Par Leïla Aslaoui Hemmadi Au moment où le confinement, de l'avis des membres de la Commission scientifique, s'acheminait vers une baisse tant des contaminations par le Covid-19 que des décès, voici qu'une hausse fulgurante des contaminés a été enregistrée en quelques jours. Augmentation que l'on situerait juste avant le Ramadhan, mais surtout durant ce mois de jeûne. La raison ? L'indiscipline, l'irresponsabilité et la capacité de nuisance de ceux, nombreux, qui violent les règles de prévention décrétées par l'Etat pour venir à bout de la pandémie. Ils ne sont pas inconscients, ils ne sont pas incapables de discernement. Non, ces personnes, plus dangereuses que le Covid- 19, ont décidé sciemment et consciemment de porter préjudice à leurs compatriotes. Les appels à la sagesse, à la raison sur les chaînes télévisées nationales ne les concernent pas. Les chiffres de 4 858 nouveaux cas contaminés et 470 décès (6 mai 2020) les laissent totalement indifférents. Les exemples de ces comportements nuisibles ne manquent pas et à titre indicatif j'en citerai quelques-uns car la liste est autrement plus longue. A la mesure bienveillante de l'Etat autorisant des commerçants à reprendre leurs activités durant ce mois sacré, ces derniers, préoccupés par leur obsessionnel appât du gain, ont transformé ce qui aurait pu être une opportunité pour eux de revenir peu à peu à une vie normale en une périlleuse anarchie. Faire des affaires avant l'Aïd sans prendre la moindre précaution de prévention en exigeant de la clientèle le respect de la distanciation et le port de masque. Côté clients, ce n'était guère mieux. Entassés à l'intérieur des magasins, épaule contre épaule, qui donc aurait osé leur parler du Covid-19 ? Que dire des images retransmises des marchés par les chaînes de télévision nationales où hommes, femmes, jeunes, vieux et même enfants ne parvenaient plus à avancer tant ils étaient nombreux ? Bien entendu, sans la moindre précaution d'usage. La présence des enfants en ces lieux (marchés) était la plus choquante. Si l'on demandait à ces pères de famille s'ils seraient d'accord pour que leurs fils ou leurs filles reprennent le chemin de l'école, ils répondraient non. Mais alors pourquoi les amener dans des endroits plus dangereux qu'un établissement scolaire ? Le devoir d'un père ou d'une mère n'est-il pas de protéger ce qu'ils ont de plus cher au monde : leurs enfants ? Et dans ce contexte difficile, le meilleur endroit pour eux est la maison en attendant des jours meilleurs. A ce propos, j'ouvrirai une parenthèse. Il s'agit d'une publicité retransmise par les chaînes de télévision nationales pour la promotion d'un médicament antimigraineux. Rien d'anormal si ce n'est qu'une mère de famille se plaint de maux de tête lancinants parce que trop sollicitée par ses enfants confinés. «Ils me rendent folle», l'entend-on se plaindre. Par temps de confinement, cette publicité est contre-productive car en sus de culpabiliser des enfants, il semblerait qu'elle conseille d'envoyer ces derniers jouer dans la rue pour que maman puisse goûter au repos. Ne serait-il pas plutôt judicieux de nous montrer une mère de famille impliquée avec ses enfants confinés et partageant de bons moments avec eux ? Par temps de Covid-19, le «Dolo... machin» (médicament) est vraiment le cadet de nos soucis. Cette parenthèse étant fermée, je reviens aux exemples. Un internaute a diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux montrant des hommes accomplir leurs prières surérogatoires (tarawih) dans un garage. Si ces croyants demeuraient dans leur garage et qu'ils n'en sortiraient pas, sincèrement ils ne seraient pas gênants puisqu'ils ne seraient pas dangereux pour la communauté. Cela ressemblerait à un suicide collectif. Un choix et une liberté. Malheureusement, ils quittent bien évidemment leur garage (est-ce un endroit pour prier et se recueillir ?) et deviennent de dangereux contaminateurs pour les membres de leurs familles, pour leurs voisins. Une personne contaminée en contaminerait trois autres, dit-on, le calcul est vite fait et l'on comprend pour quelles raisons les chiffres ont grimpé. Par ailleurs, croire en Dieu est-ce porter atteinte à la communauté en accomplissant des prières en groupe sachant que cela représente un danger ? Mieux encore, Dieu n'a-t-il pas recommandé, avant les tarawih, de ne jamais nuire à un autre croyant ? Autre exemple. Une personne habitant Alger-Centre a vu de son balcon un policier demander poliment à un monsieur d'un âge certain, sorti après le couvre-feu, de rejoindre son domicile. Réponse de l'interpellé : «Je ne peux pas rester à la maison, j'angoisse.» Qui donc éduquer ? Les vieux ? Les jeunes ? De même que ne pas avoir «zlabiat Boufarik» pour accompagner son thé n'est pas mortel. Nous savions depuis de nombreuses années que le caractère spirituel du Ramadhan a disparu pour être remplacé par une orgie alimentaire. Celle qui semble rendre fous les consommateurs de n'importe quoi quelques jours avant le mois du jeûne. Des témoins oculaires ont assisté à des empoignades musclées entre messieurs pour de la semoule et de la farine. Lesquelles ont terminé leur parcours sous forme de pains dans les poubelles. Alors que recherchent donc ces indisciplinés qui violent le couvre-feu et font tout ce qu'il ne faut pas faire dans ce contexte de pandémie mondiale ? Que veulent-ils prouver, eux qui sont responsables de la hausse des cas de contaminations enregistrés ces jours derniers? Ils appartiennent à la catégorie contre laquelle il faut sévir, car c'est l'unique langage qu'elle comprend. Et j'assume pleinement mon propos. L'Etat, depuis 1988, a brillé par son absence, l'islamisme, la décennie noire et les vingt ans de A. Bouteflika ont fait le reste. La fermeture des commerces et l'interdiction d'accès aux moins de 16 ans dans des lieux publics est une lueur d'espoir et surtout la réappropriation par l'Etat au plus haut niveau de son autorité mais aussi de l'espace public. C'est enfin l'unique moyen de neutraliser ceux qui ont décidé d'être plus dangereux que le Covid-19. Par ailleurs, afin de réduire à néant leur capacité de nuisance, les médias, via les chaînes télévisées, plutôt que de diffuser des caméras cachées au contenu débile d'une extrême violence, devraient se mobiliser pour stigmatiser, dénoncer ces comportements dangereux. Cela serait un apport complémentaire à l'action de l'Etat et des services de sécurité qui ont certainement mieux à faire que de pourchasser de potentiels contaminateurs. Si réellement et sincèrement nous nous sentons concernés, il ne suffit plus de dire «Restez chez vous», mais «Restez chez vous que cela vous plaise ou vous déplaise». Ainsi verrons-nous le bout du tunnel. L. A. H.