Il mettra du temps avant de montrer ses vertus sur le marché du pétrole, l'accord conclu jeudi entre l'Opep et ses alliés menés par les Russes, accord devant mener, en mai et juin prochains, à une coupe «historique» de la production de 10 millions de barils/jour. La séance de jeudi, après la fin de la visioconférence, et celle de vendredi n'ont, en tous les cas, pas permis de contribuer à rassurer producteurs et investisseurs. Les dernières cotations de l'or noir sur les deux principaux marchés reflètent amplement l'état des lieux dans le monde du pétrole. Sur le marché de New York, le baril de WTI affichait dans la soirée de vendredi 22,76 dollars, soit une baisse de 9,29%, alors qu'au même moment, le Brent de la mer du Nord valait 31,48 dollars, en chute de 4,14%. Des cours qui, sans grande surprise pour les spécialistes, n'ont pas tiré profit des quelques très timides avancées enregistrées par les principaux protagonistes intervenant sur le marché mondial, qui se sont retrouvés dans les deux importantes réunions tenues ce week-end : la visioconférence de l'Opep et ses alliés, et le rendez-vous virtuel entre les ministres de l'Energie du G20. Un peu plus d'un mois, donc, après s'être engagés dans une guerre des prix terrible pour le marché, la Russie et les pays exportateurs de pétrole regroupés au sein de l'Opep, ont pu s'entendre et décider de couper leur production d'environ 10 millions de barils par jour, soit 10% de la consommation mondiale avant que le coronavirus ne vienne bouleverser le marché. Un sacré effort, tout le monde le reconnaît, mais le fait que l'accord de réduction n'entre en application qu'en mai et juin prochains ne milite pas, selon de nombreux analystes, pour aider à la stabilisation du marché d'abord, puis à la remontée des prix dans des proportions qui pourraient permettre aux compagnies de respirer financièrement. «Une réduction de 10 millions de barils par jour en mai et juin empêchera d'atteindre les limites de stockage et évitera aux prix de tomber dans un abîme, mais elle ne permettra toujours pas de rétablir l'équilibre souhaité du marché», analyse-t-on chez Rystad Energy. Il ne fait aucun doute que l'accord conclu jeudi constitue un fait historique dans la vie de l'Opep et du marché pétrolier en général, mais eu égard au plongeon qui a fait descendre le prix en dessous de la barre des 25 dollars le baril en mars, il y a de quoi craindre que les coupes dans la production soient «trop peu et trop tard». Cette réduction de 10 millions de barils par jour proposée par l'Opep et ses alliés pour mai et juin empêchera le monde d'atteindre les limites de la capacité de stockage, ce qui évitera de contribuer à ce que les prix tombent encore plus profondément, mais cela ne rétablira toujours pas l'équilibre du marché souhaité, ont encore assuré les analystes de Rystad Energy, hier samedi après qu'il eut été confirmé que la réunion des ministres de l'Energie du G20 n'a pas abouti à des décisions qui pouvaient conforter l'initiative prise par l'Opep et ses alliés. En effet, les longues heures de discussion, vendredi, n'ont pas permis aux ministres de l'Energie des pays du G20 à se mettre d'accord sur une baisse de la production pétrolière. Dans leur communiqué publié hier, les ministres du G20 disent s'engager «à prendre toutes les mesures nécessaires et immédiates pour assurer la stabilité du marché de l'énergie» mais point de mesures à mettre en œuvre pour atténuer les effets de la contraction de la demande mondiale de pétrole qui a décru de 25% à 35%, et ce qui fait le plus craindre pour les mois à venir, c'est qu'elle ne semble pas près de remonter, dans la mesure où les mesures entravant les déplacements et le redémarrage de l'économie mondiale risquent d'être durables. Azedine Maktour