Une prolongation du mandat du chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, suite à l'annulation de l'élection présidentielle du 4 juillet, est-elle conforme à la Constitution ? Le communiqué du Conseil constitutionnel l'a laissé entendre en soulignant qu'« il revient au chef de l'Etat de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu'à l'élection du président de la République et la prestation du serment constitutionnel ». Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Mais que dit la Constitution et dans quels cas le mandat peut-il être prolongé ? L'article 102 de la loi fondamentale précise de la manière la plus claire qui soit que « le président du Conseil de la Nation assume la charge de chef de l'Etat pour une durée de quatre-vingt-dix (90) jours au maximum, au cours de laquelle une élection présidentielle est organisée ». Le seul cas de prolongation est contenu dans l'article 103 de la Constitution. Cet article édicte qu'« en cas de décès ou d'empêchement légal de l'un des deux candidats au deuxième tour, le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit être procédé de nouveau à l'ensemble des opérations électorales. Il proroge, dans ce cas, les délais d'organisation de nouvelles élections pour une durée maximale de soixante jours. Lors de l'application des dispositions du présent article, le président de la République en exercice ou celui qui assume la fonction de chef de l'Etat demeure en fonction jusqu'à la prestation de serment du président de la République ». Evidemment, on n'est pas dans ce cas de figure. Les constitutionnalistes s'accordent à dire que le prolongement du mandat du chef de l'Etat dans le contexte actuel n'est pas justifié du point de vue légal. Contactée par nos soins, la constitutionnaliste Fatiha Benabbou explique : « Ma lecture de la constitution diffère de celle du Conseil constitutionnel. Pour moi, l'article 102, alinéa 6, est clair : le chef d'Etat intérimaire assume sa charge pour 90 jours au maximum. Par conséquent, il ne peut aller au-delà .» Dans des déclarations aux médias, Ameur Rekhila, juriste et ex-membre du Conseil constitutionnel, soutient qu'il appartient désormais à Bensalah d'annuler le décret portant convocation du corps électoral du 9 avril 2019 et saisir de nouveau le Conseil constitutionnel pour l'informer que sa mission à la tête de l'Etat se termine début juillet, 90 jours après sa désignation par le congrès du Parlement. « Au Conseil constitutionnel d'émettre une fetwa pour se prononcer sur l'avenir de Abdelkader Bensalah à la tête de l'Etat et sur la possibilité qui lui sera donnée de convoquer de nouveau le corps électoral pour la présidentielle », a-t-il précisé, estimant que le Conseil constitutionnel a dépassé ses prérogatives en évoquant la nécessité de parachever le processus électoral par le chef de l'Etat actuel. De son côté, Ahmed Betatache, maître de conférences en droit public à l'Université de Béjaïa, a soutenu que le Conseil constitutionnel a outrepassé ses missions constitutionnelles en émettant une fetwa qui n'est basée sur aucun article de la Constitution. Dans une publication sur sa page Facebook, il s'étonne du fait que la Constitution accorde un délai de 90 jours au chef de l'Etat pour organiser l'élection alors que le Conseil constitutionnel lui donne un délai illimité. « Du point de vue constitutionnel, le Conseil constitutionnel devait annoncer uniquement le rejet des dossiers de candidature déposés. Toute autre chose est un dépassement de ses prérogatives », a-t-il expliqué. A l'expiration donc des 90 jours, le vide constitutionnel qu'on veut éviter à tout prix, y compris en contrecarrant la volonté populaire, sera une réalité. Comme c'est le cas actuellement pour l'élection du 4 juillet. K. A.