Plus qu'un plaidoyer, la sortie de B. Ghlamallah, et Salah Belaïd, respectivement président du Haut Conseil islamique (HCI), et du Haut Conseil de la langue arabe (HCLA), a pris l'allure d'une offensive pour imposer la transcription de la langue amazighe, en caractère arabe. Un parti pris clair et sans détour qui se veut, au sens de nombreux observateurs, comme une manière de baliser, voire orienter le travail de l'Académie algérienne de la langue amazighe dont le décret présidentiel de création vient d'être publié au Journal officiel à la veille de la nouvelle année 2019. Les patrons des deux institutions consultatives placées sous l'égide du président de la République se sont exprimés, à l'ouverture du colloque régional sur l'histoire des textes manuscrits d'expression kabyle et transcrits en graphie arabe qui constituent un fonds documentaire sur le patrimoine religieux et culturel de la Kabylie de la période précoloniale et du Moyen-Age. «Manuscrits et transmission culturelle en pays des Zouaoua» est le thème de la rencontre qui s'est tenue, hier, mardi, à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou, avec au programme, de nombreuses conférences portant sur un panel de sujets comme Culture de conservation des manuscrits, la profondeur intellectuelle et culturelle des manuscrits des Zouaoua en Algérie, rôle de ces documents dans la préservation de la langue arabe, modèle d'une leçon de grammaire chez les Zouaoua… L'ex-ministre des Affaires religieuses, B. Ghlamallah et l'universitaire Salah-Bélaïd ont longuement insisté sur la valeur archivistique et documentaire de ces manuscrits qui constituent un héritage patrimonial d'une richesse anthropologique inestimable. Un legs qui renseigne sur les pratiques linguistiques religieuses dans la Kabylie de l'époque précoloniale qu'il convient, insiste-t-on, de préserver contre l'usure du temps, par le recours au moyen moderne de conservation. Initié par le HCLA, le HCI en collaboration avec le ministère des PTIC, une opération de numérisation est en cours d'exécution. Elle a permis la numérisation de 900 manuscrits sur les 1 200 documents répertoriés et récupérés au près de particuliers et d'institutions coraniques traditionnelles. Des documents qui serviront de corpus pour d'éventuels travaux de recherche, préconise le président du Haut Conseil de la langue arabe. Mais sous l'habillage scientifique et de défense de la mémoire, le discours prend le détour de l'histoire pour une prise de position en faveur du choix de la graphie arabe pour la transcription de tamazight. B. Ghlamallah ne manquera pas de rendre hommage à tous les anciens (les auteurs des manuscrits) qui ont choisi de trans crire leurs textes d'expression amazighe dans de nombreux domaines de la connaissance en caractères arabes. L'ex-ministre des Affaires religieuses reprend ainsi à son compte, un plaidoyer qui repose sur la légitimité religieuse que confère l'islam au signe linguistique (signifiant) arabe. Un argument qu'il préconise comme étant la panacée pour tamazight. «L'avenir et la vitalité de tamazight dans tout l'espace maghrébin ne peut être que dans la graphie arabe», clamera le président du HCI. A ses yeux, le seul choix qui s'impose est celui du caractère arabe, refusant toute forme de bicéphalisme et d'hégémonie dans l'écriture de cette langue, faisant allusion aux partisans de la graphie latine qui «sont libres de leur choix mais nous refusons toute forme de despotisme et d'hégémonie». S. A. M.