Fidèle à lui-même, Yasmina Khadra a animé une rencontre pour évoquer la globalité de son œuvre, les thèmes qui l'interpellent, les polémiques et autres incompréhensions qui entourent son écriture, ainsi que son rapport aux écrivains algériens. Invité par le Festival international de la littérature et du livre de jeunesse dans sa troisième édition, Yasmina Khadra a animé une rencontre, avant-hier sur le site du Feliv, durant laquelle il a évoqué son œuvre littéraire, son rapport aux auteurs algériens, sa relation avec la langue française, les polémiques qui gravitent autour de son écriture et les thèmes qui la traversent. Le modérateur de la rencontre, Mohamed Sari, traducteur, a entamé cette rencontre par la polémique autour du roman Ce que le jour doit à la nuit, prix France Télévisions 2008. Certaines chapelles littéraires ont accusé l'écrivain d'avoir plagié un autre texte : les Amants de Padovani (éditions Dalimen) de Youcef Driss. Il y a quelques jours, Yasmina Khadra a été une nouvelle fois accusé dans la presse de plagiat. Cette fois-ci pour son dernier roman, l'Olympe des infortunes (éditions Média-Plus). Yasmina Khadra aurait plagié Steinbeck. Mohamed Sari a expliqué que les auteurs sont toujours influencés par leurs lectures et cela se sent parfois lorsqu'ils écrivent. C'est un procédé littéraire qu'on appelle l'intertextualité, et ceci vient naturellement ; parfois, l'auteur ne s'en rend même pas compte. “Je ne suis que la somme des écrivains que j'ai lus”, estime Yasmina Khadra, qui a regretté ces accusations, en reconnaissant, toutefois, que les polémiques alimentent les milieux culturels. Il s'est ensuite souvenu de sa jeunesse et de son enfance, en affirmant que c'était ses lectures qui l'avaient sauvé, puisque celles-ci lui offraient un moyen de s'évader. “J'étais né pour écrire et je me suis retrouvé à 9 ans dans une caserne. Je n'avais pas assez de courage pour déserter, alors la lecture me permettait de m'évader”, a-t-il confié. Car les conditions étaient rudes à l'école des cadets et Mohamed Moulessehoul n'était qu'un enfant qui aspirait à changer son monde, à être un héros ou quelqu'un de meilleur. “À l'école des cadets, j'étais un matricule, je n'étais pas une personne. On était dans une sorte de paranoïa collective”, lance-t-il. Plus tard, l'écriture a été pour lui, “une façon de restituer le monde qui m'a été confisqué. Mon imaginaire c'est ma patrie.” Ecrivain francophone chevronné et largement célèbre, Yasmina Khadra a pourtant avoué qu'il avait toujours rêvé d'écrire en arabe. “J'adore lire la poésie arabe. Le plus grand poète pour moi c'est El Moutanabi. À 14 ans, j'ambitionnais de devenir le nouveau Moutanabi. J'étais un peu mégalo à l'époque”, dit-il avec entrain, un brin d'humour, tout en répondant à ceux qui l'accusent de mégalomanie. L'auteur prolixe a également rendu hommage à son instituteur de français à l'Ecole des cadets, qui l'a toujours encouragé et poussé à aller de l'avant. Cette relation particulière et privilégiée avec cet enseignant français, rappelle celle qu'entretenait Albert Camus avec M. Germain. “Ma rencontre avec la langue française est une rencontre d'amour”, révèle l'auteur de l'Ecrivain. Et d'ajouter : “Le conseil que je donne aux personnes qui veulent s'essayer à la littérature, c'est qu'ils apprennent à aimer les écrivains ; il faut impérativement aimer et il ne faut pas médire des écrivains.” Rat de bibliothèque, Yasmina Khadra dévorait les livres, et notamment ceux des auteurs algériens, car “j'avais besoin de croire en le talent algérien.” Son rapport avec les écrivains algériens est à la fois serein et passionné. Et pour Malek Haddad, il voue une admiration sans limites, tout en considérant que son refus d'écrire en français a été une réelle perte pour la littérature algérienne d'expression française, car “Malek Haddad a su assujettir les mots au service de la poésie.” Afin de lui rendre hommage dans les règles de l'art, Yasmina Khadra a préfacé la nouvelle édition de Je t'offrirai une gazelle. Durant cette rencontre, il a également été question de l'écriture de Yasmina Khadra. Brouilleur de pistes, il a dit avoir inventé un nouveau style et une nouvelle structure à chaque nouvelle œuvre. “Le changement n'est pas seulement dans la structure du texte, le changement est dans le style. C'est une révolution dans la littérature mais, malheureusement, c'est un Algérien qui écrit de cette manière-là”, regrette-t-il. Il a également évoqué ses personnages, qui l'assujettissent complètement. “ Je deviens le nègre du personnage et je me prête au jeu de mes personnages. C'est une manière de ne pas me substituer aux personnages. Je suis l'esclave de mes personnages”, a-t-il affirmé. Quant à son dernier-né, l'Olympe des infortunes, certains ont décrété que le roman était un flop alors qu'il s'est vendu à 100 000 exemplaires. Ce qui n'est réellement pas rien.