Par Leila Aslaoui-Hemmadi Sans doute, certains jugeront ma réaction à la diffusion de l'émission en date du 26 mai Algérie mon amour tardive. C'est volontairement que je n'avais pas entendu livrer mon opinion à chaud. En effet, à l'instar de nombreux compatriotes, j'étais en colère. Celle-ci étant mauvaise conseillère, j'ai préféré le retour de la sérénité pour ne pas être accusée de subjectivisme. J'ai surtout attendu la position de la France officielle après le rappel salutaire de notre ambassadeur en France, monsieur Salah Lebdioui par l'Etat algérien pour consultation. Je l'ai attendue car je craignais que l'on se cache une nouvelle fois derrière la liberté d'expression devenue, à l'égard de mon pays, trop souvent la liberté d'outrager les institutions de l'Etat, (surtout l'Armée populaire nationale, une arête restée en travers de la gorge de nombreux Français tantôt nostalgiques de «l'Agérie d'avant» tantôt rêvant d'un printemps avec barbes et qamis). Dans la soirée du 2/3 juin, le Président Emmanuel Macron a appelé au téléphone le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, pour déclarer après cet entretien téléphonique «l'impulsion de nos relations bilatérales est prometteuse». En clair, cela signifie que l'Etat français n'était en rien impliqué ou concerné par l'émission de F5 à laquelle il faut adjoindre celle de la chaîne télévisée Public Sénat Promesses de l'aube, la même soirée. Il nous faut, dès lors, nous tourner du côté des lobbys, ceux que le président de la République, dans son discours prononcé au ministère de la Défense nationale (baptisation du siège de l'état-major de l'ANP au nom du défunt Ahmed Gaïd Salah, Allah yarahmou), a qualifiés de haineux, envieux et jaloux de notre pays. Se tromperaient lourdement ceux qui estimeraient ces paroles vides de sens ou politiciennes. Celles et ceux qui ont eu à combattre ces lobbys durant les années sanglantes du terrorisme islamiste n'éprouvent aucune difficulté à les identifier et à les débusquer là où ils se cachent. J'en citerai quelques-uns car ils sont nombreux. Les partisans du «qui-tue-qui ?» qui ne se sont jamais solidarisés avec leurs confrères et consœurs algériens assassinés, leur mission ayant été d'absoudre les véritables assassins et de pointer leur doigt accusateur sur l'armée algérienne. Les ONG des droits de l'Homme sélectives dans leurs causes. Tonitruantes lorsqu'elles évoquent l'Algérie, silencieuses quand il s'agit des enfants de Ghaza. Ou encore Reporters sans Frontières. Tous, sans exception, rêvaient d'une Algérie plongée dans le chaos. Ils auraient alors, en parfaits «humanistes», volé à son secours exactement comme l'ont fait Nicolas Sarkozy et le petit soldat Bernard-Henri Lévy en Libye. Nous connaissons le résultat... Mais voilà que leur rêve a viré au cauchemar parce qu'ils ne croyaient pas à l'élection présidentielle de décembre 2019. Après la chute de Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril 2019, ils avaient cru que leur heure était arrivée. Qui, en effet, sans Etat aurait pu décréter en février 2020 la fermeture des établissements scolaires, lieux publics, commerces inutiles le confinement, le couvre-feu et le port obligatoire du masque sous peine de sanctions pénales ? Contrairement à leurs calculs, il y a un Etat qui fonctionne avec l'ensemble de ses institutions. Cela n'occulte en aucune façon les difficultés économiques réelles aggravées par le Covid-19. Mais, même dans ce domaine, l'on ne saurait nous donner des leçons car la pandémie mondiale aura eu pour mérite d'embarquer dans un même navire petits et grands. Et je me permettrai de redire que nous n'avons nullement à rougir de la gestion de le crise sanitaire, rendue plus difficile qu'ailleurs en raison des compatriotes indisciplinés ou incrédules. Dépités, déçus, qu'allaient donc inventer les lobbys dans leur énième tentative diabolique contre l'Algérie ? Le Hirak ! Un thème porteur. Pour ce faire, ils ont fait appel, comme à leur accoutumée, à leurs porte-voix qui ont vendu leur âme pour un ticket de restaurant ou de métro en les chargeant de déverser leur fiel. Et c'est ainsi qu'un certain Mustafa Kessous s'est vu tendre la caméra de F5. Un «journaliste» dont on n'a jamais rien lu, comme le rappelle l'écrivain Tawfik Belfadhel dans sa contribution parue sur le site du matin.com : «N'ayant pas réussi à se faire un nom dans la presse en gribouillant, il (Kessous) a tenté la caméra pour créer le buzz.» Et c'est une succession d'images sans lien entre elles, sans cohérence, sans plan de travail, que F5 a qualifiée du nom prestigieux de «documentaire». Dans un documentaire, on sent l'empreinte de son auteur. Dans le «film» de 70 minutes qui ne peut même pas être appelé reportage tant était criante la nullité de son auteur, il y avait essentiellement la marque de fabrique de F5 et autres lobbys cachés. Non seulement le Hirak, mouvement populaire exprimant «le rêve brisé d'un peuple» (M. Kennouche sociologue), dénonçant la corruption, l'inculture, les discriminations faites aux femmes, a été totalement travesti, voire insulté mais, plus grave encore : le Hirak du 22 février 2019 a été réduit à des fantasmes et des désirs de jeunes gens et jeunes filles très personnels et qui se sont exprimés au nom du Hirak quand bien même ils s'en défendent aujourd'hui. Tous, sans exception, ont pourtant affirmé avoir participé aux marches hebdomadaires du Hirak et partagé ses aspirations. Le mouvement populaire du 22 Février, qui a suscité l'admiration du monde entier, a abouti à la chute de A. Bouteflika le 2 avril 2019 lorsque, toute honte bue, il avait osé briguer un cinquième mandat. Le Hirak avait demandé qu'il soit mis fin à la corruption à un haut niveau et que cesse l'impunité. Cette revendication fut satisfaite avec l'arrestation, la mise en détention et la condamnation de hauts responsables dont deux anciens Premiers ministres, des ministres, des hauts fonctionnaires, des affairistes plutôt qu'hommes d'affaires, le frère de A. Bouteflika et ce n'est sans doute pas fini. Ce fut là les vingt ans de Bouteflika qui encouragea l'émergence d'une véritable association de malfaiteurs, selon l'article 176 du code pénal : «Toute entente formée dans le but de préparer des crimes ou des délits contre les personnes et les biens, quels que soient le nombre de ses membres et sa durée est une association de malfaiteurs par la seule résolution d'agir en commun.» Ce sont là les beaux acquis du Hirak avant qu'il ne connaisse des déviations. Et s'il figure dans le préambule de l'avant-projet de la Constitution, c'est que ses luttes n'ont pas été vaines. Mais nulle trace de ses acquis et revendications dans Algérie mon amour. Il a servi d'alibi, de faire-valoir à Kessous en quête de notoriété. Et c'est ainsi que ce dernier a choisi un angle ô combien réducteur en recueillant des témoignages de jeunes filles et jeunes gens qui lui ont confié en n'hésitant pas à s'exposer face à la caméra leur conception de la liberté — la leur — à savoir consommer de l'alcool, fumer (pour les filles) et donner libre cours à leurs fantasmes et désirs sexuels. C'est évidemment leur droit le plus absolu, sauf qu'ils n'auraient pas dû s'exprimer au nom du Hirak, ni faire dans le voyeurisme et la provocation face à la caméra tendue par un homme trop heureux de faire le buzz. Enfin, il s'offrait la publicité dont il était privé. Le comportement de ces jeunes a été contre-productif pour eux- mêmes et pour les téléspectateurs qui avaient parfaitement le droit d'être choqués non pas au nom d'une hypocrisie sociale, comme l'affirment ceux qui défendent ces jeunes puisque, de toutes les façons, ce n'étaient pas leurs sœurs, leurs frères, leurs fiancées, mais au nom de deux choses essentielles : la première a pour nom la pudeur, la seconde est que ces témoignages ne reflètent pas la jeunesse algérienne dans toutes ses composantes. Celle que je connais est inventive, brillante et autrement plus intéressante qu'une jeune fille qui a osé se comparer aux vaillantes moudjahidate torturées durant la guerre de Libération. Sauf qu'elle aurait dû savoir que nos combattantes n'ont jamais pu révéler, au nom de la grande pudeur qui les caractérise, les atrocités qu'elles ont subies. Lorsqu'on évoque ces grandes dames, il ne faut surtout pas le faire avec vulgarité et indécence. De même qu'un homme a le droit de rêver «d'un romantisme surtout s'il est différent» sauf qu'il doit savoir — et il le sait — qu'une famille c'est un père, une mère et des enfants. Sa vie privée aurait pu demeurer privée si lui aussi ne se serait pas prêté au jeu malsain du voyeurisme face à la caméra. Aussi nul que fut le film, il a produit l'effet inverse : hirakistes ou pas hirakistes, tous furent unanimes pour dénoncer la manipulation et la mauvaise foi. Enième tentative des lobbys ? Et après ? A quand la prochaine ? Quant à Marina Carrère d'Encausse, animatrice habituellement de l'émission «Santé», elle est parfaite lorsqu'elle parle de l'asthme, de l'hypertension ; l'Algérie est un habit trop grand pour elle. L. A. H. P. S. : aujourd'hui, 5 juin, j'ai une forte pensée pour mon ami Fouad Boughanem décédé le 5 juin 2019. À son épouse, à sa fille, à toute l'équipe du Soir d'Algérie, j'exprime ma compassion.