Commerce: un programme proactif pour éviter toute éventuelle perturbation sur les marchés    Assainissement: traitement de près de 600 millions m3 d'eaux usées par an    Foot / Ligue des Champions (Gr: A - 6e et dernière journée) : héroïque en Tanzanie, le MC Alger qualifié en quarts de finale    Foot: clôture du Séminaire sur la gouvernance organisé par la CAF à Alger    Les wilayas de Constantine et de Skikda commémorent le 70ème anniversaire de la mort du martyr Didouche Mourad    La Coopérative Oscar pour la culture et les arts de Biskra commémore le 21e anniversaire de la mort du musicien Maati Bachir    Cancer de la prostate: le dépistage individuel seul moyen de prendre connaissance de la pathologie    Intempéries: plusieurs routes coupées en raison de l'accumulation de la neige    Tourisme saharien : près 23.000 touristes étrangers ont visité le Grand Sud depuis début octobre 2024    Conseil de sécurité: la diplomatie algérienne réussit à protéger les avoirs libyens gelés    Le Caftan constantinois: un des habits féminins prestigieux incarnant l'authenticité algérienne    Volley/Mondial 2025 (messieurs) - Préparation : le Six national en stage à Alger    L'attaque "lâche" contre le siège de "Global Aktion" vise à empêcher toute forme de solidarité et de soutien au peuple sahraoui    Agression sioniste: environ 35 enfants palestiniens tués par jour à Ghaza, selon l'UNICEF    Chutes de neige sur les reliefs de l'ouest du pays à partir de samedi    La valorisation du savoir et la bonne gouvernance et non le volume des réserves d'or qui permet le développement d'un pays    Vers l'importation de près de 28.000 tonnes de viandes blanche et rouge    LG lance un service de streaming audio gratuit    Bensaha deuxième recrue hivernale de l'USMH    Les Verts ratent leur sortie et déçoivent leurs fans    Championnat d'Arabie saoudite : L'Algérien Yousri Bouzok s'engage avec Al-Raed    Le ministre présente ses condoléances suite au décès du Moudjahid Mohamed Hadj Hamou,    Le Président Tebboune a reçu les responsables de médias    L'état du secteur de la communication et ses perspectives futures    Campagne de lutte contre la chenille processionnaire    Le wali en faveur du projet «SBA verte»    Mostaganem Premieres averses, grand soulagement    Poursuite des réactions internationales et appels au respect de l'accord    RDC : Appel à soutenir le processus de paix de Luanda    Vers un embargo sur les armes    Frédéric Berger n'est plus    Entre bellicisme médiatique et journalisme populacier    La 10e édition a tenu toutes ses promesses    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie auprès de la République de Sierra Léone    Batna: la dépouille mortelle du moudjahid Lakhdar Benchaïba inhumée au cimetière d'Arris    Boughali reçoit des représentants de l'Association des parlementaires algériens        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'œuvre inachevée de Si Mostefa Ben Boulaïd
Publié dans Le Soir d'Algérie le 06 - 05 - 2020


Par Dr Boudjemaâ Haichour, chercheur universitaire
Ecrire l'histoire de la Révolution du 1er Novembre 1954 dans la région des Aurès Némemcha nous invite à bien reconstituer les faits et le rôle des hommes ayant contribué à la fois en tant qu'acteurs et témoins dans un puzzle difficile à reconstituer. Les quelques années passées en tant que mouhafedh du parti FLN de Batna entre 1986 et 1990 m'ont permis de rencontrer les moudjahidine qui ont eu à raconter les différentes phases du combat libérateur tant du vivant de Si Mostefa Ben Boulaïd qu'après sa mort.
Corriger les déviances de l'Histoire
C'est le moment où les langues se déliaient et où chacun narrait, à sa manière, ce qu'il a vécu. Après de longues années de silence, le pouvoir a autorisé l'écriture de l'histoire afin de corriger les écrits des historiens coloniaux et apporter les éclairages nécessaires. On est en 1986 et le Président Chadli permit aux six wilayas historiques et à la Fédération FLN de France d'organiser des séminaires regroupant acteurs, témoins et historiens pour en débattre et consigner les débats dans des recueils.
A chaque cérémonie de recueillement le 23 mars, mois du décès de Si Mostefa Ben Boulaïd, j'invitais à la salle de conférences de la mouhafadha différents responsables des wilayas historiques qui intervenaient à l'occasion sur le parcours de Mostefa Ben Boulaïd.
Les intervenants répondaient aux questions des participants en majorité des étudiants. Tout était enregistré en VHS et nous permettait de garder les bobines à des fins d'archives. Ces rencontres étaient riches d'informations sur la wilaya des Aurès Némemcha. Nous sommes dans les montagnes des Aurès qui séparent Constantine du désert, où les cimes atteignent des hauteurs qui donnent le vertige.
Mémoire de Si Mostefa et retrouvailles du 23 mars
Une forêt dense envahie de chênes. L'hiver dans cette région du mont Chélia est rude et la population depuis des millénaires est rebelle à toute forme d'invasion. Durant les cérémonies du 1er Novembre 1954, c'est le temps des retrouvailles des moudjahidine. C'est aussi des moments de recueillement et d'évocation des chouhada tombés au champ d'honneur.
Je ne ratais aucune occasion pour parler du contexte qui a permis aux moudjahidine d'infliger de lourdes pertes durant les combats contre les soldats français. Evidemment, chacun les décrivait à sa manière. Les Aurès Némemcha étaient l'épicentre de la Révolution.
C'est là où les premières opérations ont eu le plus grand retentissement par rapport aux autres régions du pays. D'ailleurs les autorités coloniales ont longtemps considéré ce territoire comme stratégique dans le dispositif militaire de l'ALN.
Ma rencontre avec le commandant Mostefa Bennoui
Mais dans la trame des idées, ma première rencontre fut avec le commandant Si Mostefa Mérarda, dit «Mostefa Bennoui», lors de notre élection en tant que députés à l'APN de 1977-1982. Si Bennoui est né le 21 août 1928, à Chaâbat Ouled Chlih, dans la commune de Batna. Il était attaché militaire à Bagdad lorsque le Président Boumediene l'avait rappelé pour être candidat à la députation. Je venais d'être élu pour la circonscription de Constantine en tête de liste.
C'est en marge de nos séances parlementaires que mon intérêt fut porté sur la situation qui a prévalu durant la guerre de libération dans les Aurès. Il me raconta que le groupe de Grine Belkacem (à ne pas confondre avec Krim Belkacem de Kabylie) tenait sa réunion dans sa ferme de Kasrou, un certain 14 novembre 1954, devenant un refuge ou «merkaz» découvert par l'ennemi. Recherché, il rejoint le maquis durant sept ans, jusqu'à devenir du mois d'avril 1959 à avril 1960 chef de wilaya par intérim lorsque Hadj Lakhdar a été rappelé par le Nidham en Tunisie.
Force d'écoute et capacité d'organisation d'un leader
Pour parler des dirigeants de la Wilaya I Aurès Némemcha, personne ne peut s'approprier le titre de premier responsable de cette contrée maquisarde en dehors de Si Mostefa Ben Boulaïd. Il est l'un des fondateurs du FLN. Sa capacité d'organisation, sa force d'écoute, son intégrité et son autorité morale le placent comme leader sans rival.
Durant son voyage en Libye, il désignera Bachir Chihani pour gérer la Wilaya I. Mostefa Ben Boulaïd fut arrêté par les forces coloniales le 11 février 1955 à la frontière algéro-libyenne pour achat d'armes.
Il s'évade de la prison de Coudiat de Constantine
Il est condamné à mort et incarcéré à la prison de Coudiat de Constantine dont il s'évade le 11 novembre de la même année. Mostefa Ben Boulaïd était membre de l'OS, du Crua et du Groupe des 22 qui élit une direction collégiale de cinq membres composée de Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M'hidi, Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf et Mourad Didouche.
Cette instance de la Révolution a appelé au boycott la conférence des centralistes du 10 juillet 1954 et le Congrès extraordinaire messaliste d'Hornu. Krim Belkacem se joint à l'instance qui va arrêter la date du déclenchement de la Révolution.
La rupture avec le zaïmisme messaliste
Messali est dépassé. Les militants vivent la crise interne du MTLD dont le zaïm n'arrive pas à comprendre la nouvelle génération de militants. La rupture est donc consommée où les plus hésitants rejoignent le FLN dont Krim Belkacem, maquisard en Grande-Kabylie depuis 1947, renforce, par son charisme, le Comité des cinq qui décidera du 1er Novembre 1954.
Dans l'Aurès-Némemcha, le PPA/MTLD a jeté son dévolu sur des hommes qui seront porteurs des idées de libération nationale parmi lesquels Mostefa Ben Boulaïd des Touaba, Hadj Lakhdar Abidi des Ouled Chlih, Bachir Chihani du Khroub, Adjoul Adjoul de Kimel, Abbas Laghrour de Khenchela, Ahmed Benabderazak (futur Colonel Si Haoues) à M'chounech, dans le Sud, qui seront engagés sous l'étiquette du FLN au lendemain du déclenchement de la Révolution.
On peut dire que c'est Mostefa Ben Boulaïd, militant du MTLD, négociant dans le commerce et propriétaire d'une ligne de transport de voyageurs, l'homme-clé qui va faire basculer l'Aurès Némemcha dans la lutte armée. La région d'Arris où la Révolution devait s'étendre à Batna, Chélia, Aïn Touta, Khenchela, Barika, El Kantara, Biskra, Tébessa étaient sous le commandement de Si Mostefa Ben Boulaïd.
Commandos de choc du Chélia au djebel Djorf
Mostefa Bennoui se rappelait de la venue de Abbas Laghrour accompagné de Chihani et d'Adjoul à Oustilli rassemblés avec les chefs de groupe Nouichi,Torche, Hadj Lakhdar, Benakcha, Nouaoura, Aïssi où il a eu à former un commando pour les opérations de choc pour frapper partout sans se tenir à la limite de la zone.
Ayant été choisi, Boulakouas devait se désister au profit d'Ahmed Azoui qui avait l'avantage d'avoir fait son service militaire et diriger donc ce groupe de choc. Les premiers éléments de ces commandos furent Sadek Chebchoub et Ahmed Gadda qui ont accompli des opérations grandioses de fidaïne à Oued Abdi, Arris, Khenguet Sidi Nadji.
Mais émerge un conflit entre chefs de zone avant le voyage de Mostefa Ben Boulaïd en Libye et en Tunisie pour s'approvisionner en armes pour la Révolution. Il forme les différents groupes et leurs responsables.
- Le groupe Abdelhafidh Torche et son adjoint Hamouma Kadir : Barika, M'sila, Hodna.
- Le groupe Réaaili et ses adjoints Ahmed Belarbi Zérouali et Ali Nemer : Sétif, Bordj Bou-Arréridj jonction avec les Wilayas I-II-III.
- Le groupe Mohamed Chérif Benakcha et son adjoint Hadj Driss qui revenait de Palestine volontaire depuis 1948 : Aïn Touta, Metlili, El Kantara, Aïn Zatout, Ouastili, Larbaâ.
- Le groupe Mohamed Tahar Abidi (Hadj Lakhdar) : Batna et ses environs jusqu'à la ligne de chemin de fer frontalière des Wilayas I et II, Aïn Mlila, Beïda Bordj, Mérouana, El Eulma.
- Le groupe Tahar Nouichi et son adjoint Abdellah Ben Messaouada (Benmziti) : région du djebel Bouarif, Chemora, Gourzi, Aïn M'lila et Aïn Kercha.
Hommage à Hihi Mekki, intellectuel révolutionnaire
Après avoir cité nommément ces groupes, Mostefa Bennoui n'a pas oublié le nom de Hihi Mekki, brillant combattant, ancien militant du PPA/MTLD mais surtout à l'UGEMA.
Il était maître d'internat au lycée franco-musulman de Constantine et créa le journal L'Essor estudiantin. Avant de rejoindre la Zone 1, il fut arrêté et interné au camp de Djorf où il a réussi à s'enfuir. Il sera chef de la Zone 1 lorsque Mohamed Lamouri part en Tunisie.
Hihi Mekki tombe au champ d'honneur dans un combat meurtrier lors d'un accrochage le 25 décembre 1958 à Djezzar, près de N'Gaous alors qu'il prenait la route pour la Tunisie, il devait se rendre à une réunion du commandement de la Wilaya I.
SI Mostefa Bennoui raconte son baptême du feu
Si Mostefa Bennoui raconte dans ses mémoires son baptême du feu lorsqu'il allait rencontrer dans le groupe de Hadj Lakhdar Si Mostefa Ben Boulaïd, qui venait de s'évader de la prison de Constantine. Le rendez-vous devait être à Hamla (Condorcet) à quelques kilomètres d'Ouled Chlih lorsqu'ils tombèrent dans un accrochage dans le Ravin Bleu.
Hadj Lakhdar Abid, un fidèle de Si Mostefa Ben Boulaïd
Dans notre groupe commandé par Hadj Lakhdar prirent part à cette opération Makhlouf Bouguenna, Amor Saïd, Mohamed Hadjar, Ali Némiche. Il y eut deux blessés, Hammou Bouzzouh et Saïd Abdaoui. Ils récupérèrent à l'occasion minutions et sacs à dos. Ils reprirent la nuit tombée vers Oued El Ma (près de Mérouana) ramenant avec eux Hammou Bouzzouh, grièvement blessé, à Ahmed Sba qui le transportera à El Eulma pour des soins.
C'était vers la fin de l'année 1955, devait dire Si Mostfa Bennoui que nous avons rencontré à Oustili, vers djebel Lazrag, au markaz de Si Hmida Maâche, Si Mostefa Ben Boulaïd évadé de la prison de Constantine. Il était en compagnie de Si Abdelhamid Amrani, enseignant qui a milité à ses côtés au PPA. Hadj Lakhdar les raccompagne à Tafrent.
Lamouri-Gadda-Nemer-Yalaoui en mission chez Krim
C'est en ce moment que Si Mostefa Ben Boulaïd devait charger Mohamed Lamouri et Ahmed Gadda de se rendre chez Mostefa Raili dans le secteur de Sétif pour se rendre en mission en compagnie d'Ali Nemer et cheikh Yalaoui en Kabylie, porteurs d'un message à remettre à Krim Belkacem.
L'autre rencontre de Si Mostefa Ben Boulaïd, nous raconte Si Bennoui, c'est celle avec Adjel Adjoul à Tamenchart, dans la contrée de Kimel, en présence de Salah Lalmani. Puis à Boudr avec les frères moudjahidine Mostefa Ghogali, Abdelhafidh Soufi et Messaoud Belhadj Mokhtari. Si Belgacem Chatri qui rapporte les faits à Si Benoui raconte qu'en recevant Ben Boulaïd, Adjoul confirme à ses éléments en leur disant : «Voici Si Mostefa Ben Boulaïd, c'est notre chef à tous.»
A Tafrent-Tikhoubay, en janvier 1956, Si Mostefa Ben Boulaïd réunit les responsables de la Zone 1 : Hadj Lakhdar, Abdelhafidh Torche, Mostefa Raiili, Mohamed Chérif Benakacha et ceux de la Zone 2 : Meddour Medour, Ahmed Azoui, Messaoud Aïssi, Mostefa Boucetta et Tahar Nouichi pour s'enquérir de la situation dans ces régions.
Mort prematurée de Si Mostefa Ben Boulaïd
Mostefa Ben Boulaïd venait de récupérer un poste de transmission et de réception parachuté par les services français en plein brouillard avec le courrier des lettres timbrées des soldats. Il chuchotait à l'oreille de Hadj Lakhdar qui lui rétorquait que ça doit être un piège et qu'il faut se méfier. Mais Si Mostefa Ben Boulaïd voyait en ce poste un moyen pour intercepter les messages de l'ennemi.
Ce poste n'était pas muni de batterie. Il demanda qu'on lui ramène cette batterie pour le mettre en fonction. Si Mostefa Ben Boulaïd est sorti pour les récupérer. En maniant le poste pour introduire l'alimentation, une forte explosion délabrant tous les murs se produit dans la pièce où se trouvait Ben Boulaïd.
Les héros meurent jeunes
Avec lui Si Abdelhamid Amrani était mort amputé de sa jambe de même que Si Ali Baazi, Si Med Benakacha et Si Foudil Djilali. Si Ali Benchaïba a perdu son œil et n'entendait plus, Si Mostefa Boucetta, Si Meddour, Azoui, Si Rabah El Ouahrani, Si Belkacem Zérouali et Si Chérif Rabhi ont également été blessés. Et sans attendre l'aube, nous avons creusé les tombes et enterré nos morts dans une nuit glaciale, à trois mètres du lieu de l'explosion, raconte Si Mostefa Bennoui dans ses mémoires.
Les retrouvailles de la mémoire
La mort de Si Mostefa Ben Boulaïd a fait l'objet de nombreux commentaires. Chacune des parties voulait accuser l'autre sans preuve évidente surtout que Si Mostefa était très méfiant de tout ce qui venait de l'ennemi. Il faut dire que les rencontres que j'organisais en tant que commissaire politique dans la mouhafadha FLN n'a pas relevé des accusations mais beaucoup plus des commentaires. D'ailleurs les débats organisés et enregistrés chaque 23 mars entre 1986 et 1989 auxquels assistaient des moudjahidine de la région et des responsables d'autres wilayas n'ont pas pointé du doigt que les services opérationnels de l'armée française. Il y a eu une telle confusion après la mort de Ben Boulaïd que personne ne pouvait accepter ni admettre la thèse du complot.
Du témoignage d'Ali Benchaïba sur la mort de Mostefa Ben Boulaïd livré, enregistré et transcrit dans les mémoires de Mostefa Bennoui, «il rappelle qu'il était en réunion dans le groupe de Mostefa Ben Boulaïd à Kimel, qu'a chargé à notre départ Si Mostefa, Boucetta et moi-même accompagnés de cinq djounoud d'aller à Magtaâ el Hadjadj face à Dachret Ouled Moussa, pour informer un autre groupe que Si Mostefa Ben Boulaïd les attendraient à djebel Lazrag. Mais ce groupe s'est accroché avec les soldats français. Les moudjahidine leur ont pris cinq fusils de guerre. C'est ce que nous ont dit les citoyens avant de nous rendre chez Si Mostefa Ben Boulaïd pour lui faire part de cette mission qui n'a pu aboutir.
Ali Benchaiba témoigne de la mort de Si Mostefa
Un poste émetteur-piège parachuté par l'ennemi
«C'est en ce moment que Ali Benchaïba avait pris connaissance de ce poste émetteur-récepteur par Si Mostefa Ben Boulaïd dont la puissance pourrait atteindre les 200km qui nous permettra de joindre facilement Tunis et les liaisons entre les différents commandements. Les postes qu'ils avaient ne dépassaient pas les 5 à 10 km.
Et c'est à Si Ali Baazi qu'il demanda de lui apporter la batterie. Chacun rejoignit son lieu d'hébergement. Nous avons demandé à Omar Ben Boulaïd, frère de Si Mostefa, de nous désigner un djoundi qui sait pétrir la galette et de nous préparer un repas. En ce moment Si Mostefa lisait son courrier. Le poste était déposé sur deux piles de tracts parachutés par les avions ennemis ramené à Kimel. En l'ouvrant, ce poste avait 14 boutons pour capter les ondes et les fréquences. En actionnant les deux grands boutons l'un a émis un tac et le second a fait exploser le poste piégé causant une grande déflagration. Il y avait quatre hommes : Abdelhamid Amrani, Ali Baazi, Mahmoud Benakcha et un déserteur oranais.» Tels étaient les propos d'Ali Benchaïba. Ainsi donc la succession à Si Mostefa Benboulaïd devenait complexe eu égard au manque de consensus pour en désigner un successeur.
Echec du consensus à la réunion de Tibhirine
La réunion de Tibhirine n'a pas pu aboutir à l'élection du successeur, pas même par son frère Omar. Elle s'est heurtée à l'absence de consensus entre les différentes parties dans les Aurès-Némemcha.
Il était impossible de choisir son successeur originaire des Touabas, ni du côté des Béni Mloul ou des Béni Bouslimane. Etait-il possible de voir du côté des Némemcha représenté par Lazhar Cheriet, ou de Khenchela représenté par Abbas Laghrour, d'Oued Souf représenté par Tayeb Larbi, d'Aïn Beïda représenté par Hadj Ali Hamdi Al Harkati ou d'Oum Bouagui représenté par Ammar Rajaii ? Mais compte tenu de la difficulté de liaison, il était aussi impossible de réunir les conditions sans la présence des mintaqas. Alors que Mostefa Ben Boulaïd était mort, des accusations sans fondement fusaient de toutes parts. Il y a eu l'absence de la délégation des Aurès-Némemcha. La réponse à la lettre transmise à Kim Belkacem auparavant par Med Lamouri, Ahmed Gadda, Mostéfa Raili et Cheïkh Youcef Yalaoui n'a pas pu lui parvenir car la délégation fut interceptée par les messalistes. Cette lettre fut égarée malgré les négociations qui ont eu lieu entre FLN et MNA pour libérer des messalistes emprisonnés en Kabylie. Personne ne connaît la teneur de la réponse de Krim à Mostefa Benboulaïd. Durant cette période, la Wilaya I n'avait pas de commandement général. Chihani était mort. Abbas Laghrour était sur la frontière tunisienne. Il n'y avait que des commandements de zones.
Aurès-Némemcha absente au Congrès de la Soummam
La délégation des Aurès-Némemcha n'a pas pris part aux travaux du Congrès de la Soummam qui a chargé Brahim Mezhoudi, Zighoud Youcef et Amar Benaouada de se rendre en Wilaya I, Tébessa et Khenchela pour porter les décisions de la rencontre de la Soummam.
Amirouche a, de son côté, été chargé de se rendre à M'Sila, Barika et Batna, pour la même mission. Il faut dire que Si Amirouche fut accueilli à la frontière de la Wilaya III au Mansourah avec tous les honneurs par les frères de la Wilaya I, Omar Benboulaïd, Hadj Lakhdar, Mostefa Bennoui, Mohamed Lamouri, Nouaoura, Ali Nemer et d'autres.
Nous nous dirigeâmes vers Kimel où se trouvait le PC de la Wilaya I, écrivait Si Bennoui dont les responsables de la Wilaya I considéraient Si Amirouche comme sincère et qu'il pouvait trancher tous les problèmes en suspens après la mort de Si Mostefa Benboulaïd. Cette contribution sur le récit des difficultés qui ont marqué les Aurès- Némemcha après la mort de Si Mostefa Ben Boulaïd n'a pas eu de graves conséquences sur la continuité de la Révolution.
La grandeur de la Révolution du 1er novembre l'emporte sur les ambitions des hommes, fussent-elles légitimes
Le manque de commandement général a laissé les mintiqas continuer la lutte contre l'ennemi en attendant de trouver un consensus pour trouver un successeur à Si Mostefa Ben Boulaïd. Cette révolution populaire et sa grandeur l'emporteront sans nul doute sur les dissensions entre les frères dans la course au leadership. Chihani, Ali Nemer et de nombreux moudjahidine sont morts pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Nous reviendrons en détail dans une autre contribution où nous retrouverons des témoignages tels que ceux de Si Salah Goudjil et Si Tahar Zbiri sur la mort de Si Mostefa Ben Boulaïd et les divergences sur les récits des uns et des autres. C'est pourquoi, je me suis arrêté juste aux conditions de la mort de ce lion des djebels des Aurès-Némemcha tels que nous les avons enregistrées à l'occasion du 23 mars, date de la commémoration de la mort de Si Mostefa Ben Boulaïd que Dieu ait son âme. Gloire à tous nos martyrs.
B. H.
Notes de lecture :
1- Gilbert Meynier : Histoire intérieure du FLN 1954/1962. Editions Casbah Alger 2003.
2- Mostefa Mérarda Bennoui : Sept ans de maquis en Aurès . Editions Dar el Houda Aïn Mlila 2004.
3- Tahar Zbiri : Mémoires du dernier chef historique des Aurès. Editions Anep Alger 2010.
4- Mohamed Harbi : Les archives de la Révolution algérienne. Editions Jeune Afrique 1983.
5- Extraits enregistrements VHS des débats sur la mort de Si Mostefa Benboulaïd. Mouhafadha FLN Batna 1986-1988.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.