: Le Conseil constitutionnel vient de rejeter les deux dossiers de candidature à la présidentielle prévue pour le 4 juillet et déclare "l'impossibilité" de tenir cette élection. De nouveau, il préconise sa réorganisation. Comment trouvez-vous ses décisions ? Massensen Cherbi : Une telle situation n'est prévue ni par la Constitution ni par la loi organique relative au régime électoral. Plutôt que de reconnaître un "vide constitutionnel" qui aurait pu être comblé par une "petite Constitution" transitoire, les membres du Conseil constitutionnel ont préféré s'arc-bouter sur la Constitution en vigueur, au risque d'en sortir. Pour le Conseil constitutionnel, il revient, désormais, au chef de l'Etat de "convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu'à l'élection du président de la République et la prestation du serment constitutionnel". Le CC s'appuie sur le préambule et les articles 7, 8 et 102 alinéas 6, 182 et 193 de la Constitution. Cela est-il justifié ? En effet, le communiqué se réfère au 12e paragraphe du préambule de la Constitution qui consacre l'alternance démocratique par la voie d'élections libres et régulières. Or, si la révision constitutionnelle du 6 mars 2016 a consacré le préambule comme partie intégrante de la Constitution (préambule, paragraphe 22), il n'y a pas de supra-constitutionnalité dans le droit algérien actuel, et lorsqu'une norme spéciale déroge à une norme générale, cette dernière doit être écartée. Les membres du Conseil constitutionnel ont aussi fait mention de l'article 193 de la Constitution relatif à l'obligation pour les pouvoirs publics d'organiser des élections transparentes et impartiales. Or, quand bien même ces élections seraient effectivement libres et transparentes et quand bien même la loi organique relative au régime électoral aurait été revue, cela n'empêcherait pas le maintien des conditions discriminatoires prévues par la Constitution pour se porter candidat à l'élection présidentielle (article 87) ainsi que le maintien des pouvoirs exorbitants dont dispose le chef de l'Etat dans la loi fondamentale qui, malgré la reconnaissance formelle de la séparation des pouvoirs (préambule, paragraphe 13 et article 15, alinéa 1er), consacre une concentration des pouvoirs au profit du président de la République. En effet, le chef de l'Etat par intérim ne peut être ni à l'initiative de la révision de la Constitution ni à l'initiative du référendum (article 104, alinéa 3), et des élections présidentielles, dans le cadre de cette Constitution, qu'elles aient lieu le 4 juillet prochain ou à une date ultérieure, conduiraient à l'élection d'un dictateur constitutionnel. Avec ces décisions du Conseil constitutionnel, le président intérimaire est parti pour rester à son poste au-delà de la période légale de l'intérim fixée à trois mois par la loi fondamentale. Est-ce légal ? Le communiqué produit par le Conseil constitutionnel se fonde notamment sur l'article 102 alinéa 6 de la Constitution d'après lequel des élections présidentielles sont organisées durant la période d'intérim présidentiel. Or, cette période est fixée à 90 jours et la reprise du processus électoral conduirait à dépasser cette période. Donc, on sortira du cadre constitutionnel à l'expiration des 90 jours. Bensalah peut-il, pour autant, convoquer de nouveau le corps électoral ? Le report de l'élection présidentielle prévue pour le 4 juillet, pour cause de défection des candidats, n'est pas prévu dans la Constitution. Donc, aujourd'hui, nous sommes dans le vide constitutionnel s'agissant de ce cas de figure.