Après l'apparition de 20 cas confirmés de coronavirus en Algérie, les autorités tentent, tant bien que mal , de contenir l'épidémie avec «les moyens du bord». Mais, en l'absence d'une agence nationale de veille sanitaire, comme suggéré par des acteurs du secteur de la santé depuis des années, comment faire face à une éventuelle expansion du virus mais surtout, comment gérer ses retombées ? Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - Du point de vue du président de l'Ordre des médecins, Mohamed Bekkat Berkani, l'Algérie n'est pas prête à se frotter à une telle épidémie, si celle-ci venait à prendre une dimension plus sérieuse. «Il faut dire que ce virus nous a pris de court», a-t-il déclaré hier mercredi, en marge d'une conférence de presse organisée au forum du journal La Rencontre. Bien qu'il affirme que pour le moment, la situation est «maîtrisée», cette dernière pointe du doigt l'absence d'une organisation dans le domaine préventif. Aujourd'hui, dit-il, «l'état des lieux de notre système de santé ne nous permet pas de gérer une épidémie dont on ignore les limites». Selon Mohamed Bekkat Berkani, la création d'une agence nationale de veille sanitaire s'imposait depuis le début. Et pour cause, dit-il, le ministère de la Santé «n'est pas en mesure, à lui tout seul, de faire face à cette nouvelle menace». Il se demande, à juste titre : «Pourquoi toujours réagir à la dernière minute ?» Il fera, d'ailleurs, remarquer que les infrastructures de santé ne sont pas équipées de sorte à prendre en charge des personnes atteintes d'une épidémie. Dans la foulée, le président de l'Ordre des médecins considère que l'hôpital de Boufarik ,qui date de plus d'un siècle, précise-t-il, «ne dispose pas des moyens nécessaires qui permettent la mise en quarantaine de patients affectés par le coronavirus». En plus du fait que cette structure ne soit pas adaptée, l'invité du forum relèvera une insuffisance manifeste en matière de traçabilité permettant l'identification de la chaîne de contamination. «Ce travail est censé être du ressort d'une agence de veille sanitaire», a-t-il insisté. Il s'agit d'un travail minutieux qui doit être mené par des épidémiologistes dans toutes les régions du pays. Sur ce point-là, il juge utile de créer des agences de veille sanitaire régionales, pour pouvoir appréhender, de façon complète, l'ampleur de n'importe quelle maladie qui pourrait survenir à n'importe quel moment. Parlant du contrôle au niveau des aéroports et des ports notamment, Mohamed Bekkat Berkani relève que le dispositif mis en place, à savoir les caméras thermiques et les équipes médicales, n'est pas suffisant pour éviter que le virus ne se propage sur tout le territoire. Surtout que, souligne-t-il, «nous avons constaté ces derniers jours que le contrôle est beaucoup moins rigoureux et pris à la légère dans les points d'entrée du pays». Ce qui est, dit-il, «inadmissible», car cette épidémie doit être prise au sérieux, quelle que soit son envergure. Concernant la mesure du chef de l'Etat portant sur l'interdiction de grands rassemblements dans le but de «limiter» la propagation du coronavirus, le docteur Bekkat Berkani juge que cette décision devra être prise en fonction de l'évolution de l'épidémie en Algérie, car «les rassemblements sont des vecteurs de transmission du virus». L'intervenant a, en outre, appelé les citoyens à être vigilants en toute circonstance, adoptant ainsi les gestes les plus élémentaires comme se laver les mains. Pour les masques, celui-ci explique qu'ils ne sont vraiment utiles que pour les personnes touchées par le virus. Mohamed Bekkat Berkani dira encore que la situation que nous vivons actuellement sera une leçon de plus pour les autorités compétentes, et devra les inciter à corriger les manquements qui font de notre système de santé national, un «système obsolète». Il met encore sur la table l'obligation d'investir sur le volet préventif et de se concentrer un peu moins sur le côté curatif. Il poursuit en faisant savoir que le secteur de la santé a besoin de structures fiables et de nouveaux mécanismes pour rattraper le grand retard que «nous avons accusé dans le domaine de la santé», a-t-il soutenu. M. Z.