays du hôte de l'Algérie qui finança et arma les groupes islamistes, responsables de tant de morts et de massacres. Il ne faut pas non plus blanchir le Qatar et son ancien émir aux mains ensanglantées par tant de guerres commanditées par ses maîtres. Mais c'est une autre histoire. Ce qu'il faut plutôt demander à ces royaumes et émirats, ce serait de s'excuser pour avoir exacerbé la haine et causé tant de morts et de destructions chez nous. Certes, Mohammed Ben Salmane peut répondre qu'il n'était pas au pouvoir à ce moment-là et que toutes ses actions, depuis qu'il est le prince héritier, visent à casser cette image de pourvoyeur du terrorisme qui poursuit son pays et dont la dernière et horrible illustration fut cette intervention massive des djihadistes en Syrie, financés et armés par le royaume wahhabite. En fait, depuis qu'il a pris la direction du pays, il n'agit que sur ordre des sionistes dont l'actuel Président des USA semble être l'un des éléments les plus actifs, représentant ces sectes intégristes d'évangélistes, grands supporters d'Israël. Mohammed Ben Salmane n'était pas au pouvoir quand le royaume aida le terrorisme en Algérie mais c'est lui qui est l'auteur de la grande tragédie yéménite. Et si certains veulent faire une fixation sur le meurtre du journaliste Khashoggi, — que nous avons dénoncé de toutes nos forces, soutenant, dès notre premier article (18 octobre 2018), que le commanditaire est bel et bien Mohammed Ben Salmane —, nous retiendrons beaucoup plus les crimes de guerre, les bombardements d'écoles, d'hôpitaux, de cars et de quartiers civils dans ce Yémen déjà éprouvé économiquement et socialement. Pour combattre l'expansionnisme et l'arrogance israéliens, ils répondent «absents» mais se mettent «courageusement» en coalitions surarmées pour attaquer l'un des pays les plus pauvres de la planète ! L'Algérie n'était pas d'accord avec l'Arabie Saoudite sur la Syrie. Elle était contre le fait d'ajouter le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes. Elle ne voulut pas, non plus, participer à la fameuse coalition de la «hogra» au Yémen. Sur toute la ligne, c'était le désaccord total ! Pendant ce temps-là, l'Arabie Saoudite s'acoquinait avec le Maroc et le soutenait dans l'affaire du Sahara, cherchant, sans cesse, à affaiblir les positions de notre pays. Le prince que nous recevons est contre tout ce que nous aimons, tout ce que nous chérissons au nom de la liberté et des valeurs révolutionnaires de Novembre. Il a vendu la Palestine sur un plateau au gendre de Trump, l'un des plus redoutables sionistes de la planète. Il s'est mis au service du clan qui dirige la Maison Blanche et qu'il a su acheter avec les pétrodollars, tout en s'alignant sur Israël. Dernièrement, ce même Trump félicitait Ben Salmane pour son rôle dans la baisse du prix du pétrole ! Encore un coup de poignard dans le dos ! C'est cet ennemi que nous recevons, lui qui, un jour, déborda de colère à la vue d'une banderole portée par les Hommes (oui, avec une grosse majuscule) au stade de Aïn M'lila. Il demanda des excuses et nous fûmes très légers en les présentant, car «nous ne sommes pas des bandits !» Je préfère être un bandit de grand chemin combattant l'injustice des vendus à la colonisation et les armées occupantes qu'un prince du vice, un homme qui sera tôt ou tard condamné par le grand tribunal de l'Histoire. Et, peut-être, bien avant, par un tribunal tout court ! A propos de banderoles, toute la planète en hisse aujourd'hui de bien méchantes, de plus insultantes. Demandez des excuses comme vous le fîtes avec l'Algérie ! Il ne s'agit pas d'être contre une visite protocolaire car l'homme n'est pas encore confondu et n'a fait l'objet d'aucune condamnation. Si la diplomatie, qui est l'art de l'hypocrisie salonarde et en papillon, arrive à arracher des contrats faramineux ou à renforcer la position algérienne dans la guerre politique menée par le royaume chérifien, c'est son affaire. C'est son rôle dans tout ce qu'il a de plus contradictoire avec la morale ! M. F. P. S. : un événement de taille s'est produit cette semaine à Tébessa. Nous avions mal au cœur de voir l'usine d'Asmidal, qui produisait les engrais et d'autres matières chimiques utilisées par l'agriculture et l'industrie, vendue à des groupes étrangers qui fermèrent certaines unités pour nous obliger à importer chez eux ! Nous attendions ce complexe qui va transformer notre phosphate sur place pour le plus grand bien du secteur primaire et de... l'exportation ! L'Algérie des projets industriels intégrés ambitieux revient au pas de charge. Nous exportons du ciment, nous en ferons de même bientôt avec le rond à béton, le textile et le cuir publics renouent avec l'investissement, et les tirs groupés des institutions capitalistes mondiales n'y feront rien ! Nous imprimerons notre monnaie à notre guise pour ne pas échouer chez ces «affameurs des peuples» et nous trouverons des solutions aux maux qui minent l'économie, par des réformes made in Algeria, notamment sur la question des subventions publiques ! Les supérettes regorgent de produits nouveaux qui sortent d'usines toutes neuves qui n'auraient pas vu le jour sans l'arrêt de l'importation ! La catastrophe va venir ! Certains nous la prédisent chaque automne, depuis 2011 ! Elle arrive, oui, mais chez leurs copains et maîtres.