La désormais traditionnelle marche des étudiants ne s'est pas déroulée hier dans des conditions identiques à celles des semaines précédentes. Les forces de l'ordre n'ont pas hésité à faire usage de canons à eau pour disperser les étudiants au centre d'Alger. Plusieurs manifestants ont été interpellés. Au moment où Bensalah était intronisé chef de l'Etat, la capitale connaissait une vive tension. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - L'information faisant état de l'interdiction des marches en dehors du vendredi n'est visiblement pas qu'une vue de l'esprit. Les étudiants sortis hier pour la septième semaine consécutive ont pu le vérifier. Les forces de l'ordre avaient instruction de les empêcher d'évoluer dans la capitale librement. Dès le début de la matinée d'hier, le ton était donné : le dispositif sécuritaire, d'habitude discret, était, en cette matinée du mardi, très visible. Plusieurs colonnes de policiers étaient déjà positionnées au niveau de la Grande-Poste, de la place Audin mais également au niveau du boulevard Mohammed V avant même le début de la marche des étudiants. Aux environs de dix heures, ils étaient encore peu nombreux à avoir rejoint la Grande-Poste. Les premiers groupes arrivés sur place donnent le la : drapés de l'emblème national, main dans la main, filles et garçons crient leur rejet du système en place. «Partez tous !» scandaient-ils. La foule grandissante avançait alors doucement vers la Grande-Poste lorsqu'un officier de police demande à l'un des manifestants de réorienter les marcheurs vers la rue Didouche-Mourad. Motif invoqué : rétablir la circulation routière. Réponse des étudiants : pas question de changer d'itinéraire. Forts d'une présence de plus en plus imposante, les étudiants continuent d'avancer vers la Grande-Poste avec la ferme intention de rejoindre l'avenue Pasteur puis le tunnel des Facultés. La tension est, à ce moment, très vive. Un cordon de sécurité empêche les marcheurs d'avancer et les pousse violemment. Réponse des étudiants dans un premier temps «Khawa, khawa» avant de répliquer par «pouvoir assassin». Le face-à-face est des plus tendus. Les étudiants ne lâchent pas prise. Ils continuent de faire pression sur le cordon de sécurité qui finit par leur céder le passage. Les étudiants applaudissent et poursuivent leur chemin vers l'avenue Pasteur. C'est à ce niveau que les forces de l'ordre passent à l'action. Les instructions semblent claires : empêcher à tout prix les étudiants d'avancer davantage. Face à la détermination des manifestants, les policiers font usage du canon à eau. Les étudiants répondent avec leur humour légendaire «Encore un peu de shampoing», crient-ils mais l'heure n'est guère à la rigolade : des étudiants sont violemment molestés, poussés et interpellés par des policiers ayant visiblement perdu leur sang-froid. Beaucoup d'étudiants font le choix d'éviter ce face-à-face qui devenait violent. Ils ont emprunté la rue Emile-Zola pour rejoindre la Grande-Poste en scandant «Nous sommes des étudiants et non des terroristes». Mais là aussi, l'ambiance avait changé : plus de tolérance. Les étudiants étaient sommés de faire place nette et de n'occuper ni le jardin public, ni les marches de la mythique Grande-Poste. En début d'après-midi, ils étaient encore très nombreux à occuper les rues de la capitale avec pour bruit de fond le boucan engendré par l'hélicoptère qui tournoyait sans cesse dans le ciel d'Alger. N. I.