Si dans la matinée d'hier c'est une petite fissure qui est apparue au Forum des chefs d'entreprises (FCE) d'Ali Haddad, dans l'après-midi, les choses ont pris, en revanche, les allures d'une grosse lézarde dans la maison des patrons inféodés au président de la République. Le Forum des chefs d'entreprises, qui s'est mué tout récemment en syndicat des patrons, serait-il en train de vaciller ? En tous les cas, ce ne sont pas de simples retraits, ou même «un gel de participation» comme l'appelle son vice-président Laïd Benamor, qui sont venus secouer comme jamais l'organisation que tient dans sa poigne Ali Haddad. Ça a tout l'air, en effet, d'un désaveu public à mettre sur les effets immédiats causés par l'extraordinaire mouvement populaire qui met entre parenthèses désormais les ambitions politiques de tous les alliés du président de la République, surtout ces alliés qui ne manquent pas de se faire voir et entendre aussi souvent que possible, souvent en s'autorisant même de parler au nom du premier magistrat du pays. En tous les cas, dans la matinée d'hier donc, c'est Mohamed-Arezki Aberkane, le P-dg de Sogemetal, qui rendait publique sa décision de ne pas pouvoir renouveler son adhésion au FCE et ce, pas pour les plus banales des raisons. «A la suite des propos insultants à l'égard de la population de la wilaya de Tizi Ouzou tenus par le président du Forum, il m'est moralement impossible de feindre le silence (…) je ne peux faire partie d'une organisation patronale qui prône l'anathème et le mépris à l'égard de tout un peuple qui exprime librement et dignement une revendication qui est la sienne», a expliqué le patron de Sogemetal en faisant allusion, sans doute, à l'enregistrement audio de la discussion téléphonique entre Abdelmalek Sellal et Ali Haddad, non remise en cause jusqu'à hier par les concernés, avant que le patron démissionnaire ajoute comme argument ayant conduit à son retrait des positions politiques «incompatibles, voire antagoniques, avec ses missions statutaires». Un premier coup en pleine face d'Ali Haddad qui sera suivi en début d'après-midi par un autre, peut-être plus significatif, puisque le très en vue Hassan Khelifati, le patron d'Alliances Assurances, annonçait officiellement sur son compte Facebook : «Le gel de mon appartenance au FCE, après avoir déjà exprimé ma désapprobation en démissionnant de l'exécutif depuis 2014 et le non-renouvellement de ma cotisation depuis 2017», non sans avoir, dans le même post, fait état de sa participation à la manifestation populaire de vendredi dernier. Et ce n'était pas fini, puisque vers la fin de l'après-midi, du moins à l'heure où ces lignes étaient rédigées, tombait la plus significative des défections puisqu'il s'agissait de celle du vice-président du FCE, Laïd Benamor, qui a annoncé sa démission du poste qu'il occupait dans l'organisation et du gel de sa cotisation en qualité d'adhérent. «Chers adhérents, chers collègues, je souhaite par la présente lettre vous signifier le gel de ma cotisation au Forum des chefs d'entreprises, et de la même façon, mon souhait de démissionner de ma fonction de vice-président. Si notre association, devenue syndicat, a joué par le passé un rôle essentiel pour mener nos entreprises et notre économie vers de meilleurs lendemains, je me désole aujourd'hui de la voir s'éloigner de sa base. Je fus un partisan de la continuité. Non la continuité pour elle-même, par idéologie ou dogme, mais parce qu'en tant qu'industriel, je reste convaincu que relever le défi de la diversification réclame de la stabilité. Mais relever ce défi réclame aussi l'adhésion du peuple. Le faire à rebours du désir de nos concitoyens est une ineptie. Un non-sens. C'est la négation de nos valeurs et de notre histoire. Aussi, ma démission est à effet immédiat. Bien à vous, Mohamed Laid Benamor», a écrit le patron du Groupe Benamor dans un document adressé exclusivement au journal en ligne TSA. Azedine Maktour