Entre 200 et 300 millions de centimes, c'est le prix d'un désistement de la concession pour un lot de terrain d'investissement au sein de la nouvelle zone d'activités aquacoles de Zemmouri. L'information nous a été confiée par une source très proche du dossier alors que nous faisions une tournée au niveau du littoral de Boumerdès. Petit rappel du dossier. Il y a quelques années, les autorités de la wilaya de Boumerdès ont eu la bonne idée de créer une zone d'activités industrielles de 22 hectares réservée exclusivement à l'implantation d'unités liées à la pêche et l'aquaculture. Très bien située — le long de la RN24, entre deux ports de pêche (Zemmouri et Cap-Djinet) – cette zone, si elle est bien gérée, boostera, c'est certain, la filière aquacole de la wilaya de Boumerdès, et même celles des wilayas limitrophes. Il faut rappeler que la wilaya de Boumerdès a bénéficié ces 15 dernières années de centaines de milliards d'investissement en infrastructures de base, port neuf, plages d'échouages, halle à marées, pêcheries,… sans que le citoyen consomme plus de poissons ni les collectivités locales voient leurs budgets enrichis par la fiscalité. L'ambition de la wilaya régulièrement renouvelée est de mettre sur le marché 15 000 tonnes de produits aquacoles à l'horizon 2025. Ce sera bien difficile avec les mentalités actuelles de bondir de 8 000 tonnes (production actuelle) à 15 000 avec seulement 530 embarcations tous types confondus. Rappelons que le nombre de chalutiers qui accostent dans les ports de Zemmouri et Dellys se comptent sur les doigts d'une seule main. L'Etat a dépensé, selon le chiffre que nous a annoncé le directeur de la pêche et des ressources aquacoles, Cherif Kadri, 400 millions de dinars pour la viabilisation de cette zone qui comprend 46 lots (conditionnement 6, constructions navales 7, industries de pêche 17 et services et approvisionnements 16). Avec les retards enregistrés pour terminer les travaux et les révisions des prix devenus, systématiques dans notre pays, lorsqu'il s'agit de projets publics, le montant réel sera, sans doute, plus important. Les concepteurs de ce projet estiment à 3 500 le nombre d'emplois que cette zone pourrait générer. Selon Kadri, 25 lots sont attribués et parmi ces 25 attributaires, 4 se sont engagés dans la concrétisation de leurs projets puisqu'ils ont eu leurs permis de construire. Ils sont un peu téméraires. Et pour cause, beaucoup reste à faire dans cette zone en matière de branchement de l'électricité, de l'eau, de gaz et de mise en place des normes de sécurité. Malheureusement, il y a un hic. Comme ces 25 lots ont été distribués dans l'opacité totale par les anciens walis, une source très proche du dossier nous a confié que des désistements, sur la concession commencent à se monnayer. Coût du désistement entre 200 et 300 millions de centimes. Toujours d'après notre source, 6 lots ont été vendus par désistement. 9 autres titulaires de ce document (concession) voudraient trouver acheteur de leurs droits de concession. De deux choses l'une, soit les anciens walis ont affecté des lots de terrain à des gens qui n'ont rien à faire dans les métiers de la pêche ou de simples spéculateurs, soit ces attributaires n'ont pas les moyens pour concrétiser leur engagement. Dans les deux cas, ce serait une faute grave. Autre grief retenu par notre source, le coût annuel de la concession. «Il est trop élevé», se plaint-elle. Nous ne donnerons pas le montant exact qu'elle doit débourser après qu'elle a reçu la concession, et ce, pendant les 3 premières années même si le terrain est toujours vide. Cette redevance annuelle varie, en fonction de la superficie, entre 150 000 et 300 000 dinars. Une fois les 3 ans échus, le montant est systématiquement augmenté pour arriver, au bout de la cinquième année à être multiplié par 10. Des milliards jetés en mer L'investissement étatique dans le secteur de la pêche de la wilaya de Boumerdès souffre énormément du manque de management et de ciblage d'opportunités. A cause d'une politique tracée et exécutée sans l'avis d'acteurs locaux, des centaines de milliards de dinars sont dilapidés. Qu'on en juge. Au port de pêche de Cap-Djinet, le projet a été décidé et exécuté au niveau ministériel, qui devait être mixte – pêche, plaisance — pour encourager le tourisme —, a coûté au Trésor public 3 fois le prix initial à cause d'erreurs dans l'étude et l'orientation. De plus, on n'entend plus parler de plaisance et il est très peu utilisé par les pêcheurs locaux. Dans cette affaire, beaucoup de citoyens nous font part de leur doute sur le choix de l'entreprise qui avait réalisé les blocs en béton qui ont servi à la mise en place des brise-lames. La plage de Boudouaou-el-Bahri est éventrée par les engins qui ont déposé d'énormes rochers. Ces énormes rochers devaient servir à la mise en place d'une grande plage d'échouage pour des petites embarcations de pêche. Ce projet, qui a coûté quelques centaines de milliards, est à l'abandon depuis plus de 5 ans. La halle à marées de Zemmouri a coûté plus de 100 millions de dinars pour la construction et les équipements. Elle a été visitée par 6 ministres et inaugurée en grande pompe. Depuis son inauguration, il y a 3 ou 4 ans, elle se détériore de jour en jour. Elle ne fonctionnera jamais pour la simple raison que la chose à laquelle elle est destinée, le poisson en l'occurrence, est de plus en plus rare et les pêcheurs et les grossistes ne voudraient surtout pas permettre au fisc de jeter un œil sur leurs chiffres d'affaires. Il y a également cette petite pêcherie érigée à l'intérieur du port de Cap-Djinet et inaugurée il y a deux ou trois ans. A notre dernier passage, il y a une quinzaine de jours, nous avons constaté que le vent a commencé à l'éventrer. Des panneaux sont tombés et les verres des portes brisés. On commence à y déposer des détritus et certains pêcheurs ont déposé à l'intérieur leurs filets. La liste de la gabegie n'est pas exhaustive. Abachi L.