L'ancien Président Liamine Zeroual a réagi, à son tour, aux graves accusations dont il a été l'objet par certains médias qui se proclament, depuis quelques jours, porte-parole de l'état-major de l'armée, et portant sur « une rencontre secrète avec le général Toufik, Saïd Bouteflika, Bachir Tertag et des agents des services français ». Et après le démenti du général Toufik, lundi dernier, c'est Zeroual qui rompt le silence. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Dans une déclaration écrite, rendue publique hier mardi, l'ancien président de la République s'est expliqué sur cette fameuse rencontre à laquelle avait fait allusion le général de corps d'armée, chef de l'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah. « Je tiens à informer, écrit le général Zeroual, par devoir de vérité et de transparence, que j'ai reçu le samedi 30 mars et à sa demande, le général de corps d'armée Mohamed Mediene (Toufik) qui m'a porté la proposition de présider une instance chargée de la conduite de la transition. Il m'a confirmé que cette proposition avait été faite en accord avec Saïd Bouteflika , conseiller à la présidence de la République .» C'est de cette rencontre, assurément, que parlait Gaïd Salah dans sa fameuse intervention de samedi dernier. Si le général Toufik s'était suffi, dans sa déclaration de lundi dernier, de démentir une « prétendue rencontre » avec notamment l'actuel chef des services de renseignement , Bachir Tertag, , ainsi qu'avec « des agents étrangers », il n'a, par contre, pas démenti sa rencontre avec Liamine Zeroual. Mais sans plus. Mais Zeroual ira plus loin encore en dévoilant l'objet et le contenu de sa rencontre avec l'ancien patron des services. A savoir, proposer à Zeroual de conduire une transition après la démission de Abdelaziz Bouteflika. C'est ce qui explique la colère du chef de l'état-major, Ahmed Gaïd Salah, et son insistance à s'en tenir à la stricte application de l'article 102. Il affirmera même que l'armée s'opposerait de toutes ses forces à toutes les décisions qui émaneraient de cette « rencontre secrète ». Ceci étant, Liamine Zeroual a affirmé dans sa déclaration d'hier mardi avoir décliné cette proposition. « J'ai fait part à mon interlocuteur, écrit l'ancien Président, de toute ma confiance dans la maturité des millions de manifestants et de la nécessité de ne pas entraver la marche du peuple, redevenu maître de son destin .» L'homme qui s'est effectivement interdit toute activité politique ou publique depuis son retrait du pouvoir, fin avril 1999, glissera, dans sa déclaration d'hier mardi, une révélation assez importante. Il affirme ainsi que « comme vous le savez, je décline depuis 2004 toutes les sollicitations politiques et j'appelle à chaque fois à organiser une véritable alternance de nature à favoriser l'émergence de nouvelles générations auxquelles j'ai toujours fait confiance ». Depuis 2004 ? Mais qui a sollicité Zeroual depuis une quinzaine d'années, déjà, et pour quelle mission ? Il n'en dira pas plus. Toujours est-il , et conscient de la gravité de la crise, l'ancien Président tient, d'un côté, à saluer l'extraordinaire révolution populaire. « Je suis interpellé, tout comme vous, par la force des manifestations populaires, massives et organisées du peuple algérien auxquelles j'ai apporté publiquement mon soutien dès les premiers jours .» De l'autre côté, il fait part de son inquiétude : « Je suis également tout comme vous préoccupé par l'absence de réponses politiques à la hauteur de ses (le peuple algérien, ndlr ) légitimes revendications démocratiques .» Devant la brusque précipitation des événements depuis une semaine, avec notamment « l'intrusion » de l'armée dans le débat et le conflit désormais ouvert entre celle-ci et la présidence, Zeroual, qui était au cœur d'une crise similaire en été 1998, ne manquera pas de lancer un appel à la sagesse : « Aujourd'hui, et devant la gravité de la situation, les tenants du pouvoir doivent faire preuve de raison et de discernement et s'élever à la hauteur de notre peuple pour éviter tout dérapage aux conséquences incalculables pour le pays et laisser les Algériens s'exprimer librement et imposer la volonté de notre grand peuple», conclut, en effet, l'ancien Président. K. A. Document Déclaration du Président Liamine Zeroual Comme tous les Algériens, j'ai ressenti une immense fierté en voyant des millions d'Algériennes et d'Algériens réclamer une Algérie démocratique dans une ferveur et une discipline qui font honneur à la Nation et donnent de l'Algérie et de son peuple une image digne de nos aspirations historiques. Depuis l'indépendance, notre système politique n'a pas su être à l'écoute du peuple, se réformer à temps, se moderniser et se hisser à la hauteur des attentes d'un grand peuple qui, le 22 février 2019, n'a pas raté son rendez-vous avec la démocratie et a réconcilié l'Algérie avec son immense Histoire. Je suis interpellé tout comme vous par la force des manifestations populaires, massives et organisées du peuple algérien auxquelles j'ai apporté publiquement mon soutien dès les premiers instants. Je suis également tout comme vous, préoccupé par l'absence de réponses politiques à la hauteur de ses légitimes revendications démocratiques. Comme vous le savez , je décline depuis 2004 toutes les sollicitations politiques et j'appelle à chaque fois à organiser une véritable alternance de nature à favoriser l'émergence de nouvelles générations auxquelles j'ai toujours fait confiance et fortement encouragées. Je tiens à cet effet à informer, par devoir de vérité et de transparence, que j'ai reçu ce samedi 30 mars et à sa demande, le général de corps d'armée Mohamed Mediene qui m'a porté la proposition de présider une instance chargée de la conduite de la transition. Il m'a confirmé que cette proposition avait été faite en accord avec Saïd Bouteflika, conseiller à la présidence de la République. J'ai fait part à mon interlocuteur de toute ma confiance dans la maturité des millions de manifestants et de la nécessité de ne pas entraver la marche du peuple, redevenu maître de son destin. Aujourd'hui, et devant la gravité de la situation, les tenants du pouvoir doivent faire preuve de raison et de discernement et s'élever à la hauteur de notre peuple pour éviter tout dérapage aux conséquences incalculables pour le pays et laisser les Algériens s'exprimer librement et imposer la volonté de notre grand peuple. Gloire à nos martyrs. Vive l'Algérie libre et démocratique. Liamine Zeroual Alger, le 2 avril 2019