Entretien réalisé par Nawal Imès Impacté comme beaucoup d'autres, le secteur du tourisme subit un préjudice qui ne sera quantifié qu'une fois la crise sanitaire dépassée. Le ministre du Tourisme rassure, les acteurs du secteur seront soutenus par des mesures qui restent à définir. Au-delà de cette conjoncture, Hacène Mermouri espère mettre en place une industrie du tourisme. Le Soir d'Algérie : Le secteur du tourisme est impacté par la propagation du coronavirus. Avez-vous fait une estimation du préjudice ? Hacène Mermouri : D'abord, permettez-moi d'exprimer toute ma fierté d'appartenir à ce grand peuple, si généreux, si solidaire et surtout si attaché aux valeurs du patriotisme. De plus, je voudrais dire à celles et à ceux qui sont sur le front, pour combattre ce fléau, notamment les corps médical et paramédical, le personnel de service, ainsi que les corps de sécurité et la Protection civile, toute notre gratitude et notre reconnaissance, sans omettre tout le personnel exerçant dans les établissements hôteliers publics et privés, qui veillent à faciliter le séjour de nos concitoyens. Pour revenir à votre question, je dirais que toute l'économie mondiale est actuellement en difficulté, car faisant face à une situation sans précédent, au même titre que l'activité touristique qui se nourrit principalement des déplacements de personnes. De ce fait, et à l'instar du tourisme dans le monde, le secteur touristique en Algérie est directement et lourdement impacté par le Covid-19. Pour ce qui est de l'estimation du préjudice, au stade actuel, il est prématuré de disposer d'une analyse fine et objective de la situation, car nous sommes dans une étape de concertation avec les partenaires pour la collecte des données qui serviront à mesurer l'impact et estimer les pertes et préjudices occasionnés par cette situation inédite. A la date d'aujourd'hui, l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) estime que les arrivées de touristes internationaux dans le monde en 2020 devraient connaître une baisse de 20 à 30%, induisant un manque à gagner estimé entre 30 à 40 milliards de dollars (USD), en termes de recettes du tourisme international. Néanmoins, l'OMT tient à rappeler que les estimations énoncées sont à prendre avec précaution, compte tenu du caractère changeant et incertain de l'évolution de la pandémie, qui pourrait engendrer de nouvelles révisions. A ce titre, notre département ministériel est en phase de constante concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux (UGTA-FNTTC), ainsi que tous les représentants et acteurs, à savoir la Fédération nationale des hôteliers (FNH), la Fédération et les Syndicats nationaux des agences de tourisme et de voyages (Fnat et Snav), à l'effet de suivre l'évolution de cette situation et les effets négatifs induits par ce phénomène. Les hôtels, qu'ils soient privés ou publics, ont été contraints à la fermeture. Votre département pense-t-il à une forme de soutien en leur direction ? Effectivement, les établissements hôteliers, qu'ils soient privés ou publics, ont suivi à la lettre les consignes des pouvoirs publics relatives aux mesures à prendre par rapport à la propagation de ce virus. Dans ce cadre, notre département ministériel a instruit les services déconcentrés ainsi que les organismes et entreprises sous tutelle à l'effet d'instaurer les mesures nécessaires pour faire face à cette pandémie. Pour cela, il est à noter que plusieurs hôteliers privés ont volontairement décidé de fermer leurs établissements, alors que d'autres ont mis leurs hôtels à la disposition des autorités pour recevoir les citoyens algériens rapatriés nécessitant une période de confinement. Cette opération de confinement a concerné à ce jour 8 721 personnes, hébergées au sein de 61 établissements hôteliers entre publics et privés répartis à travers 18 wilayas. Quant aux mesures de soutien en faveur de ces établissements hôteliers, une évaluation exhaustive est en cours, pour dégager les solutions idoines avec les secteurs concernés, notamment sur le volet fiscal, par le report des déclarations fiscales, le report ou l'échéancier pour le paiement, et la suspension de l'imposition des bénéfices non affectés, et sur le volet parafiscal, le différé de paiement des charges et cotisations. Les agences de voyages ont également dû chambouler leurs programmes qu'il s'agisse de omra ou de vacances de printemps. Seront-elles soutenues à leur tour ? Vous avez bien fait de faire allusion à un maillon indispensable de la chaîne touristique, à savoir les agences de tourisme et de voyages, qui subissent de plein fouet les conséquences de cette fâcheuse situation. Il reste bien entendu que les pouvoirs publics sont sensibilisés sur cette période difficile que traversent les opérateurs dans le domaine du voyage et ne manqueront pas de réagir à leurs difficultés qui concernent tous les intervenants dans la chaîne touristique qui seront soutenus indéniablement par des mesures, en temps opportun. En tout état de cause, et en ces moment critiques, je leur réitère mon soutien total, tout en leur demandant de maintenir les contacts cordiaux avec leur clientèle et d'être surtout à l'écoute de leurs doléances. Plusieurs structures publiques ont servi pour confinement des personnes rentrées de voyage. Cela n'a-t-il pas constitué un gouffre financier pour des structures dont la santé financière n'est pas toujours optimale ? Je vous confirme qu'à ce jour 18 établissements hôteliers relevant du secteur public ont accueilli 4 298 personnes rapatriées, dans le cadre de l'opération de confinement. Cette mobilisation se poursuivra tant que cette opération est maintenue par les pouvoirs publics. Quand à votre question, je vous réponds que la vie des Algériens n'a pas de prix, quelle que soit la facture, et que le secteur du tourisme reste totalement mobilisé pour être au service de nos chers concitoyens, tel que souligné par Monsieur le président de la République. Aussi, je vous rappelle que le gouvernement a pris toutes les dispositions à l'égard de tous les secteurs qui sont mobilisés, y compris le secteur du tourisme, qui contribue considérablement au bon déroulement de cette opération, notamment dans son volet hébergement, ainsi que sa participation active au comité multisectoriel mis en place par Monsieur le Premier ministre pour la lutte contre la propagation du Covid-19. Quel avenir imaginez-vous pour le secteur après la crise sanitaire ? Il faut savoir que nous sommes en phase de construction d'une destination compétitive. Ce qui revient à dire que nous continuerons obstinément à la mise en œuvre du plan du gouvernement pour l'émergence d'une industrie touristique nationale et internationale. Quant au volet commercial et à la reprise des activités, cela dépendra de l'évolution de la situation sanitaire, ainsi que de la relance de l'activité touristique dans le monde. En tout état de cause, nous veillerons à être fin prêts, dès la reprise des activités touristiques, par la mise en place d'un climat de confiance à travers le dialogue, la concertation et la mobilisation des acteurs et des professionnels du tourisme et des voyages, dans le but de mettre en œuvre la feuille de route sectorielle déjà entamée. Peut-on espérer sortir du schéma qui consiste à n'évoquer le secteur qu'à travers le nombre de lits en occultant tout l'environnement qui doit accompagner le développement du tourisme ? Votre question est pertinente et me renvoie à dire que j'ai utilisé sciemment précédemment le concept d'industrie touristique. Il est indéniable que les structures d'hébergement représentent un maillon fort de la chaîne touristique. Néanmoins, le programme du gouvernement pour la relance du tourisme national s'intéresse de très près aux thématiques de la qualité, du marketing, de la communication et de la formation, comme nouveaux concepts dans la nouvelle démarche de redressement de notre tourisme. De plus, je informe que sur décision de Monsieur le Premier ministre, le Conseil national du tourisme (CNT) sera réactivé prochainement et réunira la plupart des membres du gouvernement, sous la présidence de Monsieur le Premier ministre, à l'effet de statuer et décider des mesures nécessaires et concrètes à la faveur du secteur du tourisme. Enfin, je tiens à rappeler l'aspect de la transversalité qui caractérise le secteur du tourisme, qui nécessite la convergence de tous les efforts de tous les secteurs pour arriver à un développement touristique durable et effectif, valorisant les potentialités et couvrant l'ensemble du territoire national. Quel est l'apport du secteur de l'artisanat dans la lutte contre cette épidémie ? Nous rappelons que l'Algérie, comme d'autres pays, est confrontée aux risques de propagation du Covid-19. Elle est de ce fait engagée dans une course contre la montre, pour limiter sa propagation et prévenir ses dangers. En application des directives des pouvoirs publics, nous avons instruit tous les établissements et entreprises du secteur, pour prendre des mesures visant à l'augmentation du niveau de vigilance et le renforcement des capacités de travail proactif sur les dangers de la propagation de ce virus, et la mise en œuvre de mesures de prévention et de réduction des facteurs de transmission des infections. Considéré comme un secteur productif, l'artisanat, à travers les Chambres de l'artisanat et des métiers, n'a pas manqué de contribuer à l'effort national de lutte contre cette épidémie et d'apporter son soutien à la société. En effet, l'artisanat est venu en appoint aux actions lancées par notre département ministériel, avec une contribution conséquente, qui a mobilisé pas moins de 388 artisanes et artisans. Cet effort a permis de confectionner à ce jour 184 268 masques de protection, 2 250 gants, 7 926 tenues protectrices et couvertures médicales, ainsi que plus de 51 000 litres de produits de désinfection (eau de Javel), avec une estimation totale dépassant les 21 millions de DA. Nous veillerons à ce que cette mobilisation reste permanente et active, pour poursuivre et continuer les efforts consentis pour la fabrication de tout produit nécessaire à la prévention et à la protection. Quel est votre dernier mot ? Devant ces circonstances spéciales et douloureuses, nous ne manquerons pas d'avoir une pieuse pensée pour celles et ceux qui nous ont quittés emportés par ce virus, en exprimant nos sincères condoléances à leurs familles, tout en souhaitant un prompt rétablissement à celles et ceux qui se battent toujours contre cette maladie. Je terminerai par exprimer ma profonde solidarité avec toutes les personnes impactées par cette épidémie en Algérie et dans le monde, ainsi que toute ma gratitude à tous ceux qui n'ont ménagé aucun effort pour combattre ce fléau. Un combat qui nous mènera, dans un futur proche, vers un monde meilleur, plein d'espoir et d'avenir. N. I.