Hadda Hazzam estime que l'ex-président de la République déchu sous la pression du mouvement populaire du 22 février doit être jugé ne serait-ce qu'à titre symbolique pour tout le mal qu'il a fait au pays. M. Kebci - Alger (Le Soir) - La directrice de publication du quotidien arabophone el Fadjr, réputée pour dire ce qu'elle pense, affirme que l'ex-président de la République déchu, Abdelaziz Bouteflika, «doit être jugé ne serait-ce qu'à titre symbolique». Invitée, hier dimanche, de l'émission hebdomadaire, LSA Direct animée par Hakim Laâlam, elle a estimé que, «pour éviter les scénarios de dilapidation des sommes astronomiques durant ces 20 dernières années, elle qui pense que nous ne sommes pas à l'abri de tels hold-up, il faut que la Cour des comptes fasse son travail. Bouteflika était furieux contre tout le monde, contre tous ceux qui l'ont jugé. Il a tout bloqué, surtout la cour des Comptes». Et de s'inscrire contre le propos tenu récemment par le chef de l'Etat, selon lequel Bouteflika ne sera pas présenté à la barre. «Je suis contre ce que Abdelmadjid Tebboune soutient à ce propos. Moi, je pense qu'on doit le juger au moins à titre symbolique, car c'est lui le premier responsable, lui qui s'est vengé de l'Algérie à travers des gens». Par «gens», Hazzam fait allusion aux Premiers ministres, ministres et autres notabilités du sérail qui, de la prison, implorent le pardon, la mansuétude quand ils ne tombent pas dans la maladie et la dépression. Des «gens» auxquels elle avoue accorder une «compassion humaine, en dépit du mal qu'ils ont fait au pays». «Ils auraient pu dire non à Bouteflika ou démissionner», affirme-t-elle, elle qui dit «se ficher qu'un Ouyahia ou un Sellal soient en prison. Je veux que l'argent volé soit récupéré. Qu'ils rendent l'argent volé et mourir après chez eux», invitant dans la foulée, le président de la République à «honorer sa promesse de récupérer l'argent volé». Un président de la République à qui la directrice du quotidien El Fadjr dit concéder une «grâce» puisqu'elle estime qu'on «ne peut pas le juger maintenant au vu des problèmes qui sont venus, en même temps que son élection en décembre dernier». Et de soutenir que «la justice doit aller jusqu'au bout. On a fait la réconciliation sans que les terroristes demandent pardon. La même chose avec la corruption de l'ère Bouteflika. Il faut qu'ils rendent l'argent et reconnaissent leur tort». «Le Hirak a été parasité par les islamistes» Faisant une évaluation du mouvement populaire du 22 février 2019, Hadda Hazzam estime que cette insurrection citoyenne inédite a été «parasitée par les islamistes». À l'appui de son constat, ce qu'elle dit avoir vécu «en personne». C'était lors du troisième vendredi du Hirak, se rappelle-t-elle, quand «j'ai été coincée par un groupe d'islamistes qui m'ont insultée, prise à partie car je suis, selon eux, une ennemie de l'islam par rapport à mes écrits et à mes interventions médiatiques. J'ai été même insultée par des femmes sans hidjab», témoigne-t-elle, ajoutant que c'était le confrère Khaled Drareni qui «m'a fait sortir de cette mauvaise passe». Pour elle, les islamistes entamaient là l'islamisation du Hirak, une «tendance qui veut récupérer le beau travail accompli par les Algériens» et qui s'est accentuée au fil des vendredis d'après avec, dit-elle, «des carrés de barbus qui font resurgir le fameux «qui tue qui ?», qui revenait alors en force». Ce qui, ajoute-t-elle, «m'a choquée», elle qui soutient que «le Hirak c'était toute l'Algérie, un Hirak qui rêvait d'une autre Algérie, de la véritable indépendance et de se débarrasser de la issaba». Et de planter une banderille, elle qui pense que «mettre un janviériste en prison leur (islamistes, ndlr) donne du crédit. Et juger Nezzar est un coup pour l'Algérie restée débout face au terrorisme». À propos des détenus d'opinion et de ceux du Hirak, la directrice du journal El Fadjr avoue «vivre très mal la détention de Drareni, quelqu'un que j'aime bien, un professionnel. Je ne sais pas ce qui est lui reproché. Je ne discute pas les décisions de la justice. J'espère que la justice fera son travail et le libèrera dans les plus brefs délais. Un journaliste en prison, ça fait mal et cela donne une mauvaise image du pays et je pense que Khaled est l'un des enfants de la nouvelle Algérie». «Tebboune est sincère et courageux» Et d'inviter le président de la République à «poursuivre ses mesures d'apaisement», considérant que celui-ci a «hérité d'un lourd legs dont il doit se débarrasser». Un chef de l'Etat que Hazzam qualifie de «sincère» et de «courageux, malgré tous les problèmes qui lui tombent sur les bras», elle qui dit le croire quand il affirmait récemment dans un entretien à un média étranger «ne pas s'éterniser au pouvoir». «Je pense que 5 ans lui suffiraient au vu de son âge, 80 ans quand il aura achevé son mandat actuel», dit-elle, ajoutant que «l'Algérie nouvelle qu'il veut mettre sur pied a besoin d'un jeune d'expérience». M. K.