Yasmina Khadra est-il revenu à son premier amour, le polar ? Son nouveau roman, L'outrage fait à Sarah Ikker, commence à la James Hadley Chase. Un officier de police, disparu depuis plusieurs jours, est retrouvé gisant près d'une prostituée, dans la chambre d'un hôtel minable de la côte méditerranéenne. Tous les deux sont nus comme des vers. Les joints et les bouteilles de vin vides montrent que le lieutenant Driss Ikker n'est pas venu dans cet hôtel de Tanger pour admirer le coucher du soleil sur la mer. Le brigadier Farid Aghroub, qui avait retrouvé les traces de Driss Ikker, se pencha sur un cendrier plein de mégots et en renifla un. «Purée, du cannabis. Je vais dire quoi au patron, moi ?», s'exclama-t-il. Par chance, le policier et la prostituée ne sont pas morts, mais juste ivres morts ou «ivres camés». Comment le lieutenant Driss Ikker, cet honnête homme marié, originaire du Rif marocain, en est-il arrivé là ? C'est une longue histoire. C'est Sarah qui avait choisi Driss et lui avait proposé le mariage en lui laissant le temps de réfléchir avant de donner sa réponse. «Je vous observe depuis plus d'une année. De loin certes, mais avec beaucoup d'attention. Vous êtes la seule personne qui a remué quelque chose en moi», lui a-t-elle dit un jour lors d'une soirée autour d'une table dans un grand restaurant à Mahdia, à quelques kilomètres de Kénitra. «Après le dîner, Sarah emmena son protégé sur la plage et, assis tous les deux au sommet d'une dune, face à la mer frémissante, ils parlèrent d'Al-Moutanabbi et de littérature.» Si, pour une certaine dame, le pire des outrages et des sacrilèges est de chahuter un poète en pleine inspiration, l'outrage fait à Sarah Ikker est différent. Le viol laisse des traumatismes et des blessures difficiles à panser et guérir. Le couple en a subi les conséquences. «Sarah aurait tant aimé que son mari se réveille et qu'il la surprenne penchée sur lui, pareille à une étoile veillant sur son berger. Mais Driss ne se réveillait pas. Restitué à lui-même, il s'était verrouillé dans un sommeil où les hantises et les soupçons se neutralisent…» Driss Ikker, de son côté, n'avait plus qu'une seule obsession : identifier celui qui avait profané son bonheur conjugal. Le nouveau roman de Yasmina Khadra plonge le lecteur dans des histoires sordides de crime et de lutte contre le crime par des policiers pas toujours très regardants sur les moyens. On y trouve parfois des personnages pittoresques comme un cambrioleur du nom de Arslène Lebben (un Arsène Lupin, arabe ?). Enfin, Driss Ikker écoute la musique des frères Megri, si populaires en Algérie dans les années 1970. Paru chez Casbah Editions, le tome 1 de L'outrage fait à Sarah Ikker (275 pages) sera disponible en librairie le 2 mai prochain. Kader B.