Les deux derniers jours de la semaine ont été très longs pour Anis Rahmani, P-dg d'Ennahar TV, une chaîne de télévision qui a connu une ascension fulgurante ces dernières années. Après s'être indéniablement imposée auprès d'un public avide de points de vue différents que ceux que leur offraient les chaînes publiques, elle a dû cependant faire face à de très lourdes critiques et des controverses qui se sont d'ailleurs exprimées après la diffusion de la nouvelle de l'arrestation de son patron. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Il a fallu, cependant, attendre longtemps avant que cette nouvelle ne soit confirmée de manière officielle. C'est, en effet, hier que le parquet général d'Alger a communiqué sur l'affaire en rendant publics les faits pour lesquels est poursuivi Anis Rahmani. Ce dernier a été inculpé pour «acquisition d'indus avantages» et «détention de comptes bancaires à l'étranger». Ce communiqué a été publié en fin de matinée de ce vendredi, soit quelques heures seulement après que le patron du groupe Ennahar eut été placé sous mandat de dépôt par le juge d'instruction du tribunal de Bir-Mourad-Raïs au terme de longues heures d'audition. Les images retransmises par divers moyens de communication, chaînes de télévision privées, dont Ennahar, vidéos de journalistes, de particuliers, ont donné à cet évènement une dimension comparable à celle qui avait prévalu lors des premières arrestations qu'a connues le pays après le 2 avril 2019. Les premières images ont visiblement choqué les journalistes et travailleurs de la chaîne qui se sont précipités au tribunal de Bir-Mourad-Raïs vers lequel était en route leur patron. Les caméras des chaînes concurrentes ont montré Anis Rahmani ,dont le visage était très visible, derrière le grillage du fourgon de la gendarmerie qui le transportait. Jusque-là, Ennahar avait fourni au compte-goutte les informations relatives à cette affaire. Mercredi au soir, et peu de temps après que la nouvelle s'est répandue, cette télévision avait préféré garder le silence. Un silence qu'elle n'a rompu qu'au lendemain pour démentir les rumeurs annonçant la mise en détention de son P-dg. Au cours de la même journée, jeudi, le site électronique ALG 24, rattaché au groupe Ennahar, a cependant publié un long communiqué relatant les circonstances de l'arrestation. Ce dernier a fait savoir que cette arrestation a été effectuée par des hommes en civil qui ont intercepté le véhicule à bord duquel se trouvait Rahmani, en compagnie de son épouse. Le couple se rendait au domicile de la mère de Anis Rahmani. Il a été ensuite conduit à la brigade de gendarmerie de Bab J'did, et il n'en est sorti que jeudi en fin de soirée pour être dirigé au tribunal de Bir-Mourad-Raïs. De nombreuses personnes ayant appris la nouvelle s'y trouvaient au moment de son arrivée. Des citoyens ont déversé des injures, une tendance qu'ont tenté de renverser les travailleurs d'Ennahar, qui se sont eux aussi précipités sur les lieux, en lançant des slogans favorables. Sur les lieux, tous ont pu remarquer l'importance du dispositif de sécurité mis en place aux abords du tribunal. L'édifice était carrément encerclé par des véhicules de la police, de la gendarmerie et de véhicules banalisés de services de sécurité. Une vingtaine d'éléments de sécurité, peut-être plus, étaient disposés sur les escaliers menant au tribunal. Ils se sont déchaînés au moment de l'arrivée du fourgon. Des images qui tournaient en boucle sur les chaînes de télévision privées et des vidéos qui ont largement circulé sur la toile montraient Anis Rahmani debout dans le fourgon ,attendant que la porte s'ouvre. Il est ensuite apparu menotté, encadré par de nombreux éléments des forces de l'ordre qui ont dû jouer des coudes pour lui frayer un chemin, puis une longue attente s'est installée. Durant quatre heures de temps, une foule, qui ne faisait que grossir, attendait la suite des évènements. Très controversée, la chaîne a fait l'objet de nombreux commentaires. Les citoyens rappellent les rumeurs portant sur sa proximité avec Saïd Bouteflika, les images choquantes d'artistes arrêtés lors d'une campagne douteuse et filmés menottés par les caméras d'Ennahar, les reportages dirigés contre certaines personnalités politiques, les caméras cachées du mois de Ramadhan, la manipulation des images du Hirak… Difficile aussi de ne pas se remémorer l'incroyable épisode de la diffusion d'un enregistrement vocal entre Anis Rahmani et le patron des services de renseignement, demandant le retrait d'un article paru sur le site ALG 24. L'évènement était survenu après l'arrestation du journaliste auteur d'un article jugé diffamatoire. Anis Rahmani semblait alors être sorti victorieux de ce bras de fer inédit. Personnage très controversé, on le dit cependant dans le collimateur après le déclenchement de la lutte anti-corruption. Des informations émanant de sources concordantes font savoir que ses véritables ennuis ont commencé en réalité il y a plus d'un mois. Les services compétents ont passé en revue toutes ses finances. Les mouvements effectués de et vers ses comptes ont été passés au crible. Les enquêteurs, nous dit-on, ont également été en mesure de retracer l'origine des comptes fermés à la hâte par des membres de sa famille. Les doutes se sont précisés il y a près de deux semaines, lorsque des informations annonçant que ses documents de voyage lui avaient été retirés. Le procédé voulait aussi dire que le mis en cause avait été frappé d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national). Aucun démenti n'avait été alors apporté par les concernés. Mercredi, Anis Rahmani était interpellé en fin d'après-midi. Il est arrivé à la prison de Koléa ce vendredi, avant la levée du jour. Plusieurs ministres seraient impliqués Laïd Benamor a rejoint la longue liste d'hommes d'affaires placés en détention pour avoir bénéficié d'indus avantages. Dans sa chute, il risque de mettre dans la tourmente trois anciens ministres de l'Agriculture. Ce mercredi déjà, des informations non confirmées annonçaient la présence de Rachid Benaïssa, ancien ministre de l'Agriculture, au tribunal de Sidi-M'hamed où comparaissaient Laïd Benamor et plus de vingt-trois autres personnes. Elles le sont restées puisque aucune confirmation officielle en provenance de cette instance judiciaire n'a été rendue publique à la fin de l'instruction du dossier. Mais des sources proches du dossier font, en revanche, savoir que le nombre d'anciens ministres impliqués dans cette affaire s'élève à cinq. Il s'agit des deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, et de trois autres anciens ministres de l'Agriculture ayant servi sous les différents gouvernements que ces Premiers ministres ont eu à conduire. Aucune information n'indique cependant si les concernés ont été déjà auditionnés, mais la procédure est rendue obligatoire car étant directement concernés dans l'octroi d'indus avantages, premier fait ayant conduit à l'inculpation de Laïd Benamor. Les mêmes sources indiquent que les dossiers des anciens responsables devaient d'abord être instruits par le juge du tribunal de Sidi-M'hamed avant d'être transmis à la Cour suprême. Le patron du groupe Amor Benamor a, quant à lui, d'abord comparu ce mercredi au niveau du tribunal de Sidi-M'hamed qui l'a auditionné durant de longues heures avant de le placer sous mandat de dépôt. Son frère Mohamed El Hadi a subi le même sort. Il a été également inculpé pour dilapidation de deniers publics et exploitation illégale de terres agricoles. Un troisième membre de la fratrie Benamor, gérant de la conserverie CAB, comparaissait le même jour, mais il a été remis en liberté en même temps que le reste des personnes convoquées. Laïd Benamor est le neuvième homme d'affaires réputé proche des cercles dirigeants qui opéraient à l'époque de Abdelaziz Bouteflika à rejoindre El-Harrach. A. C.