Les images de ces anciens ministres arrivant menottés aux tribunaux ont toujours pour effet de saisir les présents. Ce fut encore le cas hier à Sidi-M'hamed où l'assistance est demeurée longtemps focalisée sur le box des accusés où treize ex-hauts responsables devaient être jugés dans l'affaire de Abdelghani Hamel. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ces images saisissent davantage lorsque ces tout-puissants devenus aujourd'hui «prévenus» entrent dans les salles d'audience en compagnie de leurs proches. Abdelghani Hamel n'était pas seul au box des accusés, ce mercredi matin. Ses deux fils, Amyar et Mourad, sont les deux premiers prisonniers à avoir fait leur entrée dans la salle d'audience. Vêtus de sombres blousons chauds, les mains menottées, ils se sont glissés agilement entre les bancs encore vides pour prendre place. Le père arrive quelques secondes après. L'ancien patron de la DGSN porte un costume gris clair, il fixe le vide. Son frère Chafik est assis la première rangée parmi de nombreux autres témoins. Non loin de lui se trouve un autre membre de la famille Hamel, sa fille Chahinez. Tout comme sa mère, Mme Hamel, cette dernière se trouve en liberté mais doit demeurer à la disposition de la justice. Au terme d'une longue comparution devant le juge d'instruction en juillet dernier, Mme Hamel avait été placée sous contrôle judiciaire et se doit, par conséquent, de signer chaque mois un procès-verbal auprès du magistrat en charge de son dossier. Aujourd'hui, son nom ne figure, cependant, pas parmi la liste des personnes appelées par la juge. Des informations confuses et jamais confirmées ou infirmées avaient, cependant, circulé au sujet de sa fille qui aurait fait d'abord l'objet d'un mandat de dépôt (en même temps que ses deux frères) avant d'être placée, à son tour, sous contrôle judiciaire car étant, à ce moment, maman d'un nouveau-né. Dans sa chute, Hamel n'a, cependant, pas entraîné uniquement les membres de sa famille. Trente personnes en tout sont concernées par cette affaire. Les anciennes hautes personnalités inculpées sont au nombre de quatre : l'ex-chef de gouvernement Abdelmalek Sellal, Abdelghani Zaâlane, ex-ministre des Travaux publics inculpé dans ce dossier en qualité d'ancien wali d'Oran et incarcéré le 5 août dernier, Moussa Ghelaï, ex-wali de Tipasa. Un autre ancien ministre (de la Santé) a été appelé par la juge : Abdelmalek Boudiaf. Il est poursuivi pour «trafic d'influence», «détournement de foncier», «abus de fonction» et «enrichissement illicite» dans le cadre de la même affaire et en qualité d'ancien wali. Après une comparution en août dernier devant le juge d'instruction auprès de la Cour suprême, il a été placé sous contrôle judiciaire. Les mis en cause passent la porte par laquelle les prisonniers font leur entrée au tribunal en y allant chacun de son rythme. Des pas rapides et sûrs pour les deux anciens walis et Zaâlane, une démarche approximative, des pas incertains pour Abdelmalek Sellal. L'ancien Premier ministre est vêtu d'un blouson bleu nuit, le même que celui dans lequel il apparaît sur une photo de lui faisant son marché à Staouéli au lendemain de son départ de la chefferie du gouvernement et du poste de directeur de campagne pour le cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Cette image avait été postée sur son compte Facebook. Sellal est très amaigri, la peau de son visage est terriblement distendue, il esquisse un rapide sourire avant de s'affaisser sur un banc. Des indiscrétions font état de «remords» qui le rongent, de ses «regrets» d'avoir accepté des postes de responsabilité au sein d'un régime opaque, des «pardons» qu'il demande aux juges qui l'interrogent. Ce matin, Sellal n'aura, cependant, pas à s'exprimer. Le collectif de défense des prévenus demande immédiatement le report des deux affaires. La première concerne Abdelghani Hamel et les membres de sa famille. Ils sont poursuivis, entre autres, pour enrichissement illégal, trafic d'influence, blanchiment d'argent, corruption… La seconde affaire est celle dans laquelle ont été inculpés Abdelghani Zaâlane, Abdelmalek Boudiaf et Moussa Ghelaï pour trafic d'influence, octroi d'indus avantages, octroi de terrains agricoles… La demande de la défense est motivée par la lourdeur des dossiers auxquels, disent-ils, plusieurs avocats constitués n'ont pas eu encore accès. La juge accède très vite à la demande du collectif de défense : le procès est reporté au 11 mars prochain. La demande de liberté provisoire introduite en faveur de l'ancien wali de Tipasa Moussa Ghelaï est, cependant, rejetée. La juge annonce également la décision de faire jonction entre les deux affaires. Le procès promet d'être riche en révélations. Les fils Hamel à eux seuls doivent être jugés pour des transactions douteuses et obtention illégale d'avantages leur ayant permis la création d'une dizaine de sociétés Sarl et Eurl. A. C.