La police judiciaire a désormais le pouvoir d'enquêter sur les affaires de corruption sans être dotée d'une autorisation du procureur de la République. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ces nouvelles prérogatives sont contenues dans un projet de loi adopté ce dimanche par le Conseil des ministres et présenté par le ministre de la Justice. Belkacem Zeghmati a soumis un texte qui a amendé, en fait, une ancienne loi, une ordonnance datant de 1966, contenue dans le code de procédure pénale. Cette dernière soumettait la police judiciaire à une procédure jugée compliquée, pour mettre en marche un processus d'enquête autour d'une affaire de corruption ou de détournement de deniers publics, une procédure qui limitait son champ d'action, nous dit-on, dans la mesure où toute investigation devait être auparavant basée sur une plainte qui, une fois acceptée, devait déboucher sur une demande adressée par la justice aux services de sécurité. L'amendement introduit et adopté ôte ce qui était considéré comme étant une contrainte pour «renforcer la loi portant sur la lutte anticorruption et toute forme de criminalité». Le texte qui a sanctionné le Conseil des ministres évoque d'ailleurs l'abrogation de «toutes les dispositions ayant entravé ou ayant eu un impact négatif sur la mise en mouvement de l'action publique et entravant l'action de la police judiciaire dans les affaires de corruption et dilapidation de deniers publics». Ainsi, nous apprend la même source, il «annule la condition de plainte préalable des organes sociaux de l'entreprise pour la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des dirigeants des entreprises publiques dont l'Etat détient les capitaux ou à capitaux mixtes tout en préservant la protection juridique aux dirigeants de ces entreprises». Ceci implique que la police judiciaire pourra, ainsi, procéder à ces enquêtes sans être au préalable habilitée par le procureur de la République ce qui «permettra d'élargir leur champ d'action». Cette modification intervient au moment où le pays assiste à une lutte anticorruption jamais enregistrée de son histoire. Deux anciens Premiers ministres et quinze ministres se trouvent d'ailleurs actuellement en détention à El-Harrach après avoir été arrêtés dans le cadre d'une opération qui est d'abord démarrée avec une série d'arrestations spectaculaires au sein des lobbies d'hommes d'affaires ayant à asseoir le pouvoir de l'ex-chef de l'Etat. Elle s'est, ensuite, étendue aux Premiers ministres et à d'anciens membres des exécutifs qu'ils conduisaient puis aux hauts fonctionnaires. Trois directeurs généraux de banque ont été, eux aussi, incarcérés dans le cadre de ces enquêtes. A mesure qu'elles avancent, ces affaires révèlent l'ampleur prise par la corruption et ses ramifications dans des secteurs et entreprises jusque-là épargnés. A. C.