Le Théâtre régional de Mostaganem est entré samedi soir en compétition avec la pièce «Baccalauréat» mise en scène par Azzedine Abbar d'après un texte de Abdelkader Mostfaoui. Une foule nombreuse attendait devant les portes fermées du Théâtre national algérien en cette avant-dernière soirée du 13e Festival du théâtre professionnel. Cette longue attente inexpliquée en l'absence totale de communication a généré une série d'incidents et beaucoup de personnes n'ont pas pu accéder à la salle, faute de places. Prévue à 19h, la pièce ne commencera que trois quarts d'heure plus tard ; l'engouement était tel qu'une partie du public était debout ou assise à même le sol. C'est que «Baccalauréat», non seulement surmédiatisée sur les réseaux sociaux, est signée par un metteur en scène de référence du théâtre algérien moderne et réunit des comédiens vedettes de la scène actuelle (Adila Soualem, Bachir Nacer Boudjemma, Nacer Soudani, Aïssa Chouat…) La pièce s'ouvre sur une imposante scénographie signée Brahim Ould Tata qui présente une salle de cours atypique constituée de caisses en bois en guise de pupitres, de paravents abîmés et d'atmosphère poussiéreuse. Une professeure blasée et agressive donne des cours particuliers à des lycéens préparant leur bac ; parmi eux, un fils d'ouvrier, un gosse de riche et une surdouée. Derrière les murs fissurés, un ancien comédien de théâtre surgit de temps à autre pour ruminer ses souvenirs. Le rythme dramaturgique évolue crescendo, partant d'une ambiance de classe ordinaire vers des situations complexes et des dialogues débridés ponctués par des tableaux musicaux et chorégraphiques. Mêlant l'absurde au tragique, la mise en scène rejoint la richesse narrative du texte et explore une multitude de possibilités formelles, exploitant avec habileté l'espace scénique et les différents moyens techniques. Nous sommes donc facilement entraînés dans cette ode à la jeunesse où les personnages hauts en couleur incarnent une palette de profils psychologiques et composent une fresque humaine riche en tonalités et en nuances. Si le texte pèche parfois par des glissements dans le discours direct et le pathos, le sarcasme et l'humour noir reprennent très vite le dessus tandis que le spectateur est happé par une mise en scène inspirée, inventive et dynamique dont certains tableaux séduisent par leur puissance esthétique et une certaine transcendance qui vient balayer les quelques monologues malvenus et simplistes sur la misère du peuple et le désespoir de la jeunesse. Rire intelligent, réflexion, émotion et création auront donc été les principales qualités de «Baccalauréat» qui confirme surtout la singularité du style de Abbar, toujours prêt à transcender les formes classiques et à surprendre son public, mais aussi la générosité et la folle énergie de ces jeunes comédiens qui représentent sans conteste le nouveau souffle du théâtre algérien moderne. S. H.