La proposition du chef d'état-major de l'armée et vice-ministre de la Défense concernant l'application de l'article 102 de la Constitution constitue-t-elle une sortie de crise à la situation actuelle du pays ? La classe politique réagit. Le RND demande à Bouteflika de démissionner Dans un communiqué rendu public hier et signé par Ahmed Ouyahia, le RND, qui a réagi à l'appel du chef d'état-major de l'armée, a demandé au Président sortant de démissionner. Le parti dit saluer la position du général de corps d'armée chef d'état-major qui a appelé à l'application de l'article 102 et qui va éviter au pays une situation de blocage. Cependant, le parti dit qu'il propose au Président sortant de démissionner et ce, conformément au 4e alinéa de l'article 102 de la Constitution dans le but de faciliter au pays de rentrer dans une période de transition. Le chef du RND demande également au Président de nommer dans l'immédiat un nouveau gouvernement pour « éviter tout vide ou toute spéculation autour du gouvernement dans cette période ». Ali Benflis : « la mise en œuvre de l'article 102 n'est pas susceptible de constituer à elle seule une base pour le règlement de la crise » J'ai personnellement toujours soutenu que l'ensemble des forces patriotiques du pays devraient se rejoindre pour apporter leur contribution au règlement de la crise de régime d'une exceptionnelle gravité que l'Algérie connaît. L'annonce du vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'Armée nationale populaire dont je viens de prendre connaissance avec une extrême attention appelle de ma part les observations suivantes : premièrement, je saisis cette occasion pour saluer le peuple algérien dont la révolution pacifique a permis que souffle sur le pays le vent de la liberté et que l'Algérie prenne le chemin de l'édification d'une République démocratique et moderne et d'un Etat de droit respectueux de la souveraineté populaire, de la citoyenneté, des droits et des libertés. Deuxièmement, je retiens l'intention de l'Armée nationale populaire d'assumer son devoir patriotique en apportant sa contribution à une sortie de la crise actuelle, devenue d'une urgence extrême et de nature à épargner au pays une instabilité croissante porteuse de tous les dangers. Troisièmement, je prends note de l'engagement de l'Armée nationale populaire – selon sa propre déclaration —, à apporter son soutien à un règlement qui garantit la satisfaction de toutes les revendications légitimes du peuple algérien et acceptable pour tous. Quatrièmement, compte tenu de la situation exceptionnelle que vit notre pays, la mise en œuvre de l'article 102 de la Constitution n'est pas susceptible de constituer à elle seule une base – toute la base — pour le règlement de la crise. De ce point de vue, l'application de l'article 102 devra impérativement être adaptée de manière que soient respectées les conditions de transparence, de régularité et d'intégrité que le peuple réclame afin de pouvoir exprimer son choix librement et sans contrainte et sans tutelle. Cinquièmement, je forme, de toutes mes forces, le vœu que le règlement de la crise actuelle fournira des bases saines et solides à la refondation future de notre système politique que notre peuple demande et dont il attend l'émergence d'un Etat-Nation puissant, démocratique et moderne où le peuple algérien prend lui-même la maîtrise de son destin. Parti des travailleurs : « c'est une immixtion dangereuse du militaire dans le politique » Le Parti des travailleurs, qui a rendu un communiqué public hier, à l'issue de la session ordinaire de son bureau politique, tenue mardi, a estimé que la déclaration du chef d'état-major « apparaît comme dirigée contre la volonté de l'écrasante majorité du peuple de chasser un système corrompu et décomposé et disposer d'elle-même ». Le PT affirme qu'il s'agit d'une « immixtion dangereuse du militaire dans le politique ». Le parti de Louisa Hanoune explique que l'application de l'article 102 « implique le maintien du gouvernement actuel et les deux Chambres du Parlement dont l'écrasante majorité du peuple réclame le départ car non légitimes. Elle vise donc le sauvetage du système et sa continuité. « L'application de l'article 102 est porteuse de tous les risques pour la Nation, pour sa souveraineté et son intégrité ouvrant la voie aux ingérences étrangères tant rejetées par les millions de manifestants. Ce qui confirme que toute période de transition constitue un réel danger pour le pays. Par conséquent, une éventuelle constitutionnalisation de ce qui s'apparente à un coup de force constituerait une dérive sans précédent qui menacerait les fondements mêmes de l'Etat et la sécurité nationale, une menace contre la paix recouvrée.» Pour le Parti des travailleurs, «la seule issue positive à même de préserver la Nation du chaos réside dans le respect de la volonté de la majorité du peuple d'exercer sa pleine souveraineté, définir elle-même la nature du régime à mettre en place et donc la forme et le contenu des institutions dont elle a besoin pour la satisfaction de toutes ses aspirations démocratiques, économiques, sociales, et culturelles. Pour le PT, c'est là la voie du salut, et c'est pourquoi, il appelle à la convocation de l'Assemblée constituante nationale souveraine. Le Parti des travailleurs, qui a toujours combattu depuis sa fondation en 1990 le système en place pour l'avènement de la démocratie, se range inconditionnellement du côté de la majorité du peuple qui exige le départ du système et du régime dans leur totalité, ne saurait participer à une opération de replâtrage et donc de sauvetage du système. Il ne cautionnera pas le contournement, voire la confiscation de la volonté de l'écrasante majorité du peuple», a déclaré le parti dans son communiqué qui a annoncé également la démission du groupe parlementaire du PT de l'APN. L'UGTA prend acte et salue l'appel de Gaïd Salah L'UGTA soutient la proposition de l'application de l'article 102 et déclare dans un communiqué rendu public et signé par Abdelmadjid Sidi Saïd, que l'appel de Gaïd Salah constitue « la meilleure solution pour une sortie de crise ». « L'UGTA salue et prend acte de l'appel du général de corps d'armée Monsieur Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire, à l'application de l'article 102 de la Constitution, constituant le cadre légal à même de surmonter la crise politique à laquelle est aujourd'hui confronté notre pays », lit-on dans le communiqué. La centrale syndicale a déclaré également que « le changement est devenu nécessaire, comme il est évident qu'il doit se construire à travers un dialogue empreint de sagesse, permettant de faire émerger l'édification d'une nouvelle République, avec les aspirations de notre peuple et de sa jeunesse, et d'asseoir sereinement l'avenir et de préserver notre pays, l'Algérie». Karim Tabou : « aucune disposition de la Constitution ne permet à Gaïd Salah d'intervenir sur le terrain politique » « Gaïd Salah, à travers sa proposition, veut nous imposer encore de nouveau le même système alors que s'il avait respecté lui-même la Constitution, il aurait constaté qu'il n'y a aucune disposition de la Constitution qui lui donne le droit d'intervenir sur le terrain politique. Aujourd'hui, je pense que la meilleure réponse à donner à M. Gaïd Salah c'est de descendre encore une fois dans les rues à travers toutes les villes algériennes, d'une manière pacifique et exiger le départ de ce système avec ses pratiques, avec ses hommes et ses symboles et la mise en place d'un d'Etat de droit .» Soufiane Djilali appelle à une nouvelle marche vendredi Soufiane Djilali, président de Jil Jadid a appelé les Algériens à marcher vendredi prochain pour maintenir la pression. Dans une vidéo postée sur sa page Facebook, le président de Jil Jadid a expliqué que l'application de l'article 102 écarte certes Bouteflika, mais la désignation du président du Conseil de la nation à la tête du pays veut dire que le même système sera maintenu et c'est la même institution donc qui sera chargée de l'organisation de l'élection présidentielle. « Ni le peuple ni l'opposition n'accepteront, car ils ont demandé le départ de tout le système pour aller vers une période de transition avec de nouvelles têtes, qui bénéficient de la confiance du peuple, pour mener cette période de transition pendant six mois à une année, le temps d'organiser une nouvelle élection présidentielle transparente», a déclaré Soufiane Djilali. Salima Akkouche