À l'instar des autres pays, l'Algérie a installé une série de mesures permettant d'éviter à sa population une éventuelle propagation de l'épidémie du coronavirus, qui semble se répandre rapidement ailleurs. Mais si ce scénario venait à se réaliser, les autorités algériennes possèdent-elles les moyens nécessaires pour faire face à une telle situation ? Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - Tentant de répondre à cette question, le professeur hospitalo-universitaire en épidémiologie au CHU Mustapha-Pacha, Abdelouahab Bengounia, a expliqué, hier lundi, à l'occasion de son intervention au Forum d'El Moudjahid, qu'a priori, les premiers gestes adoptés par l'Algérie sont indispensables et très utiles dans ce genre de cas. «À travers un contrôle rigoureux au niveau des ports et des aéroports, on est au moins sûr de limiter les risques d'être touché par le virus», a-t-il indiqué. Il relève, néanmoins, que notre système d'alerte avec tout ce qu'il implique ne peut garantir en rien une totale immunité contre le nouveau coronavirus. Il ajoutera, dans ce sens, que le dispositif algérien est certes suffisant pour le moment, mais présente toutefois de sérieuses lacunes qui tendent à «limiter son efficacité», si on se projette sur un plus long terme. Justement, concernant l'arrivée à l'hôpital El Kettar de 36 Algériens rapatriés de Wuhan (Chine), principalement des étudiants, Abdelouahab Bengounia regrette que les autorités soient ainsi obligées de réagir sur le vif, faisant allusion aux hésitations manifestées par ces dernières par rapport au lieu de la mise en quarantaine de ces 36 personnes, «tantôt El Kettar, tantôt à Sidi Fredj, El-Marsa». Selon lui, l'origine de ce malaise provient tout simplement d'une absence d'un institut national de veille sanitaire (Invs). Il déplorera que sur le plan préventif, la politique de santé algérienne soit à la traîne, et le résultat se fait ressentir. «Mais beaucoup trop tard malheureusement .» Or, le rôle d'un Invs est, dit-il, d'anticiper sur ce genre de chamboulement épidémiologique et d'y faire face si la situation venait à s'aggraver. Pourtant, enchaîne-t-il, ce n'est pas faute d'en avoir déjà fait l'expérience, «avec les problèmes que nous vivons régulièrement en matière de maladies infectieuses à l'image du choléra, H1N1, etc.». Cependant, il tient à souligner que le personnel médical relevant d'El Kettar est « parfaitement compétent et apte à prendre cette situation en main». Evoquant les voies de transmission de ce virus, dont on ignore toujours la provenance, le professeur explique qu'il ne faut absolument pas céder à la panique, même si la situation peut paraître inquiétante. «Il suffit de suivre les règles élémentaires d'hygiène, comme se laver les mains plusieurs fois par jour», fait-il savoir. Selon Abdelouahab Bengounia, ce qu'il faut encore savoir sur le coronavirus, c'est que sa transmission peut se faire d'une personne porteuse de la maladie mais qui ne manifeste pas forcément de signe apparent, à savoir, fièvre, toux, difficultés respiratoires…). Ce qui rend la chose, dit-il, encore plus complexe à appréhender. Le professeur recommande, pour l'heure, d'attendre encore un peu qu'une évolution soit constatée, et d'agir en conséquence. Abdelouahab Bengounia a, par ailleurs, insisté sur les failles de notre système de santé dans lequel «l'aspect curatif prime sur le préventif». Sur sa lancée, il recommande vivement au ministère de la Santé l'installation d'un institut national de veille sanitaire. «Car cela permettra d'assurer des actions de veille et d'identifier, à l'avenir, des épidémies qui se manifestent de temps à autre.» M. Z.