Le maintien de l'élection du 4 juillet suscite l'inquiétude quant au plan et aux visées non avoués des décideurs. Après cette date, si aucune solution n'est apportée à la crise, entre-temps, le vide institutionnel et constitutionnel sera total. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Face au spectre de ce vide qui s'approche et ses conséquences, des acteurs politiques et associatifs mettent en garde et dénoncent l'obstination du pouvoir qui tient envers et contre tout à cette échéance. Pour éviter de tomber dans des lendemains incertains, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme lance un appel pressant au chef d'état-major de l'ANP, que les évènements ont propulsé au-devant de la scène, étant le centre incontestable du pouvoir, lui demandant de se ressaisir. «Ahmed Gaïd Salah, à la tête de l'Armée nationale populaire, qui incarne aujourd'hui le pouvoir réel, peut encore se ressaisir et se mettre du côté du peuple qui nourrit encore de l'espoir de voir son armée l'accompagner vers la nouvelle République, à travers une période de transition», a lancé la LADDH dans un communiqué rendu public hier. A travers ce document, signé par le vice-président Saïd Salhi, la Ligue soutient que le chef d'état-major de l'armée devra afficher clairement sa bonne foi et sa volonté d'être au service de son peuple, en déclarant l'abandon de la feuille de route qui est dangereuse pour la cohésion et la stabilité du pays. «Cela nous permettra de gagner du temps au lieu d'attendre le 4 juillet pour déclarer encore la vacance du pouvoir, au risque d'exacerber la crise et d'enfoncer le fossé entre le peuple et son Etat», avertit l'organisation, soulignant que tourner le dos à l'aspiration légitime du peuple au changement radical du système revient à «pousser au pourrissent et au chaos». Pour la LADDH, la sortie de crise ne doit pas se faire contre ou sans le peuple. Elle appelle Gaïd Salah à annoncer sa volonté d'amorcer le processus de transition et d'ouvrir un dialogue sérieux avec le peuple à travers les dynamiques du mouvement populaire, de la société civile et politique de l'opposition. Dans cette conjoncture aussi délicate que porteuse de dangers, l'armée se trouve face à une responsabilité historique : se dresser contre ou se mettre aux côtés de son peuple, selon la même organisation. Dérives et incertitudes Cette dernière trouve, en effet, «irresponsable» et «aventurier» le fait de parler encore de la présidentielle du 4 juillet au moment où des millions d'Algériens signifient chaque vendredi leur opposition à ce scrutin et à la gestion de la transition par les figures du système. Cette élection, si elle est maintenue, ouvrira le pays sur des perspectives dangereuses. Imaginons, après l'expiration du mandat de Bensalah, la proposition d'une instance de transition dont les membres seront rejetés par le peuple le vendredi d'après. C'est un saut dans l'inconnu. L'ancien président du RCD, Saïd Sadi, évoque des conséquences tragiques. «S'il est difficile de trouver des explications rationnelles à la présidentielle officiellement prévue pour le 4 juillet et à laquelle personne ne croit ou n'adhère, il est, hélas, aisé de deviner les tragiques conséquences de cet aveuglement », a-t-il mis en garde hier, dans une déclaration publiée sur sa page Facebook. «Ce vide ouvrira la porte à toutes les dérives et à toutes les incertitudes», s'inquiète Mustapha Hadni, coordinateur du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD). «Tout le monde sait qu'il est impossible de tenir ces élections à la date indiquée, son rejet est exprimé par le peuple et les partis de l'opposition, il ne peut pas y avoir d'élections sans le peuple, tenter le coup de force c'est aller droit au mur, et exacerber encore plus la crise et les tensions, c'est un risque sur la cohésion nationale et la stabilité du pays», avertit, pour sa part, Saïd Salhi, dans une déclaration au Soir d'Algérie. Pour le vice-président de la LADDH, dresser l'armée contre le peuple pour imposer cette élection est la plus dangereuse éventualité, car, a-t-il expliqué, « l'armée reste encore une institution qui peut accompagner la transition, elle reste le pouvoir réel mais aussi le recours». «Pourquoi cette perte de temps et toutes ces manœuvres sachant bien que la vacance du pouvoir sera prononcée le 4 juillet ? Que fera alors le pouvoir réel alors qu'il est plus raisonnable et dans l'intérêt du pays d'aller au plus vite vers la transition politique ?», s'interroge notre interlocuteur. K. A.