Alors que le juge du tribunal de Sidi-M'hamed a condamné mardi dernier 28 détenus incarcérés pour port du drapeau amazigh à une peine d'une année de prison dont six mois fermes, le juge du tribunal de Baïnem, sur le littoral ouest, a relaxé, hier, cinq détenus poursuivis pour la même raison. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Entre les tribunaux de Sidi-M'hamed et Baïnem, il y a à peine 10 kilomètres de distance. Mais entre les verdicts des juges des deux tribunaux concernant les mêmes affaires, il y a un large fossé. En effet, le juge du tribunal de Baïnem a acquitté, hier, cinq détenus incarcérés pour avoir porté l'emblème amazigh lors des marches de vendredi à Alger. Il s'agit des détenus Ali Ider, Okbi Akli, Lekehal Kamel, Karoun Hamza et Mohand Boudjemil qui ont quitté la prison d'El-Harrach dans l'après-midi. Ils sont sortis sous les cris de « Algérie libre et démocratique » et les youyous des femmes qui les attendaient à l'extérieur. Les citoyens, qui se sont déplacés à la prison d'El-Harrach pour accueillir les détenus, ont lancé des appels à la libération du moudjahid Lakhdar Bouregaâ. Un détenu qui venait de sortir a réclamé la libération de ce moudjahid, dans ses premières déclarations. Ils ont également exigé la libération de tous les autres détenus. « Je ne suis pas content tant que les autres détenus sont en prison », a déclaré l'un des jeunes libérés. « Lakhdar Bouregaâ a refusé sa propre libération avant notre libération. Il a été avec nous », a-t-il ajouté. Au prononcé du verdict, la foule nombreuse qui a pris d'assaut le tribunal a lancé des slogans du mouvement citoyen. Dans des scènes émouvantes, les larmes de joie se sont mélangées aux youyous des mères et sœurs des détenus libérés. « Imazighen, Imazighen… », criaient-ils à tue-tête. Ce verdict tranche avec celui rendu par le tribunal de Sidi-M'hamed. Avant-hier, le juge du tribunal de Sidi-M'hamed, après un procès qui a duré plus de 10 heures, a infligé des peines allant de six mois de prison ferme à un an de prison dont six fermes et six avec sursis à l'encontre de 28 jeunes incarcérés dans la même prison pour la même cause : port du drapeau amazigh. Il y a trois jours, un autre manifestant arrêté pour possession du même étendard a été libéré par le tribunal de Rouiba. Dans d'autres wilayas du pays, des manifestants arrêtés pour la même raison ont été acquittés. Les observateurs s'interrogent. Le tribunal de Sidi-M'hamed ne se réfère-t-il pas aux mêmes lois que les autres tribunaux ? Pourquoi les peines ne sont pas les mêmes quand les victimes sont poursuivies pour les mêmes raisons ? En tout cas, l'acquittement des cinq détenus par le juge de Baïnem, hier, a soulagé les détenus et leurs parents. Sur les réseaux sociaux, les internautes n'ont pas manqué de saluer « le courage » du juge qui a prononcé la relaxe. Cela contrairement à la décision du juge de Sidi-M'hamed qui a choqué et indigné les activistes, les associations et les partis politiques. Le FFS s'est insurgé « contre ces verdicts qui traduisent clairement l'absence de volonté chez les tenants du pouvoir d'aller vers l'apaisement ». « Ces décisions judiciaires arbitraires qui ne s'appuient d'ailleurs sur aucun argument juridique valable s'apparentent à une provocation caractérisée qui vise à pousser le peuple, révolté d'une manière pacifique et civilisée, à l'escalade et à la violence », a souligné le parti dans un communiqué. D'autres partis comme Jil Jadid et le RCD ont dénoncé ces peines. La condamnation a été unanimement dénoncée lors des marches des étudiants de mardi dans plusieurs villes universitaires du pays. K. A.