Toutes les places symboliques du mouvement populaire à Alger ont été interdites, hier, aux étudiants à l'occasion de leur marche hebdomadaire qui a drainé les foules des grands jours. Elles ont été bouclées par un double cordon sécuritaire formé par les agents de l'ordre et les fourgons de la police. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Le dispositif policier est très impressionnant. La place de la Grande-Poste a été totalement quadrillée et le passage vers la rue Larbi-Ben-M'hidi fermé. La descente de la rue Pasteur, le passage par la rue Asselah-Hocine et par le boulevard Zighout-Youcef, à proximité du jardin Sofia, sont obstrués. Ce dispositif a été déployé afin d'empêcher les étudiants de se rendre au siège de l'APN ou au tribunal Abane-Ramdan. De l'autre côté, toutes les montées vers le Palais du gouvernement ont été «soudées». les entrées du tunnel des Facultés totalement bouclées. Et pour la première fois, même la place Audin est interdite aux manifestants. Le passage est barricadé par un dispositif monstre à proximité de la Fac central. C'est dans ce décor que les étudiants ont organisé leur marche dans la capitale, de plus en plus assiégée à chaque manifestation. Les manifestants se sont donné le mot d'ordre d'éviter tout contact avec les forces de l'ordre qui les ont réprimés à deux reprises la semaine passée. Pour marcher, les manifestants n'ont que la descente du boulevard Khemisti, pour contourner ce dispositif et rejoindre la place des Martyrs, en passant par la rue d'Angkor (Angkor est un site archéologique du Cambodge ) qui longe le port d'Alger. En avançant, les étudiants ont lancé des slogans contre les élections, demandant le départ des figures du système et ses partis, en faveur de la démocratie, d'un Etat civil et non militaire. En arrivant devant la base maritime d'Alger de l'ANP, ils ont entonné des slogans contre le chef d'état-major de l'ANP, tout en réitérant «Djeïch chaâb khawa khawa». Les manifestants ne savaient certainement pas ce qui les attendait quelques centaines de mètres plus loin. A proximité du terminus de la gare ferroviaire, un infranchissable cordon sécuritaire, formé par des centaines d'agents, appuyés par un autre cordon de fourgons, s'est dressé devant eux pour les empêcher d'avancer vers la place des Martyrs. «Ils ne vous reste qu'à tirer sur nous», lancent plusieurs étudiants avant que ne fuse «Nous sommes des étudiants, pas des terroristes» et «Etat civil et non policier». Faisant montre d'un grand pacifisme, ils ont refusé de forcer le barrage en rebroussant chemin. Arrivés devant la Grande-Poste, ils ont poursuivi la marche vers la rue Pasteur avant de prendre la descente de la rue du 19-Mai-1956 qui donne sur la route principale menant vers la place Audin. Mais à leur grande surprise, le passage était bouclé à proximité de la Fac centrale. Plusieurs manifestants ont tenté de forcer ce cordon mais sans trop insister. Ils sont coincés entre la Grande-Poste et la Fac centrale, sous un soleil de plomb. A la fin de la manifestation, une minute de silence à la mémoire du militant Kamel-Eddine Fekhar, décédé emprisonné, a été observée et des chants patriotiques ont été entonnés. Les journalistes brutalisés Les journalistes venus couvrir la marche hebdomadaire des étudiants ont été brutalisés, hier, par les forces de l'ordre à Alger. Des policiers en uniforme ont voulu les empêcher de faire leur travail, en essayant de les éloigner du lieu du déroulement de la manifestation et n'hésitant pas à proférer des vulgarités à leur encontre. Ce n'est pas la première fois que des incidents similaires sont rapportés depuis le début du mouvement populaire du 22 février. K. A.