L'incarcération de patrons d'industrie et autres hommes d'affaires a plongé les entreprises qu'ils dirigeaient dans une totale incertitude. Des millions d'employés vivent sous la menace de voir leur outil de travail disparaître. Le gouvernement se veut rassurant quant à la sauvegarde des postes d'emploi mais ne dévoile pas encore ses intentions. Les économistes sont formels : la fermeture pure et simple de ces entreprises serait une grave erreur. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Le souvenir de la gestion catastrophique des retombées de l'affaire Khalifa est encore vivace. Dans la précipitation, Khalifa Bank et la compagnie aérienne appartenant au même groupe avaient été liquidées et des milliers d'employés mis au chômage. Des milliers d'usagers de la banque attendent, aujourd'hui encore, de recouvrer les sommes qu'ils avaient déposées auprès des agences de Khalifa Bank. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'une mais de plusieurs entreprises dont les patrons font l'objet de poursuites judiciaires. Ils étaient à la tête d'empires industriels pour certains, employant des milliers de personnes à l'image de Rebrab. Intervenant dans des domaines aussi diversifiés que l'agroalimentaire, le bâtiment ou l'automobile, ces chefs d'entreprises laissent derrière eux des entités qui, jusqu'à leur incarcération, fonctionnaient normalement et participaient à l'essor économique. Que leur réserve l'avenir ? Le gouvernement, visiblement échaudé par l'affaire Khalifa, ne veut pas opter pour la précipitation. Par la voix du ministre des Finances, le ton se veut rassurant. « Nous sommes en train de travailler au niveau du gouvernement pour dégager des solutions juridiques concernant ces entreprises et je peux vous assurer que l'outil de production et les postes d'emploi au niveau de ces entreprises seront sauvegardés coûte que coûte», dit-il, ajoutant que «le fonctionnement des entreprises confrontées à des mesures conservatoires dans le cadre de procédures judiciaires est au centre des préoccupations du gouvernement». Que compte faire ce dernier ? Réponse du ministre des Finances : mettre en place un dispositif de sauvegarde pour prévenir les éventuelles turbulences susceptibles d'impacter l'emploi, la production et le climat des affaires en général en Algérie. Un dispositif qui sera supervisé par un comité intersectoriel ad hoc, composé de membres du gouvernement et du gouverneur de la Banque d'Algérie. Il n'en dira pas plus sur les scénarios possibles. Les économistes estiment que plusieurs pistes sont à explorer. C'est le cas de Ali Mebroukine, spécialiste en droit pénal des affaires. Pour lui, il s'agit d'abord de vérifier, au sein des staffs qui dirigent les entreprises en question, les personnes réellement impliquées dans les faits que reproche la justice aux patrons. Très souvent, ces derniers sont les seuls coupables. Lors de son passage sur les ondes de la Radio nationale, ce même spécialiste a rappelé que c'est dans les articles du code pénal qu'il faut chercher des réponses aux problématiques posées. Le texte en question a introduit la notion de la responsabilité pénale des entreprises en stipulant que, si le juge estime que tous les gestionnaires d'une entreprise en défaut de paiement par rapport au Trésor public, à ses clients ou à ses créanciers, il est à ce moment possible qu'ils soient poursuivis, entraînant la fermeture ou la disparition totale de l'entité. Ce n'est souvent pas le cas, rassure-t-il. Cela ouvre le champ des possibles pour plusieurs scénarios. La loi n'a pas prévu le cas particulier de la mise sous écrous des patrons d'entreprises, mais évoque plutôt les cas de mauvaise gestion ou l'impossibilité de recouvrer des créances en raison d'un carnet de commandes maigre. Dans ce cas de figure, la justice peut être saisie afin de bénéficier de tous les avantages du règlement judiciaire. Il s'agit d'un commissaire qui, à son tour, désigne un gestionnaire pour gérer provisoirement l'entreprise. A ce stade, l'entreprise est soit proposée à l'achat à des repreneurs intéressés, soit nationalisée de manière définitive ou temporaire par l'Etat. Or, jusque-là, hormis les assurances, formulées par le ministre des Finances, les intentions de l'Etat sont pour le moment floues. N. I.