Les partis de l'opposition qui ont proposé, chacun en ce qui le concerne, des plans de sortie de crise avec une période de transition démocratique, refusent de s'inscrire dans ce processus qui est considéré comme un contournement des revendications du peuple qui reste mobilisé contre la gestion de la transition par le système politique. Karim Aimeur - (Alger) Le Soir - Après son installation, le nouveau chef de l'Etat a annoncé la mise en place, «en concertation avec la classe politique et civile citoyenne», d'une institution nationale collégiale, souveraine dans ses décisions, chargée de réunir les conditions nécessaires de préparation et d'organisation d'élections nationales honnêtes et transparentes. Une démarche unanimement rejetée par les partis politiques. «C'est un simple effet d'annonce dénué de toute efficience. C'est un pur déni de la réalité qui caractérise la scène politique nationale», estime Fetta Sadat, députée du RCD, rappelant que le peuple réclame le départ du système politique «qui sévit depuis plus d'un demi-siècle usant de la fraude électorale et de la dilapidation des richesses nationales». Pour elle, il s'agit d'un détournement de la souveraineté populaire par le chef de l'Etat «intronisé suite à un véritable coup de force» et qui tourne le dos de manière ostentatoire aux revendications et aspirations du peuple algérien. «Ce régime qui espère perdurer par l'artifice de l'article 102 de la Constitution ne peut apporter les solutions attendues par le peuple algérien. Par ses promesses vaines, Bensalah confirme que ce régime est autiste et jusqu'auboutiste. La répression de manifestations pacifiques en est la meilleure preuve», ajoute notre interlocutrice, affirmant que la rue a répondu aux promesses de Bensalah en demandant son départ et en appelant à l'application de l'article 7. De son côté, le président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), Mohamed Saïd, estime que Bensalah est lui-même un problème que le peuple cherche à résoudre par l'obtention de son départ. «Quelle que soit sa disponibilité, je ne pense pas qu'il sera écouté par la classe politique et citoyenne même dans l'hypothèse où le Commandement de l'armée le maintient contre la volonté populaire», précise Mohamed Saïd, dans une déclaration au Soir d'Algérie. Le PLJ a soutenu que la désignation de Bensalah ne contribue guère à réduire la tension populaire car elle s'oppose à l'exigence d'un changement radical du régime revendiquée depuis le 22 février par des millions d'Algériens. Pour sa part, Mustapha Hadni, coordinateur du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD), soutient qu'à travers la feuille de route déclinée par Bensalah, le pouvoir tente de se régénérer et de changer de peau en mettant en avant le faux argument du respect de la Constitution. «En réalité, il a beau manœuvrer, menacer, multiplier les effets de manche, le mouvement de masse imperturbable s'est élargi et approfondi de jour en jour mobilisant pacifiquement des millions de manifestants», a-t-il réagi. Contacté par nos soins, M. Hadni a exprimé la nécessité historique d'une transition démocratique qui passe, selon lui, par la démission de Bensalah et de Belaïz ainsi que la dissolution de toutes les institutions «élues», la désignation d'un gouvernement de combat républicain, l'adoption d'un projet d'une nouvelle Constitution afin d'aboutir à un projet de société consacrant l'Algérie républicaine, démocratique, sociale et laïque et enfin l'organisation d'élections libres et démocratiques. «Si les démocrates veulent réellement ouvrir la voie à l'Etat de droit, ils doivent à tout prix éviter de se présenter face à leurs ennemis en rangs dispersés et se décider à se retrouver ensemble autour d'une table, exclusivement entre démocrates, loin des partis-Etat et des partis islamistes et ce, afin de tracer d'un commun accord une feuille de route unique et imposer une alternative crédible», a-t-il soutenu, appelant à l'unification des forces progressistes et modernistes. Le même rejet de la feuille de route de Bensalah est exprimé par la société civile. Interrogé, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), affirme refuser le recours à l'application de l'article 102 de la Constitution et l'organisation des élections par le même système dans 90 jours. Il soutient que la commission proposée par Bensalah «n'est qu'une manœuvre de plus opérée par le système qui est tellement acculé par la force de la rue qu'il est en train de faire dans le bricolage pour sauver ce qui pourrait l'être». «Pour nous, il est impossible d'organiser des élections libres et indépendantes en 90 jours d'autant que nous constatons avec force la mauvaise volonté du système d'aller vers un changement effectif», tranche-t-il. Même son de cloche chez le président de l'association Rassemblement, jeunesse et action (RAJ), Abdelouahab Fersaoui, qui estime que la proposition de Bensalah «est une ruse qui vise le recyclage du système». K. A.