Le film-documentaire de Dorothée-Myriam Kellou a été projeté mercredi à l'Institut français d'Alger. A Mansourah, tu nous as séparés est la chronique d'un double retour aux sources. Après sa projection en avant-première nationale aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa en septembre et une carrière appréciable dans les festivals internationaux, le documentaire est présenté au public de l'IFA venu découvrir ce qui se cachait derrière ce titre mystérieux. Un paysage hivernal flatté par un cadrage subtil et une esthétique dépouillée nous accueille à Mansourah où le père de la réalisatrice revient après des décennies d'absence. Dans une modeste maison abandonnée, cet émigré submergé par l'émotion raconte sa naissance et son enfance pendant la guerre de libération nationale. La caméra de Meriem Kellou est suspendue aux récits de son père mais aussi des autres habitants, témoins directs d'un épisode peu connu de la guerre : les camps de regroupement. Peu à peu, les intentions du film se déclinent autour d'un amalgame somme toute classique entre grande et petite histoire. La réalisatrice entreprend à la fois un retour aux sources dans un pays qu'elle n'a jamais connu et dont son père n'a livré que peu de détails. Ce documentaire devient, ainsi, l'occasion d'une catharsis individuelle, familiale et historique où le père se révèle dans ses blessures intimes, ses traumas et son rapport au pays natal et revisite chemin faisant les plaies secrètes d'une histoire quasi-oubliée : la déportation de milliers de familles et leur installation par l'armée française dans des camps de regroupement. Parmi ces enfants embarqués dans les camions en compagnie de leurs parents, le père de Meriem mais aussi d'autres protagonistes qui raconteront cette pénible expérience mais aussi la solidarité entre villageois, l'auto-organisation et le soutien aux combattants de l'ALN. De ces récits croisés ponctués par des poèmes du répertoire populaire, se façonne une histoire filmique qui tente d'interroger les séquelles de la guerre au-delà des narratives conventionnelles. Or, cette visée première de A Mansourah, tu nous as séparés qui laissait espérer une approche singulière et intimiste de la révolution algérienne finit par perdre de son épaisseur à mesure que la réalisatrice semble céder à la tentation du fourre-tout. En effet, le documentaire s'encombre très vite d'une mission didactique à travers des témoignages ressassés tandis que l'image perd de son esthétique sinueuse et dépouillée pour verser dans les lieux communs, voire dans un folklore typique d'un voyage au pays natal ! Au final, le film s'appesantit et glisse inéluctablement dans une sémantique peu élaborée d'un «trip» identitaire et historique qui plombe le rythme et favorise une réception univoque au spectateur tant sur le plan émotionnel qu'artistique. S. H.