Le très célèbre Zeghmati, nommé récemment ministre de la Justice, a fait fort ce week-end en frappant de plein fouet le corps des magistrats, parmi lesquels des têtes, et pas des moindres, sont tombées. Le ministre, nous dit-on, s'est fait un point d'honneur d'assainir une corporation qui a la lourde charge de mener une lutte inédite contre la corruption. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Pour ce faire, Zeghmati se devait de donner l'exemple, et le coup s'est porté sur le procureur de Tlemcen, un magistrat très connu au tribunal d'El-Harrach et un autre magistrat exerçant au niveau de la cour de Tiaret. Un communiqué officiel nous renseigne sur les griefs retenus contre le procureur de la République qui exerçait jusque-là au niveau de Tlemcen. Les faits retenus à son encontre sont graves : abus de fonction et violation volontaire des procédures réglementaires. Le même communiqué indique, par ailleurs, qu'une enquête a été ouverte à son encontre. Des sources, bien au fait de la situation, nous apprennent, par ailleurs, que le mis en cause a également fait l'objet d'une ISTN (interdiction de sortie du territoire national). La même mesure frappe les deux magistrats suspendus. Le juge qui exerçait au niveau de la cour de Tiaret est officiellement poursuivi pour «abus de fonction et comportement inapproprié portant atteinte à la réputation de la justice». Viennent, ensuite, les motifs ayant conduit à la suspension du magistrat du tribunal d'El-Harrach. Le ministère de la Justice fait savoir que ce dernier est poursuivi pour «non-respect de la réglementation, non-respect du devoir de réserve et usurpation d'identité». La réputation de ce juge le précède et l'annonce officielle de sa mise à l'écart a vite fait de délier les langues qui nous renseignent sur l'une des affaires terribles qui a précipité la chute du mis en cause. Les faits remontent à 2015, lorsque l'épouse d'une personnalité politique bien connue évoluant dans les cercles des puissants du moment dépose plainte pour coups et blessures. L'auteur du méfait n'est autre que son époux et ce dernier bénéficie d'appuis solides. La victime se présente alors sous une fausse identité chez un médecin spécialisé qui constate les blessures. Le certificat est établi sous le faux nom qui lui est donné (d'où l'accusation d'usurpation d'identité révélée par la justice). Elle le remet ensuite au magistrat et raconte une histoire incroyable. Pour des raisons inconnues, c'est le chauffeur de son mari qu'elle accuse de coups et blessures. Le magistrat en charge de l'affaire inculpe le chauffeur qui se bat cependant de toutes ses forces pour faire éclater la vérité. La vérité finit par éclater, quelques années plus tard. Le dossier a été rouvert récemment et pris en charge par d'autres magistrats. A. C. Plusieurs arrestations et des incarcérations ce week-end De nombreuses affaires liées à la lutte anti-corruption en cours se sont déroulées durant ce week-end. De nouvelles incarcérations et arrestations spectaculaires ont eu lieu. Ancien wali de Tipasa, Moussa Ghelaï incarcéré à El-Harrach pour trafic de terres agricoles au profit de Hamel Les premières nouvelles sont parvenues d'Alger, où le magistrat en charge du dossier Hamel a pris la décision de placer sous mandat de dépôt un ancien wali de Tipasa, Moussa Ghelaï, dont le nom figurait sur une liste comportant le nom de deux autres anciens responsables de cette wilaya poursuivis pour octroi d'avantages et trafic de foncier au profit de l'ancien patron de la DGSN. Le tribunal de Sidi-M'hamed avait annoncé, deux semaines auparavant, avoir transmis le dossier des trois mis en cause tout en indiquant qu'ils étaient passibles de peines pénales très lourdes en raison de leur inculpation, au niveau de ce tribunal, pour, notamment, déclassification de terres agricoles et leur octroi à Hamel et ses fils qui envisageaient de les utiliser pour des projets industriels. Moussa Ghelaï est classé troisième dans l'ordre d'arrivée des walis concernés à la tête de Tipasa. Il a été poursuivi et inculpé pour avoir réactivé une décision d'attribution au fils Hamel (actuellement incarcéré) après que cette dernière eut été gelée sur décision des Domaines. Abdelmalek Boudiaf sous contrôle judiciaire Poursuivi dans la même affaire (Hamel), l'ancien ministre de la Santé a été, lui aussi, auditionné jeudi au niveau de la Cour suprême. Ce dernier est, cependant, poursuivi pour des faits qui se sont produits durant l'époque où il occupait la fonction de wali d'Oran. Abdelmalek Boudiaf a été entendu dans la même journée que l'ancien wali de Tlemcen, Bensebane Zoubir. Ce dernier a été remis en liberté, mais l'ancien ministre de la Santé et ancien wali d'Oran a été placé sous contrôle judiciaire, une mesure qui le contraint à se déplacer périodiquement (le délai est fixé par le juge) au niveau de la Cour suprême pour signer un procès-verbal devant le magistrat en charge de son dossier. Selon le communiqué rendu public par cette haute instance de justice, Boudiaf est poursuivi pour «dilapidation de deniers publics délibérée commise par un fonctionnaire public et utilisation illicite en sa faveur ou en faveur d'une tierce personne ou entité de biens et fonds publics dans le cadre de l'exercice de ses fonctions», «abus de fonction délibéré par un fonctionnaire public dans le cadre de l'exercice de ses fonctions en violation des dispositions légales et réglementaires pour l'obtention d'indus avantages en faveur d'une personne ou d'une autre entité». L'ancien ministre a été également frappé d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national), et a été sommé de remettre ses documents de voyage. Arrestation du frère de Abdelghani Hamel Yamni Hamel, colonel à la retraite et frère de l'ancien patron de la DGSN, actuellement détenu à El-Harrach avec trois de ses fils, a donc fait, lui aussi, l'objet d'une arrestation ce jeudi à Oran, ont annoncé jeudi dernier plusieurs télévisons privées. Les mêmes sources font savoir que le mis en cause a fait l'objet au préalable d'une enquête pour «enrichissement illicite et pillage de l'immobilier à Oran». Ce dossier semble être directement lié à une affaire de grande envergure qui a secoué cette wilaya ce week-end. Arrestation d'un maire et d'un commissaire divisionnaire à Oran L'ex-chef de Sûreté d'Oran, Nouaceri Salah, l'ex-maire d'Es-Senia, Yahia Bounaka, ont, donc, été arrêtés ce jeudi après les aveux du directeur de wilaya du foncier, Mohamed Mebarki, lequel a fourni aux enquêteurs les noms des personnes ayant bénéficié de logements dans des quartiers huppés. Les éléments recueillis ont également permis de cerner l'ampleur du patrimoine immobilier de l'ex-chef de Sûreté d'El-Karma. L'enquête, qui se poursuit, pourrait aboutir à d'autres mesures du même genre dans les milieux des élus et exécutants au niveau de la même région. A. C.