Au moins six plaintes viennent d'être déposées officiellement auprès des tribunaux de Sidi M'hamed, de Chéraga et de Bir-Mourad-Raïs, à Alger, contre la chaîne privée Ennahar TV et son directeur et propriétaire, Anis Rahmani, de son vrai nom Mohamed Mokadem. Les auteurs de ces plaintes ne sont autres que les journalistes Abderrahmane Semmar, Merouane Boudiab et Adlane Mellah, le comédien Kamel Bouakkaz, l'ancien footballeur Fodil Dob et le rappeur Mister AB, de son vrai nom Mohamed Abidat. Soit ceux-là mêmes dont les scènes de leur arrestation, le 25 octobre dernier, à la suite des plaintes déposées contre eux par le même Anis Rahmani et le wali d'Alger, puis leur conduite au tribunal puis à la prison d'El-Harrach ont été filmées et diffusées en direct par la même Ennahar TV. L'objet de ces plaintes individuelles est donc de réclamer la réparation des préjudices causés aux concernés et à leur famille par ces images jugées "diffamatoires" et "portant atteinte à la dignité et à l'honneur" des personnes arrêtées et de leur famille. C'est ce qu'ont expliqué les concernés, excepté Adlane Mellah, remis en prison quelques jours après sa remise en liberté provisoire, et leurs avocats, hier, dans une conférence de presse animée au siège du journal électronique Maghreb Emergent. Ce dernier faisant également office de siège du syndicat des éditeurs de la presse électronique (Saepe). Pourquoi des plaintes individuelles et non pas une plainte collective ? "C'est pour faire courir davantage Anis Rahmani", répondent les plaignants et leurs avocats. "Nous n'allons pas le lâcher. Anis Rahmani et sa chaîne doivent payer pour le préjudice qu'il nous a causé, à nous et à nos familles, en nous filmant menottés au tribunal et en diffusant des informations calomnieuses à notre encontre. Nous avons été jugés par Ennahar TV avant la justice en violation du droit de présomption d'innocence et de toutes les lois de la République", dénoncent-ils, non sans promettre de porter leur plainte auprès des instances internationales compétentes. Ils ont fait savoir que leurs familles s'apprêtent aussi à déposer des plaintes contre leur adversaire. Les six "victimes" d'Anis Rahmani et du wali d'Alger se disent davantage outrées que parmi les plaintes déposées, seulement une partie est parvenue à la justice plusieurs heures après leur arrestation, alors que les autres accusés ont été jetés en prison sans qu'ils n'aient fait l'objet de la moindre plainte à ce jour ! Mais, déplorent-ils, même cela n'a pas empêché Ennahar TV de les présenter, juste après leur arrestation, comme de "vulgaires criminels". D'où le "lourd préjudice moral" qui, dénoncent-ils, pèse encore sur eux et sur leur famille plus d'un mois après leur remise en liberté provisoire. Leur jugement définitif étant programmé pour le 7 février prochain. "Je n'oublierai jamais ce qu'ils m'ont fait. Depuis ma libération, ma fille me demande chaque matin si elle allait me retrouver à sa sortie de l'école. Elle est traumatisée", raconte, dépité, le comédien Bouakkaz. Me Abdelghani Badi, avocat d'Abdou Semmar, ne manque pas de dénoncer, par ailleurs, "l'illégalité" de la procédure d'interdiction de sortie du territoire national imposée à son client. Tout comme il s'élève contre la dernière arrestation du journaliste Adlane Mellah, accusé "d'organisation de manifestation interdite", dont le procès est prévu pour demain. Farid Abdeladim