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«On ne cautionnera jamais un dialogue qui maintiendrait le statu quo»
Hakim Belahcel, Premier secrétaire du FFS, au Soir d'Algérie :
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 02 - 2020


Entretien réalisé par Karim Aimeur
Le mouvement populaire bouclera bientôt sa première année d'existence, sans s'être doté de représentants. Le premier secrétaire du FFS, Hakim Belahcel, estime que cette absence de représentants est plutôt un facteur de force et non de faiblesse du mouvement. Pour lui, la poursuite du mouvement et la pression croissante qu'il exerce sur le pouvoir sont les seuls voies incorruptibles à même de réaliser ses aspirations légitimes.
Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il aborde plusieurs questions relatives à la chaude actualité nationale.
Le Soir d'Algérie : Le mouvement populaire du 22 février va célébrer bientôt le premier anniversaire de sa naissance, en préservant toujours sa force, sa détermination et son unité. Quel bilan peut-on dresser de cette année de lutte pacifique du peuple algérien ?
Hakim Belahcel : Tout le monde est unanime à dire qu'une année après son déclenchement, le bilan de la révolution du 22 février est largement positif. Le mouvement populaire a réussi à faire démissionner un Président dont le clan souhaitait la réélection pour un 5ème mandat, à provoquer la liquidation d'un clan du système qui se trouve incarcéré et en instance de jugement et, surtout, à révéler la nature oligarchique du régime et la gravité de la corruption au plus haut niveau des institutions.
Bien plus, il a, par l'occupation quotidienne de l'espace public, malgré les arrestations et les intimidations, libéré les citoyens de la peur qui les habitait durant le règne de cette dictature.
La conscience politique des citoyens est sortie renforcée de ces manifestations. Leur solidarité s'est raffermie. Les Algériennes et les Algériens sont désormais unis dans le même combat et partagent les mêmes revendications: changer radicalement le système avec une transition démocratique pour instaurer un Etat de droit et de liberté.
Il faut saluer son endurance dans le combat et sa persévérance dans l'unité et la non-violence qui font l'admiration du monde entier.
Si la révolution de 1er Novembre 1954 a pu libérer les territoires algériens du joug colonial, la révolution populaire du 22 février 2019 a réussi à libérer la parole et les actes du peuple algérien contre le régime de dictature en attendant sa chute; inévitable à terme.
Les dynamiques citoyennes engagées et les convergences politiques et sociales réalisées ouvrent l'espoir d'un avenir radieux pour notre peuple dans une Algérie libre et démocratique.
Malgré toutes les tentatives de son avortement, le mouvement préserve sa dynamique et ses caractères unitaire et pacifique. Quels sont les éléments et les raisons de cette longévité et de cette constance dans les revendications ?
S'inspirant des évènements du Printemps 1980, de la révolte du 5 Octobre 1988, de la tragédie du Printemps noir, la révolution populaire du sourire du 22 février en a tiré les leçons et a su tirer profit des expériences politiques et organisationnelles de ces combats démocratiques pour éviter, par son unité et son pacifisme, de donner des prétextes au régime de justifier la répression.
Le mouvement populaire du 22 février a le mérite d'incarner magistralement cette détermination inébranlable à réaliser des objectifs communs et un rêve commun. Tant que ces aspirations à l'autodétermination du peuple algérien et à l'édification d'un Etat fort des institutions légitimes et représentatives ne seront pas satisfaites, la révolution continuera sa marche vers la liberté sans se soucier du sacrifice à consentir.
Beaucoup reprochent à ce mouvement son refus de se doter d'une direction. L'absence de représentants est-il un facteur de faiblesse ou plutôt de force ?
La priorité aujourd'hui est à l'union des énergies et à la conjugaison des efforts afin de faire plier un régime hégémonique, et non à réduire le soulèvement de tout un peuple à une simple représentation par un groupe ou des individus. L'expérience a montré que dans le passé une telle représentation n'a pas pu réaliser les objectifs qui lui sont assignés car exposée à la corruption, à la déviation, à la trahison et à la décapitation.
La poursuite du mouvement et la pression croissante qu'il exerce sur le pouvoir sont les seuls voies incorruptibles à même de réaliser ses aspirations légitimes.
Ceci dit, il demeure que le maintien des détenus politiques et d'opinion à l'instar des camarades Abdelouahab Fersaoui, président de RAJ, Karim Tabbou ou encore Fodil Boumala constitue un abus d'autorité caractérisé par lequel le pouvoir tente d'affaiblir le soulèvement populaire et l'astreindre à l'essoufflement.
Le FFS revendique la libération immédiate de l'ensemble des détenus politiques et d'opinion et que cessent ces violations des droits de l'Homme dans le pays.
Plusieurs observateurs et analystes reprochent également à la classe politique et à l'élite sa faillite dans l'accompagnement de la révolution citoyenne, dans la mesure où le consensus dégagé dans la rue n'est pas accompagné d'un projet politique consensuel qui traduise les aspirations populaires. Qu'en pensez-vous ?
Le FFS considère que le consensus dégagé lors des manifestations du mouvement populaire sur la nécessité du changement radical du régime et l'avènement de la deuxième République par l'élection d'une Assemblée constituante souveraine a eu le mérite de réaliser une décantation claire et sans appel au sein de la classe politique nationale.
Il y a ceux qui soutiennent les revendications de ce mouvement, qui sont celles du FFS depuis sa création, et qui restent mobilisés sur le terrain aux côtés de nos concitoyennes et concitoyens. Ils constituent la locomotive du combat démocratique et l'avant-garde des forces vives de la Nation pour faire triompher les exigences légitimes du peuple algérien.
Il y a ceux qui dénigrent ce mouvement et qui font tout pour le faire échouer, rejoignant ainsi les rangs de la contre-révolution en faisant allégeance au régime dans l'espoir d'être associés dans l'exercice du nouveau pouvoir. L'Histoire les condamne par avance car la révolution est en marche et nul ne peut ni l'arrêter ni la dévier de sa trajectoire.
Les Forces du Pacte de l'alternative démocratique (PAD) ont appelé à une conférence nationale hors système politique. Quel est l'objectif d'une telle conférence et à qui sera-t-elle ouverte ?
Les Forces de l'alternative démocratique ont appelé à une conférence nationale qui va regrouper celles et ceux qui se reconnaîtront dans l'objectif révolutionnaire, d'aller vers une transition démocratique dans le pays.
Le PAD est avant tout une plate-forme qui vise à relayer le combat du mouvement citoyen sur le plan politique en créant un rapport de force permettant la satisfaction de ses revendications.
C'est aussi une vision politique et un combat en faveur du changement radical dans le pays en parfaite adéquation avec les aspirations populaires. Cette démarche se veut inclusive et donc ouverte à tous les partis dont les programmes sont compatibles avec les objectifs de la plate-forme. Toutes les parties prenantes gardent leur identité et leur autonomie d'action en toute circonstance.
Peut-on envisager une sortie de crise en excluant le système ?
Le FFS est favorable à un dialogue sérieux, sincère et inclusif qui aboutirait à un vrai compromis démocratique d'une portée historique, impliquant les acteurs politiques et les représentants de la société civile, sans exclusive. Ce dialogue devrait déboucher sur une période de transition qui jettera les bases d'une deuxième République.
Fidèle aux aspirations légitimes du peuple algérien, le FFS ne cautionnera jamais un dialogue qui viserait à maintenir le statu quo politique et à pérenniser le régime actuel.
Le chef de l'Etat a lancé des consultations autour de la révision de la Constitution. Quel regard portez-vous sur cette démarche ?
Le FFS a toujours considéré que le régime en uniforme, au gré des tiraillements des clans qui le composent, continue à diriger le pays derrière un gouvernement civil de façade, sans pouvoir réel, qui ne fait qu'exécuter des politiques décidées au niveau supérieur.
Ce gouvernement, en manque de légitimité et de soutien populaire, cherche à combler ces carences en improvisant des consultations, à la recherche désespérée d'appuis dans la société civile et politique, sans véritable perspective de sortie de crise.
Le FFS considère qu'il est temps que les vrais décideurs au sein du régime prennent conscience de la gravité de la situation politique dans le pays et réalisent enfin que, dans le cadre de leur mission de défense de la sécurité et de la souveraineté nationale face à l'adversité, l'édification d'un Etat démocratique constitue le vrai rempart contre les stratégies de déstabilisation à nos frontières.
Au moment où le peuple algérien exige l'amorce d'un processus constituant, le pouvoir réel est interpellé pour ne pas tolérer une révision de la Constitution qui viole la souveraineté populaire. Cette souveraineté ne peut pas s'exercer à travers le référendum annoncé qui sera comme la dernière mascarade électorale du 12 décembre.
Mais s'il est invité à ces consultations, quelle sera la réaction de votre parti ?
Le FFS a toujours été partisan d'un compromis politique historique et transparent qui réponde aux aspirations légitimes du peuple.
Nous ne confondons pas compromis avec compromission, comme nous continuons à être réfractaires aux faux semblants et aux simulacres de dialogue.
Nous attendons des preuves concrètes que le dialogue proposé sera sérieux et inclusif. A ce jour, nous ne voyons rien venir. Paroles rassurantes mais des actes contraires aux discours, avec de nouvelles arrestations et intimidations, une révision constitutionnelle en ignorant la souveraineté populaire, alors que cette souveraineté ne peut s'exercer qu'à travers un processus constituant. Ajoutons à cela des consultations ciblées pour constituer de nouvelles allégeances là où il aurait fallu l'organisation d'une participation effective des forces constitutives du mouvement populaire.
On ne peut conclure cet entretien sans évoquer la crise interne du parti. La réunion extraordinaire du conseil national aura-t-elle lieu comme souhaité par le comité ad hoc ce mois de février ?
La direction nationale a mis en place un comité ad hoc en vue de réunir les meilleures conditions pour la tenue d'une session extraordinaire d'un conseil national rassembleur. Ce comité a organisé des rencontres avec les structures du parti en vue de recueillir leurs avis et propositions. Ce processus se déroule normalement dans les délais impartis. Une fois ces consultations achevées, le comité en fera un rapport à l'instance présidentielle seule habilitée statutairement à décider de réunir le conseil national et d'en fixer la date si les conditions de sa réussite sont réunies.
Cette préparation avance bien malgré les manœuvres malsaines du pouvoir pour nous diviser et nous empêcher de poursuivre notre combat aux côtés du peuple. Mais il a échoué dans ses tentatives de déstabilisation.
Notre force et notre résilience sont nourries du soutien indéfectible que nous apporte le peuple algérien, qui voue une haute estime à notre président éternel feu Hocine Aït Ahmed et à tout ce qu'il a incarné comme valeurs et convictions pour une Algérie libre et démocratique. Notre base militante, qui a préservé son unité, est une citadelle imprenable face à l'adversité. Le FFS a recouvré ses forces et poursuit son combat.
Je dois souligner que le parti n'a jamais divergé sur sa ligne politique qui demeure inviolable. Sur le plan organique, la démarche de rassemblement engagée est sur la bonne voie.
D'anciens cadres et d'autres militants en rupture organique du parti depuis des années ont rejoint nos rangs.
Le FFS, qui demeure largement ouvert aux Algériennes et aux Algériens, connaît de nouvelles adhésions à l'échelle nationale.
Nous continuons à veiller résolument à ce que le FFS soit préservé et consolidé.
K. A.


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