Parmi les instruments dont doit se doter un Etat pour prévenir et punir la corruption, figurent les institutions de contrôle. Ces institutions sont multiples et différentes quant à leur mission et à leurs moyens d'action, mais complémentaires dans leurs objectifs. Très souvent, elles sont prévues par la Constitution et sont liées aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Leur existence ne signifie pas pour autant qu'elles sont indépendantes, même quand la loi consacre cette indépendance. Le contrôle administratif est généralement articulé autour de deux types de structures : des structures à compétence transversale et des structures à compétence verticale. Les institutions à compétence horizontale se retrouvent généralement à un niveau de l'Etat où elles sont domiciliées et où elles interviennent pour le compte des autorités centrales : auprès du président de la République par exemple et de la Commission de vérification des comptes et de contrôle des entreprises publiques. Les structures à compétence verticale sont rattachées à des départements ministériels et sont placées sous l'autorité des ministres (les inspections internes des ministères telles que l'Inspection des affaires administratives et financières, l'Inspection technique, l'Inspection générale des finances, l'Inspection des services judiciaires, etc.). On retrouve aussi des inspections générales au niveau des administrations des wilayas. De légères différences existent d'un pays à l'autre en ce qui concerne les rattachements organiques de ces institutions de contrôle. Ainsi, si au Sénégal le contrôle financier est une structure à compétence horizontale sous tutelle de la présidence de la République, au Niger et au Gabon, ce contrôle est propre à chaque ministère. Dans certains pays, au vu des insuffisances constatées dans le fonctionnement des institutions traditionnelles de contrôle et de la multiplication des affaires de corruption, d'autres instruments sont mis en place. Ainsi, le gouvernement français a été amené à créer en 1991 une mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics et les conventions de délégation de service public. Elle faisait suite aux nombreuses malversations apparues dans la gestion de la commande publique, dans le prolongement de la décentralisation des années 1980. Limites et insuffisances Néanmoins, d'une manière générale, le contrôle de l'administration est partout inspiré de la même démarche et présente toujours les mêmes caractéristiques. Les missions de ces institutions sont définies par des textes réglementaires adoptés par le pouvoir exécutif (décrets présidentiels et décrets ministériels) et leurs rapports, malheureusement, ne sont pas rendus publics. L'analyse critique de l'organisation et du fonctionnement des systèmes de contrôle doit permettre d'identifier les obstacles à l'exécution de leur mission et à leur efficacité, et surtout de prendre des mesures pour renforcer leur rôle. La situation du contrôle administratif est peu reluisante et fait apparaître des faiblesses. L'absence d'indépendance des structures de contrôle, du fait de leur incapacité à s'autosaisir et le fait qu'elles soient juges et parties, rendent caduque leur efficacité. La non-application des directives contenues dans les rapports conforte l'impunité des personnes mises en cause, qui continueront d'agir sans pouvoir être inquiétées. Le manque de diffusion des rapports destinés aux seules autorités administratives de tutelle favorise l'opacité des travaux et le non-accès du public à l'information. De plus, la grande atomisation des structures de contrôle aggrave la confusion et les dédoublements d'intervention, compromettant leur efficacité. Le mode, très souvent non objectif, de nomination des contrôleurs est de nature à faire perdre toute crédibilité au contrôle. La fragilité de la fonction de contrôleur — par l'absence de garantie statutaire et de protection contre l'atteinte à son intégrité physique — ne contribue pas à rendre ce métier attrayant. L'insuffisance chronique des moyens d'action pour ces institutions de contrôle est aussi souvent utilisée pour limiter leurs missions. Le retard enregistré par les institutions de contrôle en Algérie est très important. Il est dû, en grande partie, à l'absence effective de séparation des pouvoirs, pourtant consacrée par la Constitution, et donc du poids dominant et exclusif de l'Exécutif. L'efficacité des institutions de contrôle est tributaire des avancées démocratiques de la société, de la volonté politique de l'exécutif et de la liberté d'expression des médias. Ces aspects sont abordés dans d'autres chapitres. Les recommandations souvent faites et malheureusement laissées lettre morte, pour rendre plus efficaces les institutions de contrôle, ne peuvent avoir de portée réelle que si elles bénéficient d'un climat d'ouverture politique et de transparence de la vie publique. Prendre en compte les recommandations des corps d'inspection L'efficacité du contrôle administratif exige des institutions de contrôle une place dans le système des institutions du pays qui puisse garantir leur indépendance et leur efficience. Leur saisie ne doit pas être du seul ressort de l'autorité de tutelle. Les textes qui les régissent doivent donner la possibilité aux organes de contrôle administratif de s'autosaisir. Les rapports de contrôle doivent être accessibles au public et faire l'objet d'une large diffusion. La prise en compte par les autorités concernées des directives contenues dans les rapports de contrôle, notamment lorsqu'il y a des malversations et des recommandations pour les prévenir, facilite la lutte contre la corruption. La coordination, les échanges d'informations et d'expériences entre les différentes institutions de contrôle de l'administration permettent de rendre plus efficaces leurs actions. Le recrutement dans les différents corps de contrôle doit se faire uniquement par concours, seul moyen de réunir des compétences et d'éviter le favoritisme. Les contrôleurs doivent bénéficier d'un statut et de mesures qui garantissent leur sécurité et le bon déroulement de leur carrière. De nombreuses administrations ont aussi une fonction de contrôle définie par la loi et une réglementation en vigueur, notamment en matière de lutte contre la corruption. On peut citer notamment : les douanes, l'administration des impôts, les services de la concurrence et de la répression des fraudes, les services de contrôle de la qualité, etc., mais leurs activités sont très peu connues du public. En vertu de la disposition constitutionnelle de séparation des pouvoirs, l'efficacité du contrôle des finances et des dépenses de l'Etat repose essentiellement sur l'indépendance des institutions qui en ont la charge et sur leur diversité. Cette indépendance est aussi tributaire de la publicité donnée aux résultats de ces contrôles, de la large information du public et des mesures prises par les juridictions concernées pour punir les auteurs d'infractions, de détournements et de corruption. S'il n'existe pas de modèle type qui puisse garantir un contrôle totalement efficace, il est temps que l'Algérie se décide enfin à mettre en place un dispositif performant pour vérifier si l'argent public est bien utilisé. Surtout par ces temps de crise financière… Djilali Hadjadj