Joie, hier, au tribunal de Bab El-Oued à Baïnem après l'annonce de l'acquittement des cinq détenus pour port du drapeau amazigh. Après près de cinq mois de détention, Ali Idir, Mohand Boudjemil, Hamza Karoun, Kamal Belakhal et Akli Okbi ont enfin retrouvé la liberté. Accusés d'atteinte à l'unité nationale en application de l'article 79 du code de procédure pénale lors de leur procès, tenu le 23 octobre dernier, et dont le verdict a été reporté à deux reprises, le procureur de la République avait requis deux ans de prison ferme, assortie de 50 000 DA d'amende pour chacun des accusés. Finalement, rien n'a été retenu contre eux et le juge a décidé de les acquitter. Leur libération a été accueillie avec joie par leurs familles qui craignaient un remake du verdict annoncé deux jours auparavant par le tribunal de Sidi M'hamed, qui a condamné les détenus pour port du drapeau amazigh. Les dizaines de citoyens, dont des proches des détenus, étaient devant le tribunal dès la matinée. Le dispositif sécuritaire, inhabituel, déployé aux abords du tribunal a été mal perçu par les présents. "Je suis pessimiste", annonce un proche d'un détenu. Pour lui, les policiers appelés en renfort le jour de l'annonce du verdict "n'est pas de bon augure". Les mêmes policiers refusaient l'accès à la salle d'audience. Cette interdiction "confirmait" le doute des présents. Loin s'en faut, à l'intérieur de la salle, les policiers s'affairaient à réguler l'affluence des citoyens, avant que le juge n'appelle les détenus. Ces derniers ont été accueillis par des applaudissements, ce qui a déplu au juge. "Vous voulez que je lève la séance et que je reporte l'annonce du verdict ?" a-t-il menacé, avant d'appeler les détenus, en annonçant : "Rien n'est retenu contre vous." À peine la phrase terminée, des youyous fusaient dans la salle qui s'est vidée en deux temps trois mouvements. À l'extérieur du tribunal, la foule compacte venue assister à l'annonce du verdict a laissé libre cours à sa joie. "Imazighen", "Algérie libre et démocratique", ont-ils scandé, entre autres, pendant plus d'une heure. "Je suis heureuse, mais je pense aux autres qui sont condamnés par le tribunal de Sidi M'hamed", a déclaré la mère d'un détenu. "C'est le plus beau jour de ma vie, mais je ne pourrai être totalement heureuse sans voir les autres jeunes libérés", a-t-elle ajouté, les yeux en larmes. L'annonce de l'acquittement a vu arriver d'autres citoyens, notamment d'Aïn Bénian, d'Alger-Centre et de Bab El-Oued. Amis ou proches des détenus, c'est en cortège que ces jeunes sont venus rejoindre le sit-in organisé devant le tribunal. Il aura fallu attendre le départ du fourgon cellulaire qui devait reconduire les détenus à El-Harrach pour les formalités pour voir la foule se disperser. Interrogés sur cette décision "inattendue" du tribunal de Baïnem, compte tenu de celle de Sidi M'hamed, des avocats estiment que "le juge de Baïnem n'a fait qu'appliquer la loi". Me Lerari a considéré que ce verdict "n'est pas une surprise". "À quelques pas du tribunal de Sidi M'hamed, il y a eu justice", a-t-il ajouté, estimant que le juge "a eu le courage d'appliquer la loi et de relaxer les accusés en confirmant leur innocence". Me Fetta Sadat a estimé, quant à elle, que "le tribunal de Bab El-Oued n'a fait qu'appliquer la loi. Ce moment de joie que nous partageons avec les citoyens ne doit pas nous faire oublier que ces détenus ont passé cinq mois de leur vie en détention, donc ils méritent une véritable réhabilitation". Youcef Taâzibt, cadre du PT, a estimé que la libération de ces détenus doit concerner "tous les détenus d'opinion".