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Mon Algérie bien-aimée
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 12 - 2019


Par Leila Aslaoui-Hemmadi
Mon Algérie Cette contribution déplaira sans doute à celles et ceux qui ne partageront pas mon opinion. Ce sera, bien évidemment, leur droit et leur liberté. Et si l'envie les prenait de m'injurier, ils auront tout loisir de le faire en actionnant leurs réseaux sociaux en se cachant derrière un pseudonyme. Ce sera encore leur droit. En tout état de cause, ce mode de communication n'est pas ma tasse de thé, parce que j'appartiens à la génération qui dit les choses franchement en regardant les yeux dans les yeux ceux et celles auxquels elle s'adresse. En outre, afin qu'il n'y ait aucun malentendu, je préciserai préalablement au fond que je ne demande rien et n'ambitionne sur rien. Ma condition de retraitée m'a fait découvrir l'immense bonheur de faire de son temps ce que l'on veut, quand on le veut. Cependant, nul ne pourrait m'interdire le droit de réagir aux événements de mon pays, car à l'instar de nombreux compatriotes, je n'ai aucune patrie de rechange. C'est ma fierté et ma richesse.
Le 12 décembre 2019, 9 millions d'Algériens dont moi se sont rendus aux urnes pour exprimer leur choix sur le nouveau président de la République. Les résultats ont donné monsieur Abdelmadjid Tebboune victorieux avec 58°/° des voix. Contesté par les «hirakistes», monsieur Tebboune a répondu avec beaucoup de sagesse face à la presse le 13 décembre dans la soirée , ainsi : «Je tends la main au Hirak et les portes du dialogue sont ouvertes.» Une éclaircie porteuse d'espoir ? Pourquoi pas? Durant le règne de Abdelaziz Bouteflika hormis 2004 où j'avais voté en faveur d'un de ses adversaires, je ne me suis jamais sentie concernée par 1999, 2009, 2014. Cela ne m'avait guère empêchée de contester tous ces mandats dans des chroniques publiées par l'équipe du «Soir d'Algérie» que l'on peut retrouver sur internet. C'était au temps où les rares voix qui avaient exprimé leur désaccord étaient couvertes par les insultes de celles et ceux qui courtisaient leur «roi» et qui jouent aujourd'hui aux opposants «hirakistes » après avoir bénéficié des largesses de leur bienfaiteur. Rares également avaient été les voix qui s'étaient indignées suite à la déclaration d'un ancien ministre, proche de A. Bouteflika, qui avait dit en 2014 : «Le Président n'a pas besoin de ses jambes pour gérer le pays.» C'est donc sciemment et consciemment que j'ai exercé mon droit d'électrice le 12 décembre parce que contrairement à ceux qui déclarent qu'il s'agit d'un cinquième mandat, je considère, pour ma part, qu'il n'en est rien car si l'on avait entendu imposer Bouteflika une cinquième fois, on l'aurait fait : Hirak ou pas Hirak. La modestie est souvent excellente conseillère en politique.
Ce rappel est destiné à ceux qui s'imaginent pouvoir donner aux autres des leçons de démocratie et de patriotisme, eux les «super-patriotes».
Par contre, mon refus de voter sous le règne de A. Bouteflika ne m'avait jamais amenée à me montrer intolérante au point d'interdire les autres de se rendre aux urnes. Parce que ma profonde conviction est que l'on a parfaitement le droit d'être contre des élections, mais l'on n'a absolument pas le droit d'entraver la liberté de ceux qui entendent exercer leur droit d'électeurs. Il s'agit là du «b.a.ba» du jeu démocratique, n'est-ce pas? Et pourtant ! Combien choquantes étaient des images retransmises par les chaînes télévisées montrant des personnes âgées molestées, insultées dans des bureaux de vote en France par des jeunes gens qui leur reprochaient d'exercer leur droit de citoyens. Choquantes disais-je ces images furent offensantes pour nous tous. Ces «vieux» auraient pu être nos parents. Avons-nous donc perdu notre âme, nos repères pour oublier que dès l'enfance on nous apprend à respecter les personnes âgées ? Ces comportements inadmissibles ont eu néanmoins l'effet inverse de celui escompté par leurs auteurs: des citoyens dubitatifs ou hésitants ont aussitôt décidé de se rendre aux urnes. Une petite consolation pour les victimes de ce qu'il convient d'appeler : terrorisme. Lorsque la violence verbale ou physique fait son apparition elle signifie que celui qui en fait usage dit «ou tu es avec moi ou tu es contre moi». Pour ma part, ces images ont fait surgir de ma mémoire celle du sinistre Nourredine Zerhouni alors ministre de l'Intérieur au service de A. Bouteflika, qui avait osé envoyer un questionnaire à des citoyens, les sommant de s'expliquer sur leur absence aux urnes lors des législatives de 2012. Mais qui donc dirait que Zerhouni était démocrate ? Personne. Par contre lorsqu'on défend les libertés l'on doit reconnaître le droit à d'autres le droit de penser différemment et de s'exprimer également différemment.
Plutôt que d'empêcher des citoyens (nnes) de voter, n'aurait-il pas été plus judicieux pour les hirakistes de proposer des candidats de leur choix, issus de leur mouvement ? Cela leur aurait permis non seulement de s'imposer mais aussi de dégager des figures emblématiques capables de les représenter. Entre le 22 février annonciateur de bonnes nouvelles et aujourd'hui la lisibilité est devenue difficile. Voire impossible. Veut-on le changement ? Veut-on diviser les Algériens et créer une guerre civile comme si la décennie noire ne nous avait pas happé nos meilleurs enfants ? Vers quoi ce mouvement s'achemine-t-il ? Et pourquoi a-t-il dévié ainsi ? A toutes ces questions certains répondront qu'il est exclu de dialoguer avec le régime incarné désormais par monsieur Abdelmadjid Tebboune. Décidément, nous autres Algériens souffrons d'amnésie collective. L'élection du 12 décembre 2019 nous aura enfin permis de clore définitivement la page noire de vingt années de règne de A. Bouteflika et de sa fratrie. Allions-nous demeurer sans Président laissant ainsi à A. Bouteflika doté d'un ego surdimensionné l'illusion qu'il était irremplaçable ? Allions-nous demeurer dans un vide institutionnel qui, peu à peu, nous aurait menés vers le chaos ? Avons- nous déjà oublié les vingt années de total mépris de Bouteflika à l'égard de son peuple qu'il avait traité de «sale et médiocre» ?
Je n'oublierai jamais l'image révoltante d'un professeur d'université malmené par l'ex-Président en visite à Oran. L'homme avait juste évoqué ses difficultés à se loger. Il n'avait pas bronché non pas par lâcheté mais par respect pour la fonction présidentielle. Aurions-nous déjà oublié vingt années de revanche de A. Bouteflika qui s'était cru le successeur et pourquoi pas l'héritier de feu le Président Boumediène en 1978 ? Aurions-nous déjà oublié que l'une des premières mesures prises par A. Bouteflika fut de «geler» les activités de la Cour des comptes parce que cette juridiction l'avait condamné à rembourser tous les montants de la Régie-devises qu'il avait utilisées à des fins personnelles lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères ? Aurions-nous déjà oublié la déliquescence de l'Etat totalement absent, celle des mœurs ?
Aurions-nous oublié l'infamante réconciliation nationale qui, au-delà d'avoir insulté les victimes du terrorisme et de leurs familles, a banalisé le crime et la mort puisque l'impunité était garantie ? Il suffit de se souvenir du nombre effarant de kidnappings et d'assassinats d'enfants dont les auteurs (pour ceux qui ont été jugés) dorment paisiblement en prison alors qu'ils ont été condamnés à la peine capitale. Aurions-nous déjà oublié le mensonge de A. Bouteflika déclarant à haute voix, arrogant et suffisant, qu'il avait ramené la paix dans notre pays ? La reddition des terroristes islamistes nous la devons à l'Armée nationale populaire et à elle seule. A. Bouteflika a ramassé la mise en 1999 après avoir refusé de devenir Président en 1994 lorsque la tempête était très forte. Il n'a jamais mouillé sa chemise durant les années sanglantes. Aurions-nous déjà oublié le verrouillage de toutes les libertés ? Comme si tout cela n'était pas suffisant, la corruption, mode de gouvernance de la fratrie Bouteflika, a fini par gangrener tous les secteurs. L'argent nauséabond s'est faufilé partout y compris dans le monde politique. La meilleure illustration demeurera le récent procès d'anciens ministres, de deux Premiers ministres, d'hommes d'affaires (je préfère d'affairistes) jugés par le tribunal de Sidi-M'hamed le 10 décembre 2019. Monsieur le Ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, nous avait prévenus que nous serions stupéfaits par les montants astronomiques dilapidés au détriment du Trésor public mais aussi des citoyens. Stupéfaits m'a paru un euphémisme. C'était nauséeux, abject et impardonnable. L'argent sale et la politique ont fait très bon ménage sous le règne de A. Bouteflika et sa fratrie. Et lorsqu'un des accusés a déclaré que la somme colossale découverte dan l'un de ses nombreux comptes était «des cadeaux», on ne savait plus s'il fallait rire ou plutôt pleurer.
Le procès retransmis par des chaînes télévisées privées nous a permis de constater par qui le pays était géré et de quelle manière ! Des responsables au plus haut niveau qui ont créé une autre Algérie pour eux, leurs enfants et leurs épouses. De folies en folies, ils étaient assurés de l'impunité et n'auraient jamais pensé être découverts un jour. Impunité garantie par la fratrie Bouteflika, notamment Saïd dont le nom a été cité maintes fois à ce procès. Et pour les citoyens qui n'y croyaient pas qui parlaient de cinéma... de comédie, ce procès les aura enfin convaincus que la justice de Tayeb Louh et de A. Bouteflika est morte et définitivement enterrée. Qui aurait parié il y a seulement quelques mois que «el-issaba» comparaîtrait devant deux jeunes magistrats, l'un président, le second représentant du ministère public dont la compétence, l'impartialité et l'endurance étaient des qualités incontestables . C'est tout cela le règne de Bouteflika et bien plus. Et je le redis : je n'ai pas attendu sa maladie puis sa chute pour le combattre. Aujourd'hui que monsieur Abdelmadjid Tebboune tend la main pourquoi la rejeter et lui préférer une situation de désordre qui nous entraînerait vers le chaos ? Pourquoi ne pas le croire lorsqu'il déclare que la politique ne sera plus ternie par l'argent sale ?
Faut-il rappeler aux mémoires défaillantes une image mettant en scène dans un cimetière algérois (enterrement de monsieur Réda Malek) Saïd Bouteflika et Ali Haddad condamné à sept années d'emprisonnement ferme le 10 décembre 2019 (tribunal Sidi-M'hamed) riant à gorge déployée et regardant à la dérobée A. Tebboune se tenant à quelques mètres d'eux en sa qualité de Premier ministre. Son sort avait été scellé à cet instant, parce qu'il s'était opposé d'une manière frontale à l'homme de main de Saïd Bouteflika, Ali Haddad. Abdelmadjid Tebboune fut remercié (août 2017). Incroyable et pourtant vrai : Ali Haddad qui n'a même pas été capable de distinguer entre le président du tribunal et le procureur en les appelant tous deux «M. le président, a fait limoger A.Tebboune au service de son pays depuis sa sortie de l'ENA. C'était cela la «Issaba».
Et l'on voudrait nous faire croire qu'il s'agit d'un cinquième mandat ? Jamais, non jamais il ne pourrait exister pire règne que celui que nous avons subi pendant vingt ans Pourquoi dès lors ne pas espérer ? Pourquoi ne pas juger le nouveau Président sur ses engagements et ses actes ? Pourquoi dire non à tout ? Ceux qui disent que cette élection ne réglera rien que proposent-ils ? Rien. N'avons-nous pas besoin urgemment d'une Constitution digne de ce nom ? Celle qui mettra fin à la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du président de la République comme voulu par A. Bouteflika.
N'avons-nous pas besoin d'un gouvernement dynamique qui relancerait rapidement l'économie et redonnerait ce qui serait essentiel pour nous : la confiance et l'espérance. Pour ce faire, il y a lieu de nous unir pour construire et non détruire, quelles que soient nos divergences. Cela interdira à certains «de prendre bonne note de l'élection». Ceux-là ont pourtant fort à faire avec leurs gilets jaunes, leur pays à l'arrêt, leurs casseurs. Comment donc trouvent-ils le temps de se mêler de nos affaires ? L'Algérie a toujours relevé les défis. C'est pour cette raison qu'elle demeurera jusqu'à mon dernier souffle MA BIENAIMEE. Celle pour laquelle Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi, Djamila Boupacha se sont battus la main dans la main.
L. A.-H.


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