Enfin, c�est dit et m�me clairement, Ould Kablia, le nouveau ministre de l�Int�rieur, vient de rompre avec l�hypocrisie de son pr�d�cesseur. Celle qui a longtemps consist� � botter en touche en invoquant des proc�dures administratives �incompl�tes �. Lui �nonce sans ambages les r�gles et les contraintes qui, depuis l�ann�e 2000, avaient contribu� � verrouiller l�espace politique. Celles-l� ont une origine : la volont� du politique. Non pas celle qui s�adosse aux principes constitutionnels mais plut�t celle qui anime le r�gime actuel, lequel, comme on le sait, n�a jamais port� en haute estime la pluralit� des opinions. Fermez le ban, il n�y aura plus d�entrants. Ainsi, gr�ce � ce numerus clausus, la d�mocratie devra se contenter des partis existants m�me si la plupart d�entre eux ne sont que des faire-valoir du syst�me. Apr�s dix ans de laminage, rares sont les courants qui r�sistent encore � la normalisation. D�ailleurs, la plupart survivent dans l�arri�re-cour du pouvoir. Que certains se soient engag�s franchement aux c�t�s de ce dernier par triviales tentations alors que d�autres, plus scrupuleux, se soient pr�munis des flagrantes compromissions, n�ont-ils pas cependant en partage le fait d�assumer de faux mandats dans les institutions �lectives ? Car enfin � partir de quel credo �thique peuvent-ils se diff�rencier sinon du d�risoire refus de s�impliquer un peu plus loin que l�autre ? En effet, d�s l�instant o�, solidairement, ils ont souvent accept� d�assumer les r�sultats des faux scrutins et admis implicitement la pratique des quotas ne s��taient-ils pas pr�t�s � la corruptibilit� politicienne ? Peu ou prou, ils ont contribu� � brouiller dans l�opinion l�id�e que l�on s��tait faite de leur pr�sence et de la duplicit� du discours qui �taient suppos� porter leur combat. M�me s�il ne fait pas de doute que la faillite de ce pluralisme incombe en premier lieu � la pratique du pouvoir, il n�en demeure pas moins qu�ils en furent complices avant d�en devenir des victimes. Autrement dit, la probl�matique du devenir des libert�s politiques les concerne �galement et les interpelle sur leurs exercices pass�s. A une ou deux exceptions pr�s, ont-ils eu � ce sujet d�autres soucis que celui d�acc�der au premier cercle de la visibilit� quitte � s��loigner dangereusement des lignes et des id�aux qu�ils pr�tendaient incarner ? En peu de mots, ne furent-ils pas, � tour de r�le et selon les d�sirs du pouvoir, tous dispos�s au soudoiement ? Dans son ensemble, leurs activit�s ont moins servi � r�former le syst�me qu�� le r�g�n�rer. Que de temps � autre des personnalit�s en viennent enfin � l�autocritiquer n�est-il pas le signe de l��chec et notamment l�ampleur de la compromission ? Dans un fatras d�ego qui se t�lescope, l�opposition politique n�a jamais su d�passer le cadre �triqu� des petites chapelles pour aboutir � une recomposition en grandes familles doctrinales. Or, c��tait ce que souhaitait le syst�me dont la t�che devenait ais�e. De toutes les personnalit�s politiques qui n�eurent de cesse de souligner l�imp�rative n�cessit� d�une refondation de l�opposition d�mocratique et qui, de surcro�t, mit en conformit� les actes de son parti avec cette conviction, il y eut Hachemi Ch�rif et son MDS. Cinq ann�es apr�s sa disparition (juillet 2005), son diagnostic demeure exact et sa d�marche n�a pas pris une seule ride. Lui qui refusa d�embo�ter le pas au pragmatisme des �entristes� d�non�ait les sir�nes �lectorales tout en s�imposant m�diatiquement comme l�unique voix autoris�e � �tablir les lignes rouges contre le p�ril de la compromission politique. Il fut durant une quinzaine d�ann�es une sorte d�arpenteur du champ des libert�s et l�ennemi sans concession des arrangements d�appareils. Aupr�s de nombreux acteurs qui se m�fient de sa dialectique, il �tait per�u comme un dogmatique qui manquait de r�alisme, dont ils se r�clamaient. De d�convenues en marginalisation, ce p�le d�mocratique ne d�couvre-t-il-pas qu�il eut raison contre le suppos� pragmatisme ? Moins d�une ann�e apr�s l�arriv�e de Bouteflika au pouvoir, il alerta clairement l�opinion sur la d�rive participationniste qui se dessinait dans les partis. �Nous sommes dans une situation qui ne nous permet pas d�avoir le m�me comportement que les segments de la mouvance d�mocratique qui se sont associ�s � ce large compromis avec le pouvoir, d�clarait-il. Ils sont, ajoutait-il, dans une strat�gie qui fait pr�valoir la question de la participation au contr�le des appareils plut�t que la conqu�te de la soci�t�. La conqu�te de la soci�t� ! La voici l�expression qui r�sume le mieux ce qui est d�sormais exig� des partis apr�s des ann�es de louvoiement. Elle �tait la ligne d�horizon qu�avait fix�e Hachemi Ch�rif et qu�ils ont sciemment ignor�e. Se refusant � dissocier l�effondrement de la soci�t� des probl�mes de l�Etat, n�avait-il pas esquiss� la feuille de route du combat d�mocratique ? Celle qui cible � la fois le rapport ambigu qu�entretient le pouvoir avec la soci�t� et d�nonce les oligarchies d�appareils au-dessus des lois. Faute d�avoir ignor� tous ces pr�alables et de n�avoir pas su anticiper sur la �volont� politique� d�interdire la naissance de partis, les d�mocrates s�acheminent tout droit vers les ghettos de la parole sous contr�le. Alors doucement, ils pratiqueront le mutisme, cette peste qui ronge toutes les certitudes. Il est vrai qu��ils ne mourront pas tous, mais tous seront atteints�. Telle est la morale de la fable de nos libert�s.